La plupart des associations se réjouissent de la « vision cohérente » portée par le rapport du groupe de travail Dekeuwer-Defossez, qui ne dissocie pas les questions de filiation et d'autorité parentale de celles du couple. Elles se félicitent de sa philosophie générale, qui tend à renforcer la responsabilité conjointe des parents dans l'éducation de l'enfant, quelles que soient les évolutions du couple. Pourtant, « nous avions quelques craintes, reconnaît Chantal Lebatard, responsable du département de sociologie et de psychologie de l'UNAF. Nous redoutions que la commission s'attache surtout à adapter le droit aux mœurs ». Or, celle-ci affirme que le droit est « un élément structurant de la société » et dégage des repères stables, sûrs et « compréhensibles par tous ».
Les avis sont évidemment plus nuancés quand on aborde, dans le détail, les propositions dont certaines portent sur des sujets délicats, voire idéologiques. En ne tranchant pas en faveur du divorce sans juge, la commission va dans le sens de l'association Familles rurales. Celle-ci accueille favorablement les mesures de simplification du divorce, en particulier l'accent mis sur la médiation. Mais, c'est avec la question sensible de l'accouchement sous X que le groupe de travail relance les polémiques. Sa proposition de ne supprimer que les conséquences civiles de cette pratique est approuvée par Jean-Marie Muller, président de la Fédération nationale des associations départementales d'entraide des pupilles et ancien pupilles de l'Etat cette « position médiane » allie les droits « apparemment contraires des femmes et des enfants ». Ce rapport « botte en touche » réagit, à l'inverse, Claude Sageot, président de l'Association nationale pour le droit des pupilles de l'Etat et des adoptés à leur origine : « On va continuer à mettre au monde des enfants sans identité. » Et celui-ci rejoint la Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines qui réclame l'abrogation de « l'institution moyenâgeuse de l'accouchement sous X ». En effet, « il y a moyen de concilier le droit des femmes à une discrétion, le droit des adoptants à une sécurité et le droit de l'enfant à connaître son histoire » (2). Quant à l'UNAF, elle reproche à la commission de ne pas replacer l'accouchement sous X dans le cadre plus général de la filiation. « On ne peut pas statuer sur cette pratique sans toucher à l'adoption et aux procréations médicalement assistées. »
D'autres dispositions suscitent des inquiétudes, voire des oppositions. Familles rurales rejette ainsi toute idée d'assouplir la délégation de l'autorité parentale afin de permettre à l'un des parents de confier son enfant à un tiers. « Il est fondamental que chaque parent conserve son autorité envers l'enfant. » Et, si l'on peut envisager de donner mandat à un tiers pour accomplir certains actes, comme le propose le rapport, cette possibilité doit être ponctuelle et limitée, avertit l'association. Une vigilance qui rejoint celle de l'UNAF. « Comment concilier cette disposition avec le souci de bien réinsérer dans l'exercice de la fonction parentale le parent qui n'est pas en contact régulier avec l'enfant ? »
Sur certains points, le document paraît trop timide. Pour l'UNAF, c'est le système même de la prestation compensatoire en cas de divorce qu'il faut revoir, pour garantir une véritable équité entre les ex-époux. Enfin, il y a des oublis. Notamment en matière d'assistance éducative, déplore Alain Bruel, qui a animé le groupe de travail sur la paternité et le soutien à la parentalité. Et il regrette l'occasion perdue de permettre au juge des enfants d'arbitrer, en cas de conflit entre les parents et l'équipe éducative, et d'envisager les modalités d'un droit d'accès des familles à leur dossier.
Isabelle Sarazin
(1) Voir ASH n° 2133 du 17-09-99 et ce numéro.
(2) Voir également notre « Tribune libre ».