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Ouvrir l'enseignement supérieur aux handicapés

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Pour les étudiants handicapés, le défaut d'accessibilité aux bâtiments et aux modalités de l'enseignement rend souvent impossible la diversification des choix. Refusant toute prédestination professionnelle liée au handicap, Handisup se mobilise sur tous les fronts de l'accompagnement.

« Nous nous sommes battu pour que nos enfants soient scolarisés dans des établissements ordinaires. Mais, ensuite, ceux en mesure de poursuivre des études supérieures ne le pouvaient matériellement pas », explique Georgette Hérel, l'une des fondatrices, en 1970, de l'Association pour adultes et jeunes handicapés de la Loire-Atlantique (APAJH 44)   (1). Voilà pourquoi les parents adhérents de l'association se mobilisent, en 1986, pour que d'élèves, leurs enfants puissent devenir étudiants. « On nous a beaucoup dissuadés, considérant que ce que nous demandions là constituait un privilège véritablement exorbitant », se souvient Marie-Claire Tamic, présidente de l'APAJH 44. Mais le  forcing des parents se révèle payant et, après trois années de négociations, l'université de Nantes leur propose de créer, ensemble, une association pour l'intégration des étudiants handicapés. Ainsi naît, en 1989, Handisup (2), dont l'une des originalités est d'associer responsables universitaires, familles et jeunes. C'est d'ailleurs l'un de ces derniers qui préside l'association et les étudiants - handicapés ou non -sont majoritaires au conseil d'administration.

Accéder aux cours

Le premier objectif concernait l'accessibilité aux bâtiments. Il est aujourd'hui à peu près atteint, « même s'il reste certains points noirs, notamment en faculté de lettres », reconnaît Jean-François Mathé, professeur et chargé de mission de l'université auprès des étudiants handicapés. Mais, que l'on soit handicapé moteur ou sensoriel, tout n'est pas réglé une fois que l'on a réussi à pénétrer dans un amphithéâtre. « Il faut aussi pouvoir accéder au contenu du cours dispensé », explique Olivier Bernard, vice-président de Handisup, lui-même dans l'incapacité de prendre des notes lorsqu'il était en DEUG d'histoire.

Dans les premiers temps, ce sont les parents qui prêtent main forte aux jeunes, avec le renfort d'étudiants valides. Puis, grâce à un partenariat avec la mairie et l'armée, ils obtiennent, à partir de 1991-1992, que deux appelés du contingent - remplacés, cette année, par deux emplois-jeunes (3)  -, soient mis à la disposition de l'association. Transport, prise de notes, répétition de cours, accès à la restauration universitaire... En fonction de leurs besoins, ces accompagnateurs aident, ponctuellement ou régulièrement, les étudiants souffrant d'un handicap, quelle qu'en soit la nature. A partir du moment où ils sont, intellectuellement, en mesure de suivre des études. Des volontaires valides continuent également à les épauler. En outre, depuis 1995-1996, l'université rémunère des vacataires, au titre de moniteurs d'accueil et d'accompagnement ou de tuteurs pédagogiques : quatre ou cinq au départ, une quinzaine depuis deux ans. En effet, le succès du dispositif contribue à accroître notablement le nombre de jeunes à accompagner quotidiennement : cinq en 1991-1992, 20 l'année dernière. De plus, à la demande de Handisup, l'Union régionale des associations de parents d'enfants déficients auditifs  (Urapeda) se charge de trouver des répétiteurs en langue des signes. De son côté, l'institut pour handicapés visuels Les Hauts Thébaudières assure les transcriptions en braille ou gros caractères. Par ailleurs, depuis 1995, l'Association générale du fonds d'insertion pour les personnes handicapées (Agefiph) finance le poste de délégué général de l'association, plus spécialement chargé de l'insertion professionnelle. Fonction qu'occupe Patrice Fondin, impliqué depuis longtemps dans l'expérience. « Outre l'accueil des étudiants handicapés et le travail sur l'adaptation de l'environnement à leurs besoins, explique Annick Montfort, déléguée régionale de l'Agefiph pour les Pays-de-la-Loire, il nous semblait important de soutenir l'action de Handisup dans le domaine de la relation études-emploi. En direction des étudiants déjà à l'université, mais aussi avant même que les jeunes accèdent aux études supérieures, afin de les aider à prendre en compte les réalités professionnelles dans leurs choix. »

