A la rue comme dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les hommes âgés de 35 à 40 ans restent majoritaires. Ils représentaient encore 61 % des 22 200 personnes accueillies dans ces structures en janvier 1998, indique la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) dans une récente enquête. Mais certaines évolutions bousculent ce portrait « traditionnel » et le travail des professionnels en CHRS.
En avril dernier, le tout jeune Observatoire du SAMU social de Paris constatait que le nombre de femmes à la rue, seules, en couple ou en famille, augmentait de façon importante (2), ainsi que celui des enfants accompagnés de leurs parents reçus dans les structures d'urgence (+ 62 % entre 1997 et 1998). Une triste réalité que confirment les résultats des enquêtes annuelles du Crédoc sur les dispositifs d'accueil d'urgence et ceux de la DREES. Celle-ci observe, à son tour, que le nombre de familles monoparentales accueillies dans les CHRS s'accroît : les adultes isolés avec enfants constituaient 18 % des adultes reçus en 1998, contre 11 % en 1985. Cela « a eu pour conséquence de féminiser la population hébergée en CHRS ». En effet, neuf fois sur dix, les familles monoparentales sont formées autour de la mère. Quant aux enfants, ils sont désormais 6 500, soit près du tiers des pensionnaires. « C'est le phénomène le plus frappant. Ces enfants arrivent avec des femmes, qui, aujourd'hui, hésitent moins à quitter le foyer et à nous contacter », commente Jean-Paul Peneau, directeur de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale (FNARS) (3). Or, malgré les progrès réalisés en la matière (crèches, aides aux parents), « notre bâti n'est pas en mesure d'accueillir les familles. Il va falloir rénover l'immobilier d'urgence. Le ministère a d'ailleurs triplé le budget pour ces investissements. Sur ce point, nous avons été écouté », reconnaît-il.
Autre sujet d'inquiétude : les sans-abri et les personnes hébergées en urgence rajeunissent, selon la FNARS. Bien que ce phénomène soit surtout le fait des structures d'accueil de jour et d'urgence. Les CHRS, qui proposent des séjours plus longs, connaissent une stabilisation de la proportion des moins de 25 ans, autour de 30 %. « L'absence de minima sociaux pour les jeunes et le chômage rendent la décohabitation difficile, mais le nombre accru de toxicomanes emprisonnés qui ont besoin d'un sas à la sortie explique aussi l'augmentation de ces publics », souligne Jean-Paul Peneau. Au-delà de cet aspect quantitatif, les chercheurs de la DREES s'alarment du fossé qui se creuse entre deux populations. 39 % des moins de 25 ans ne disposent d'aucunes ressources, contre « seulement » 12 % des adultes hébergés plus âgés. En outre, ces derniers connaissent souvent une situation temporaire. « La situation financière des jeunes a même tendance à se dégrader », alors que celle de l'ensemble des occupants s'est, en moyenne, légèrement améliorée depuis 1990. « Avec eux, nous sommes confrontés à des parcours chaotiques que l'on ne rencontrait avant qu'avec les toxicomanes ou les alcoo- liques : violences, absence de projets », s'alarme le directeur de la FNARS, pour qui les changements qu'exigent l'accueil de ces nouveaux résidents sont « énormes ». Même s'ils sont déjà en cours, avec la spécialisation des établissements (santé, famille, jeunes) et leur organisation en réseaux territoriaux.
V.L.
(1) « Les personnes hébergées par les CHRS : des hommes et des femmes en grande difficulté sociale » - Etudes et résultats n° 29 - Août 1999 - DREES.
(2) Voir ASH n° 2115 du 16-04-99.
(3) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.