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Le Pas-de-Calais forme aux métiers du sport

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Lancé en 1993, le dispositif conçu par le conseil général et le comité départemental olympique et sportif du Pas-de-Calais démontre que le sport peut constituer un vecteur efficace d'insertion professionnelle.

« L'image me restera toute ma vie. Nous avions fait appel à des candidats par le biais de la presse. Ils étaient finalement 120 dans la salle pour passer les tests d'évaluation : des entretiens avec des cadres, un psychologue... Nous avions devant nous des personnes de tous horizons  certains avaient acheté un survêtement pour l'occasion, d'autres étaient en costume. » Jean Pomart, chargé de mission sport et enseignement au conseil général du Pas-de-Calais (1), se souvient encore du lancement de la première opération de formation et d'insertion professionnelle par le sport. Et « de l'immense espoir qu'elle a suscité ». Face à des actions d'insertion par le sport encore trop souvent ponctuelles, le dispositif, initié par le conseil général et le comité départemental olympique et sportif  (CDOS) du Pas-de-Calais, présente un caractère cohérent et innovant. Ce projet trouve son origine dans un double constat, effectué au début des années 90 : le nombre inquiétant de bénéficiaires du RMI dans le département, d'une part  le manque criant d'éducateurs dans les clubs de football, d'autre part. La décision est alors prise, en septembre 1993, de monter une première formation de 18 mois, cofinancée par le conseil général et l'Etat, préparant au brevet d'Etat d'éducateur sportif  (BEES), option football, dans le cadre d'une aide aux initiatives locales  (AIL).

Claire Renault, l'un des trois éducateurs chargés d'encadrer les 30 candidats, allocataires du RMI, sélectionnés (chacun bénéficiant d'un contrat emploi-solidarité), a en mémoire les difficultés rencontrées lors du démarrage du dispositif : « Nous avions affaire à des personnes qui avaient quitté leur cursus scolaire ou une activité professionnelle depuis assez longtemps. En outre, nos critères de sélection n'étaient pas suffisamment rigoureux, en particulier sur le plan sportif. Nous nous sommes donc retrouvés avec une proportion non négligeable de personnes qui n'avaient pas le niveau pour atteindre le brevet d'Etat. » Dès la deuxième action, ses responsables ont donc affiné les tests de sélection. Une mesure d'autant plus nécessaire que le brevet d'aptitude professionnelle d'assistant animateur technique  (BAPAAT), seule autre possibilité de sortir du dispositif avec une qualification en cas d'échec au BEES, n'est pas proposé aux stagiaires, faute de débouchés.

Dès le départ, les promoteurs de ces opérations d'insertion ont imaginé un parcours très progressif, afin d'augmenter les chances d'accès à l'emploi de leurs stagiaires. Pour Daniel Cassoret, directeur de la Maison des sports du Pas-de-Calais (2) - qui accueille les personnes en formation et abrite le CDOS -, il faut à tout prix éviter l'échec qui consiste à « demander à une personne de s'investir pleinement, pendant deux ans, dans ce type de formation pour, au bout du compte, la lâcher sans diplôme, sans emploi, avec son statut de Rmiste ». Aussi, le dispositif comprend-il : un module d'accueil et d'orientation (MAO) destiné à l'élaboration d'un projet professionnel  une phase de préqualification comportant une remise à niveau et le passage de premiers diplômes, tels que le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA)   enfin, la formation en alternance préparant au brevet d'Etat. Là encore, la première action, consacrée aux métiers du football, a permis d'ajuster les modes de fonctionnement de cette formule inédite.

Des emplois pour neuf stagiaires sur dix

Lors des formations suivantes, le MAO s'est enrichi d'une partie concernant la connaissance des métiers du sport, afin d'évacuer d'emblée tous les a priori sur ce type de filière. Pas question de laisser des jeunes croire qu'ils peuvent se rabattre, faute de mieux, sur une filière sportive jugée, à tort, plus facile ou de proposer cette voie à des sportifs aguerris mais n'ayant pas la fibre éducative. Claire Renault se rappelle ainsi ce passionné de foot, choisi par un président de club pour encadrer les jeunes (le brevet d'Etat est obligatoire pour exercer de façon professionnelle)  : « Il ne s'imaginait pas du tout ce que représentait cette formation : son aspect pédagogique, le contenu des séances, les préparations, les bilans... Il a vécu des moments difficiles et on a dû le raccrocher plusieurs fois. » S'il se veut une phase de redynamisation et de resocialisation, le MAO sert d'abord à établir un diagnostic de la situation sociale des stagiaires. Les problèmes de dépendance (alcool et drogue) constituent, selon les responsables, un handicap trop lourd à surmonter dans le cadre d'une telle opération. « Nous avons eu quelques cas de personnes dépendantes, avec des comportements imprévisibles, explique Claire Renault. En moins de deux ans, nous n'avons pas le temps de mener à bien la formation et l'accès à l'emploi, tout en ayant à régler un problème de dépendance. Il y a un important travail social à effectuer en amont. »