Permettre un vrai choix

En amont de leur orientation dans le supérieur, Handisup organise une large information pour les jeunes handicapés de la Loire-Atlantique et de la Vendée, scolarisés dans des établissements secondaires ou suivis par les structures médico-sociales des deux départements. Université, mais aussi BTS, classes préparatoires aux grandes écoles ou formations en alternance : la palette des filières envisageables après un BEP, un bac professionnel ou un bac général est présentée aux intéressés, afin de les aider à diversifier leurs choix. Simultanément, en fonction des desiderata des familles, les animateurs de l'association s'emploient à convaincre les différentes structures d'enseignement supé- rieur, publiques et privées, d'accepter le principe d'intégrer des jeunes handicapés. « L'important est notamment, à cet égard, d'expliquer aux établissements comment s'adapter aux situations individuelles : financements qu'il est possible d'obtenir pour procéder à des aménagements et tutorat que nous pouvons mettre en place, selon les besoins », souligne Stéphane Brunat, animateur d'intégration, recruté il y a un an par Handisup comme emploi-jeunes.

« Le principe de notre action, résume Olivier Bernard, est de ne pas travailler sur la personne mais sur la situation de handicap : c'est l'environnement qu'il convient d'adap- ter à l'individu, et non l'inverse. » Lui-même a dû batailler pour ne pas faire le BEP de secrétariat-comptabilité auquel son fauteuil roulant le « destinait ». « C'est précisément de cette prédestination à tel ou tel type de métier, choisi pour nous en fonction de notre déficience, dont nous ne voulons plus », affirme-t-il.

Anticiper l'insertion

Au cas par cas, donc, Handisup appuie les familles, afin que les jeunes puissent concrétiser un projet adapté à leurs motivations et à leur scolarité dans le secondaire. Mais, pour essentielle que soit l'élévation du niveau de formation des adolescents handicapés, le salut, évidemment, ne tient pas uniquement à la qualification obtenue. Encore faut-il, aussi, faire avancer leur cause auprès des employeurs, pour qu'ils puissent décrocher stages, contrats en alternance et emplois. C'est tout l'intérêt de la mise en relation, réalisée par l'Agefiph, entre Handisup et les chefs d'entreprise du MEDEF et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises. L'association repère les besoins des jeunes et communique leurs curriculum vitæ aux entreprises, membres des organisations patronales. C'est d'autant plus important pour les étudiants handicapés, précise Patrice Fondin, qu'ils sont quasi exclusivement inscrits dans des filières universitaires généralistes, ne prévoyant aucune rencontre des jeunes avec le monde professionnel avant la fin de leur cursus. Or ils ont, encore plus que leurs condisciples, besoin de ce type d'immersion préalable, pour faire la preuve de leur aptitude physique ou psychique en situation de travail. L'objectif est donc de favoriser, pendant les études, les expériences valorisables sur le marché du travail  puis, ensuite, de faciliter l'embauche de ces diplômés, en les mettant en contact avec les structures en charge de l'accompagnement et du placement des personnes handicapées et les entreprises sensibilisées.

Ces dernières ont, en fait, beaucoup de mal à trouver des candidats handicapés possédant un niveau d'études supérieur au bac. Ceux-ci sont peu nombreux et dispersés dans différentes filières, sur tout le territoire. C'est pourquoi, depuis un an et demi, l'Agefiph promeut une action qui dépasse l'échelon départemental. Pour faire remonter, en plus grand nombre, des candidatures aux profils variés, Handisup travaille désormais avec un réseau de correspondants- chargés d'accueil des étudiants handicapés et associations d'étudiants - dans les universités de plusieurs régions. De leur côté, les chargés de mission de l'Agefiph prospectent au niveau national, afin de favoriser l'émergence d'un plus large potentiel d'offres.

