Après plusieurs années d'augmentation (1), le nombre d'enfants signalés « en danger » (enfants en risque et enfants maltraités) par les départements connaît une relative stabilisation, selon l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS). Ils étaient 83 000 en 1998, contre 82 000 l'année précédente, indique son enquête annuelle (2), publiée le 14 septembre à quelques jours de la XIe journée nationale de la protection de l'enfance maltraitée.
Cette tendance s'explique essentiellement par un fait nouveau. Pour la première fois depuis 1994 (année de la première enquête ODAS), les signalements à l'aide sociale à l'enfance des enfants maltraités ont diminué, passant de 21 000 à 19 000. Pour l'ODAS, « il est indéniable qu'il s'agit là de l'amorce d'une baisse réelle [...]imputable à celle des signalements pour abus sexuels ». En revanche, de plus en plus d'enfants en risque sont repérés : 53 000 en 1996, 61 000 en 1997, ils étaient 64 000 en 1998. L'ODAS, qui a longtemps insisté sur l'amélioration du système de repérage pour expliquer cette hausse, s'interroge aujourd'hui : « Les commentaires des départements apportent en effet d'autres éléments de compréhension. » Ceux-ci observent un nombre croissant de familles très précarisées et déstruc- turées et de parents présentant des troubles mentaux sévères « qui laissent souvent les professionnels impuissants, et les conduit à effectuer de plus en plus de signalements d'enfants en risque ».
Enfin, la judiciarisation de la maltraitance, dont s'alarme régulièrement l'ODAS, reste importante. Avec 59 % des signalements transmis aux services de justice, le phénomène se stabilise néanmoins pour l'ensemble des enfants en danger. En revanche, il s'accentue dans le cas des signalements pour risques (51 % des dossiers transmis au parquet en 1998, contre 47 % en 1997). Invités, par les enquêteurs à donner leur avis sur les raisons de cet appel au juge, les départements évoquent le sentiment d'impuissance face aux situations très lourdes, l'inexpérience et la jeunesse de certains professionnels, leur « difficulté à faire des évaluations fines », ou encore « les problèmes d'encadrement ». Les conseils généraux semblent donc préférer les explications en termes de comportements individuels, à celles qui mettent en cause des fonctionnements institutionnels généralisés.
Pourtant, une annexe de l'étude, sur un sujet parallèle - celui de la variation des taux de signalement entre départements -, met en évidence l'importance des cultures locales et institutionnelles dans les pratiques d'intervention. Ainsi, selon les départements, les taux de signalement - en général entre 4 et 7 enfants pour 1 000 - peuvent atteindre 10, voire 15 pour 1 000 et descendre à 1 pour 1 000. Des écarts liés à des différences d'environnement socio-économique et culturel, de méthodes d'intervention et d'organisation de la prévention, de densité du maillage des professionnels.
(1) Voir ASH n° 2088 du 9-10-98.
(2) « Observation de l'enfance en danger en 1998 » - La Lettre de l'ODAS n° 10 - Disp. sur demande : 37, boulevard Saint-Michel - 7505 Paris - Tél. 01 44 07 02 52.