Avec près d'un tiers de titulaires du BEES à l'issue de la session et 90 % des stagiaires ayant un contrat en poche, le bilan de la première action, axée sur les professions du football, s'avère très positif. Il illustre la démarche pragmatique voulue par les initiateurs du projet. Le choix des disciplines enseignées se veut le reflet de la demande des professionnels du sport du département. La présence d'une quarantaine de comités départementaux sportifs au sein même de la Maison des sports facilite ce respect des réalités du marché de l'emploi. « On ne forme pas à tel ou tel brevet d'Etat pour le plaisir, mais parce qu'on a identifié une demande du terrain », souligne Daniel Cassoret. Après le football, la deuxième opération, menée entre 1995 et 1997, a, par exemple, permis de préparer 11 stagiaires aux métiers de la randonnée, requis par la stratégie départementale de promouvoir une nouvelle forme de tourisme. Enfin, la formation professionnelle « multisport », dernière action en date, a été choisie après une enquête auprès du mouvement sportif, faisant état de débouchés professionnels dans les disciplines du football, du basket et du char à voile. Cette écoute permanente des réalités économiques a également conduit à concevoir de petits modules de formation préparant à un nouveau métier :agent de développement des structures sportives. « Toute la phase préqualifiante est identique, mais ensuite, plutôt que de s'orienter vers un brevet d'Etat, les jeunes suivent des modules d'informatique, de comptabilité, d'organisation d'événements sportifs ou encore de techniques de communication », explique Claire Renault. Dans l'attente d'une homologation de ce nouveau diplôme, les stagiaires se voient délivrer un portefeuille de compétences à l'issue de leur formation. Autre évolution notable, le dispositif a dépassé le seul public des allocataires du RMI pour s'ouvrir également aux jeunes sans emploi. La formation « multisport » intéresse ainsi 17 personnes au RMI et 7 jeunes sans emploi.

Un secteur porteur

Malgré les fortes résistances de certaines structures sportives, traditionnellement bénévoles, le mouvement actuel de professionnalisation du monde sportif plaide en faveur de la multiplication de ces mesures d'insertion. Comme l'affirme Claire Renault : « C'est vrai que le sport est maintenant très porteur. Il est de plus en plus en relation avec l'économie et se professionnalise. » Avec 84 % des stagiaires placés, principalement comme éducateurs sportifs au sein des clubs, des associations ou des collectivités locales, les résultats des deux premières opérations - la troisième s'achève à peine - tendent à démontrer la pertinence de ces dispositifs. Un bilan qui doit toutefois être modulé, dans la mesure où un grand nombre de structures hésitent, faute de moyens financiers suffisants, à recruter un jeune en contrat à durée indéterminée ou même déterminée. Aujourd'hui encore, la majorité des placements s'effectuent en contrats emploi consolidé. Les critères de sélection des employeurs semblent d'ailleurs faire l'objet d'une réévaluation de la part des organisateurs du dispositif. Pour Claire Renault, le choix des structures prêtes à accueillir un stagiaire est devenu plus rigoureux : « Sur la première action, dès qu'il y avait une structure capable d'employer un jeune, nous l'aidions beaucoup. Nous la poussions pour qu'elle aille jusqu'au bout. Maintenant, nous sommes plus sélectifs. Il faut que les employeurs montrent une volonté de rechercher d'autres financements que notre aide de lancement, afin de pérenniser le poste. »

Pour faire face à l'accroissement des besoins en formations et en emplois sportifs, les promoteurs du dispositif départemental d'insertion ont ainsi décidé de créer, d'ici au début de l'année 2000, une cellule « formation, insertion, ingénierie ». Celle-ci devrait déboucher sur la mise en place d'un centre de ressources destiné à proposer aux allocataires du RMI, aux collectivités locales et à l'ensemble du mouvement sportif, des services en matière de conseil, d'orientation, d'élaboration des profils de postes, de montage de dossiers ou de recherche de financements. Pour Claire Renault, la création de ce centre de ressources constitue l'aboutissement de la démarche engagée en 1993 : « Auparavant, nous pouvions répondre ponctuellement aux besoins, quand ils se manifestaient. Aujourd'hui, il faut se donner les moyens de suivre au mieux la demande en matière de formation et d'emploi. Cette cellule devrait nous permettre d'être encore plus présents auprès de l'ensemble du mouvement sportif du Pas-de-Calais. »

Henri Cormier

LES JEUNES SÉDUITS PAR LES MÉTIERS DU SPORT

L'engouement des jeunes pour ces filières s'explique par leur vision généralement très positive du monde sportif. Ce dispositif de formation et d'insertion professionnelle est vécu comme la suite logique d'une pratique sportive personnelle. L'image valorisante du « prof de gym », de l'éducateur de club ou de l'entraîneur constitue, estiment les responsables de l'opération, une autre motivation importante des postulants à ce type de parcours. « Pour les jeunes, celui qui anime, dirige un groupe sportif, occupe une position sociale privilégiée, note Daniel Cassoret, directeur de la Maison des sports du Pas-de-Calais. Ils vivent avec leur entraîneur ou leur éducateur des moments intenses. Certains reconnaissent qu'ils leur ont permis de vaincre leurs inhibitions. »

Notes

(1)  Conseil général du Pas-de-Calais : rue Ferdinand-Buisson - 62018 Arras cedex 9 - Tél. 03 21 21 62 62.

(2)  Maison des sports du Pas-de-Calais : 9,  rue Jean-Bart - 62143 Angres - Tél. 03 21 72 67 00.

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