« Avec Handisup, notre pari est double, commente la responsable de l'Agefiph pour les Pays-de-la-Loire, qui développe un programme particulier centré sur l'insertion des jeunes. D'une part, proposer des compétences avant de parler du handicap et, d'autre part, éviter l'empilement de dispositifs spécifiques, en travaillant plutôt aux modifications de l'environnement, quitte à mettre, là où il faut, la petite touche d'accessibilité nécessaire (bâti, formation, transport, appoint psychologique ponctuel, aménagement de poste...). »

En 1998-1999, 92 jeunes ont bénéficié de cet accompagnement de leur démarche d'insertion (contre 75 l'année précédente)  : 13 d'entre eux ont trouvé un stage, 16 un emploi (dont 6 contrats à durée indéterminée) et 4 autres, soutenus par l'association, ont un projet de création d'activité. Par ailleurs, tout au long de l'année, des forums de rencontres étudiants-entreprises et des parrainages de jeunes par des employeurs ou des réseaux d'employeurs se sont multipliés. Aujourd'hui que les « enfants de l'APAJH » accèdent, plus nombreux, à la qualification, « l'insertion professionnelle est vraiment devenue, pour nous, une priorité », affirme Elisabeth Bouchaud, secrétaire générale de Handisup.

Caroline Helfter

EXCLUS DES LONGUES ÉTUDES

Malgré les lois de 1975 et de 1989, l'intégration scolaire reste encore peu effective sur l'ensemble du territoire, et le nombre de jeunes handicapés scolarisés diminue à mesure que l'on progresse dans les cycles (4). Selon Patrice Fondin, délégué général de Handisup, on ne compte que 3,5 % d'adolescents en situation de handicap dans les effectifs des lycées. D'où la faiblesse de la formation chez les demandeurs d'emploi handicapés :80 % ont une qualification de niveau V (CAP-BEP) ou inférieure, voire n'en ont aucune. De fait, malgré les indéniables progrès réalisés pour les accueillir dans l'enseignement supérieur où leur nombre a plus que doublé entre 1990 et 1997, il n'y a encore que trois adolescents handicapés sur 1 000 jeunes à suivre un cursus post-bac. Il s'agit, dans 90 % des cas, d'études à l'université dans une filière générale, principalement littéraire. Dans la Loire-Atlantique et la Vendée (l'université de Nantes a une antenne à La Roche-sur-Yon), le dispositif Handisup concerne prioritairement 275 jeunes (lycéens, étudiants, jeunes en formation qualifiante). Au total, dans les deux départements, la proportion de jeunes handicapés scolarisés dans le supérieur est comparable à la moyenne nationale, mais ils sont, proportionnellement, beaucoup plus nombreux qu'ailleurs dans les filières sélectives (classes préparatoires aux grandes écoles et sections de technicien supérieur). Quant à l'université, elle accueille aujourd'hui six fois plus d'étudiants handicapés qu'au moment de la création de l'association en 1989 (126 contre 21).

Notes

(1)  APAJH 44 : 12, rue de Clermont - 44000 Nantes - Tél. 02 40 14 04 71.

(2)  Handisup - Faculté des sciences : 2, rue de la Houssinière - BP 92208 - 44322 Nantes cedex 3 - Tél. 02 51 12 52 34.

(3)  Ils travaillaient déjà en 1998-1999, avec les deux appelés du contingent. A la rentrée 1999, l'association souhaite obtenir les financements nécessaires à l'embauche de deux emplois-jeunes supplémentaires, afin de continuer à disposer de quatre accompagnateurs.

(4)  Voir le rapport des inspections générales de l'éducation nationale et des affaires sociales sur la question - ASH n° 2114 du 9-04-99.

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