« Madame H. conteste, le 31 juillet 1995, auprès du tribunal des affaires sociales de Toulon, un refus de prise en charge d'un accident du travail, survenu le 9 décembre 1994. A ce jour, soit quatre ans plus tard, l'affaire n'a toujours pas été jugée. » La Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) représente, avec les services juridiques de ses 85 groupements départementaux, un excellent observatoire de ce genre de situation. Elle a choisi de les dénoncer dans un état des lieux des contentieux en matière sociale, rendu public lors de son conseil national, le 11 septembre (1). Objectif : « Alerter l'opinion publique sur les énormes difficultés rencontrées chaque jour par les justiciables malades, invalides, accidentés ou handicapé s et, plus largement, par tous les assurés sociaux pour faire valoir leurs droits. »
Le constat est sévère. Exemples à l'appui, la FNATH pointe les délais exorbitants des juridictions sociales en première instance, en appel, comme en cassation. Les tribunaux des affaires de sécurité sociale, ceux des contentieux de l'incapacité, les commissions départementales d'aide sociale, mais aussi la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, sont épinglés pour une lenteur « qui constitue en elle-même un déni de justice [...] et un facteur d'exclusion ». C'est, en effet, en années qu'il faut souvent compter.
En outre, l'appareil judiciaire et les procédures sont jugés inadaptés. L'association dénonce ainsi le trop faible montant des ressources pris en compte pour bénéficier de l'aide juridictionnelle. Elle juge insuffisantes les voies de recours en cas de sous-estimation du taux d'incapacité. Surtout, la FNATH déplore que la loi du 18 janvier 1994, qui prévoit que les tribunaux du contentieux de l'incapacité sont présidés par un magistrat, reste lettre morte, faute de décret d'application. Résultat : ces juridictions demeurent présidées par un représentant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, à la fois juge et partie.
Or, le litige prend souvent sa source dans les comportements et les appréciations des organismes sociaux, constate la FNATH. En négligeant de motiver correctement leurs avis, ou en prenant des décisions dépourvues de base légale, voire abusives, ces derniers contraignent les usagers à recourir aux tribunaux (2). Voilà pourquoi, outre l'amélioration du fonctionnement de la justice (raccourcissement des délais, mise en place de procédures d'urgence, telles que le référé notamment), la FNATH demande une vigilance en amont. Il s'agit « de veiller au respect, par les organismes sociaux, des règles élémentaires garantissant l'équité pour l'assuré » : motivation des décisions, diffusion de l'information à l'intéressé (rapport médicaux, expertises), faculté pour l'assuré d'être entendu devant la commission de recours amiable et de se faire assister ou représenter. L'association attend des pouvoirs publics « qu'ils s'engagent énergiquement et rapidement dans cette voie », notamment en créant, comme elle l'a demandé à l'issue de son conseil national, le 13 septembre, un conseil national des usagers de la santé et une caisse nationale des risques professionnels distincte et indépendante de la CNAM.
(1) Contentieux en matière sociale. Etat des lieux - Disp. à la Fnath : BP 520 - 20, rue Tarentaize - 42007 Saint-Etienne cedex 1 - Tél. 04 77 49 42 42 - 50 F.
(2) Rappelons qu'en 1998, plus du tiers des réclamations faites au médiateur de la République concernaient le secteur social - Voir ASH n° 2110 du 12-03-99.