...Laurent Ott, sur la solitude enfantine

Quels sont les objectifs de la « Maison Robinson », que vous venez d'ouvrir à Longjumeau ?

- Ce lieu s'inscrit dans la logique de notre projet :lutter contre les situations d'isolement vécues par certains enfants, privés, habituellement ou exceptionnellement, de la présence structurante d'adultes pour les accompagner dans leur vie quotidienne. Il s'agit aussi de soutenir les familles confrontées à des difficultés. Depuis plusieurs années, nous proposons à la population enfantine du quartier sud de Longjumeau une animation généraliste, avec une ludothèque de rue, des ateliers, ainsi qu'un accompagnement individualisé pour les plus fragiles : soutien scolaire, piscine une fois par semaine... Cette nouvelle structure permet d'aller plus loin dans l'action individualisée. Ses animateurs circulent le soir dans le quartier, rencontrent les enfants et leur proposent de rejoindre la « maison »  - en fait un appartement F3 - pour passer un moment, lire, faire la cuisine, utiliser un ordinateur... Le lieu ne peut pas accueillir plus de cinq ou six enfants à la fois. Nous allons privilégier ceux pour qui l'accompagnement nous paraît le plus nécessaire : ceux qui semblent déprimés et spécialement mal dans leur peau ou qui, n'ayant rien à faire, importunent le voisinage... Deux publics différents, mais qui partagent une même solitude. Nous voulons aussi

- c'est notre originalité - suivre les enfants sur plusieurs années, les voir grandir, assurer, en somme, une veille éducative.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour créer ce lieu ?

- Dès que l'on se situe à la lisière entre animation généraliste, prévention spécialisée et accompagnement social, rien n'est facile. L'aide sociale à l'enfance du conseil général, en particulier, a eu beaucoup de mal à nous admettre. Peut-être parce qu'elle percevait, à travers notre ambition, une critique de son action. Pour elle, soit les enfants sont bien dans leur famille, et il n'y a pas de problème  soit ils ne sont pas bien, et ils relèvent de son action. Mais elle a du mal à appréhender toutes les situations intermédiaires, celles auxquelles nous nous adressons. Finalement, le département nous a accordé deux emplois-jeunes... Qui,  je le précise, ont un niveau bac + 3, militent dans l'association depuis plusieurs années, sont en formation BEATEP ou DEFA et bénéficient du soutien d'une psychologue vacataire et de bénévoles, éducateurs spécialisés, enseignants... Mais nous n'avons pas pu, contrairement à notre souhait initial, offrir un accueil de nuit. La nouveauté aurait sans doute été trop grande ! On nous a demandé de nous cantonner à un accueil prolongé le soir jusqu'à 23 heures, de façon à bien évaluer les besoins des enfants.

Pourquoi la solitude enfantine prend-elle de plus en plus d'ampleur ?

- En raison de l'évolution sociologique de la famille, bien sûr. Mais aussi parce que la société ne s'occupe plus assez d'éducation. L'école se focalise sur les savoirs fondamentaux et ignore les conditions de vie des enfants en dehors de la classe. Les mouvements d'éducation populaire ont perdu du terrain. Les enfants sont livrés soit à leur famille, soit à des travailleurs sociaux. Mais, entre les deux, on trouve un espace public déserté par les adultes et vide de tout projet collectif de vie. C'est ce vide que nous essayons de combler.

Propos recueillis par C.G.