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L'occasion de revisiter les formations

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En progression rapide dans le secteur sanitaire et social, les emplois-jeunes doivent être l'occasion de repenser les formations du travail social. Un enjeu de taille pour les centres de formation.

Presque deux ans après le lancement du programme « nouveaux services, emplois-jeunes », l'exigence de professionnalisation et de pérennisation des emplois-jeunes dans le secteur sanitaire et social s'avère, plus que jamais, d'actualité.

Le défi peut paraître modeste, au regard du nombre « timide » de postes créés (voir encadré ci-dessous). Pourtant, l'enjeu est de taille. En effet, pour les plus optimistes, le rythme actuel de progression des embauches dans le secteur sanitaire et social amènerait, à moyen terme, à un doublement des effectifs. En outre, si l'on observe les fonctions occupées au sein de l'Education nationale, de la Justice, ou des Sports, elles concernent, le plus souvent, l'accompagnement social, l'aide ou l'animation. Un enjeu qui ne saurait pourtant masquer toutes les inquiétudes, voire les réticences, liées aux dangers de déqualification, de substitution ou de moindre qualité du service.

Sur ce point, les syndicats et organisations professionnelles, ainsi que les groupements d'employeurs, ont été, avec l'Organisation nationale des formations au travail social (ONFTS) et le Groupement national des IRTS  (GNI), assez unanimes pour poser de sérieuses conditions à leur engagement dans le dispositif (1). Et ils demandent toujours l'élaboration d'une formation initiale et continue des emplois-jeunes afin de leur assurer, à terme, une véritable qualification. Une préoccupation partagée par la direction de l'action sociale  (DAS), dans la circulaire de février 1998, consacrée aux modalités de la mise en œuvre du programme dans le secteur (2). En bref, pas question de créer « un sous-travail social » assuré par des emplois-jeunes non professionnels et précaires.

Mais, s'il s'agit d'engager « un processus qui permettra de passer d'activités nouvelles à des emplois identifiés dans un système de classification », comme le précise l'administration, la loi n'impose aucune obligation en la matière et reste finalement assez floue (3). Elle fait de l'Etat l'animateur technique de l'affaire. Voilà la boîte de Pandore ouverte : à quoi, au juste, doit-on former ?Au-delà des formations d'adaptation au poste, faut-il préparer les emplois-jeunes à de nouveaux métiers ou à ceux déjà existants du travail social ? Ces formations doivent-elles être qualifiantes ? Comment rendre accessibles les cursus sans les dévaloriser ? Par ailleurs, la professionnalisation des jeunes doit s'accompagner de celle des postes, avec, pour corollaire, une réflexion sur les référentiels professionnels et les nouveaux métiers.

Les formations d'adaptation

Alors que ces débats agitent les instances représentatives nationales et régionales du travail social, les centres de formation ont élaboré les premières réponses concrètes. Un peu partout, aujourd'hui, ils proposent des modules de formation en cours d'emploi concernant l'adaptation du jeune à son poste de travail. Ainsi, le Centre de formation professionnelle sanitaire et social en cours d'emploi (Cefprossce), à Bergerac, a mis en place un cursus de 200 heures, comprenant des apports théoriques de base en psychologie, en connaissance juridique et administrative de l'action sociale, ainsi que des modules de méthodologie du projet et d'analyse des pratiques  (4). Objectifs : faciliter une approche réflexive de la pratique, permettre au jeune d'interroger sa motivation et de préciser son projet. Dans le Nord-Pas-de-Calais, l'Association régionale du travail social  (ARTS)   (5), propose, en cette rentrée 1999, plusieurs dizaines de modules thématiques de 18 heures relatifs, notamment, aux cadres institutionnels, aux publics (petite enfance, handicapés, toxicomanes...), aux actions (accueillir, conduire un entretien...). Ces formations, ainsi que les bilans professionnels individuels ou les accompagnements de tuteurs, se développent d'autant plus « facilement » que leur mise en place ne pose pas de difficulté majeure. Les centres de formation obtiennent, la plupart du temps, un financement du conseil régional et peuvent également bénéficier d'une aide des fonds de formation (Promofaf y consacre une enveloppe de 9 millions de francs). Surtout, ces formations engagent finalement à peu de chose : « Elles ne sont ni qualifiantes, ni diplômantes », rappelle le directeur du Cefprossce, Michel Jacquemoud. Elles laissent donc entière la question de la reconnaissance et de la « validation » professionnelle.

Jusqu'à présent, personne ne s'est risqué à bâtir de nouveaux diplômes, donnant accès à de nouveaux métiers. « Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il y a déjà beaucoup de métiers dans le social », défend le secrétaire général du groupement national des IRTS, Jean-Pierre Blavoët. Il s'agit plutôt, selon lui, « d'ouvrir les'anciens" métiers sur de nouvelles fonctions », en instaurant des options, des spécialités. Et de citer la réflexion engagée à l'ARTS autour d'une formation aux métiers de la rue, qui pourrait éventuellement se traduire par l'ajout d'une « option rue » au diplôme d'animateur. « Pour nous, estime Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissement pour personnes âgées, c'est une occasion fantastique de s'ouvrir sur d'autres cultures. Nous sommes très médical, mais aujourd'hui nous avons besoin, notamment, de psychologues et d'animateurs en établissement. Pourquoi ne pas adapter la formation actuelle des animateurs en ajoutant une spécialité gérontologie ? »

Ce point de vue est assez largement partagé dans le secteur. L'institutionnalisation d'un nouveau métier suppose, en effet, une réflexion complexe sur sa place dans le champ de l'intervention. Chaque centre de formation, ou chaque région, peut contribuer à son élaboration, mais c'est in fine du ressort du niveau national. Ainsi, au Cefprossce, si l'on estime que des formations nouvelles et qualifiantes pour les emplois-jeunes « sont à créer », on rappelle qu'elles dépendront aussi « des capacités de l'Etat à garantir et à reconnaître la réalité d'un titre officiel en fin de parcours, ainsi qu'aux capacités des partenaires sociaux à imaginer une intégration officielle des nouveaux emplois-jeunes qualifiés dans les grilles conventionnelles ».

Le chantier risque donc d'être long. Déjà ouvert au sein des plates-formes régionales de professionnalisation et de la cellule technique nationale éponyme, il l'est aussi dans chaque administration concernée. La DAS, qui a récemment rappelé sa « doctrine » en matière de professionnalisation (4), travaille actuellement aux modalités d'émergence et de structuration de trois métiers nouveaux (développement local, coordination de services, maintien des liens) dans le secteur des personnes âgées, où le nombre des emplois-jeunes explose. Avec, notamment, pour objectif de les situer, à terme, dans les grilles de fonctions publiques ou dans les conventions collectives concernées. Une démarche similaire est engagée autour de la fonction d'auxiliaire d'intégration en milieu scolaire ordinaire pour les élèves handicapés. Enfin, les activités de médiation font l'objet d'un travail de synthèse entre les différents ministères.

Vers les diplômes existants

Mais, au-delà de toutes ces réflexions, on observe davantage, pour l'instant, une orientation des jeunes vers les métiers traditionnels du travail social :moniteur-éducateur, éducateur spécialisé et animateur. Certains employeurs, comme Paul Bonati, directeur de l'Association d'information et d'entraide mosellane (AIEM)   (5) ont pris les devants en la matière. « Quand nous avons décidé d'embaucher quatre emplois-jeunes pour monter une équipe mobile de maintien des liens avec les sans domicile fixe de Metz, un de nos partis pris était celui de la professionnalisation », explique-t-il. Avec une aide de la région Lorraine, l'AIEM a passé un accord avec l'IRTS de Lorraine. Outre le groupe de parole sur la pratique, sorte de préformation, ce dernier a préparé les quatre jeunes au passage de la sélection. Deux d'entre eux l'ont réussie et ont entamé une formation d'éducateur.

Cette année, le Cefprossce ouvre également sa formation de moniteur-éducateur aux emplois-jeunes du secteur sanitaire, mais aussi aux aides-éducateurs de l'Education nationale. Validée par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la formation est adaptée : identique, dans son contenu, à la formation « classique », elle se fera sur trois ans au lieu de deux. Dans la même optique, l'IRTS de Lille travaille sur des ajouts au programme officiel de cours pour les emplois-jeunes en formation de moniteur-éducateur, « tenant compte de leur spécificité et, notamment, du fait qu'ils travaillent souvent en milieu ouvert », explique Jean-Pierre Blavoët.

La question des quotas

Toutefois, cette ouverture rencontre de nombreux obstacles. Comment intégrer massivement ces jeunes dans le cadre d'un quota qui ne doit progresser que de 600 élèves environ cette année, se demandent, d'une seule voix, depuis plusieurs mois, le GNI et l'ONFTS. A la direction de l'action sociale, où l'on n'est visiblement pas très enthousiaste à l'idée d'augmenter les quotas, on fait en revanche valoir « une position très souple sur l'accueil hors quotas ». Sachant qu'aucun aménagement ne peut se traduire par un changement des épreuves de sélection et des diplômes, qui restent les mêmes pour tous, rappelle Danielle Mouffard, responsable de la cellule insertion par l'économique, notamment chargée des emplois-jeunes à la DAS. C'est donc selon cette formule que le Cefprossce et l'IRTS de Lille s'engagent : le premier a obtenu 23 places hors quotas  le second, quatre promotions de 25 élèves. Reste, pour eux, à trouver des subventions pour ces places non financées par l'Etat. L'accord-cadre récemment conclu entre la DAS et la direction de l'enseignement scolaire, pour l'entrée en formation sociale de 2000 aides-éducateurs entre 1999 et 2003 (6), devrait faciliter les engagements financiers des autres partenaires.

Il n'empêche que le programme « nouveaux services, emplois-jeunes » ne peut se limiter à ouvrir une voie d'accès promotionnelle à des jeunes aux métiers du travail social. Si tel était le cas, il aurait manqué l'un de ses objectifs. Et l'occasion, pour le travail social, de décloisonner ses formations et de s'adapter aux nouvelles fonctions de l'intervention sociale.

Valérie Larmignat

UN EFFECTIF EN FORTE CROISSANCE

Avec 15 499 embauches effectives au 30 juin 1999, selon des chiffres encore inédits de la direction de l'action sociale (7), les emplois-jeunes dans le secteur sanitaire et social connaissent une progression plus rapide que l'ensemble des emplois-jeunes (+ 64,58 %depuis le 30 décembre 1998, contre 55,21 % en moyenne). Ils représentent 17,7 % des 87 545 emplois-jeunes, une part qui a crû de 1,07 % en un an.2 339 d'entre eux, soit 15,09 % sont employés auprès de personnes âgées.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2128 du 16-07-99.

(2)  AIEM : 10, rue Mazelle - 57000 Metz - Tél. 03 87 75 88 80.

(3)  Voir ASH n° 2130 du 27-08-99.

(4)  Voir notamment ASH n° 2039 du 3-10-97  n° 2042 du 24-10-97 et n° 2048 du 5-12-97.

(5)  Voir ASH n° 2059 du 20-02-98.

(6)  Voir ASH n° 2043 du 31-10-97.

(7)  Source : DAS/Cnasea. Ces chiffres s'entendent pour la France métropolitaine et chaque fois hors Education nationale et ministère de l'Intérieur qui, à eux seuls, ont recruté la moitié des emplois-jeunes.

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