Sans cesse repoussé et très attendu, l'avis d'agrément de l'accord de réduction du temps de travail dans la convention collective de 1966 (établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées) est finalement intervenu le 12 juillet (2). Pour celui concernant les 35 heures dans la CC du 31 octobre 1951, il faudra encore patienter jusqu'au 20 juillet. La décision de la commission nationale d'agrément vient entériner des mois de négociations entre partenaires sociaux et ouvre la voie à la création de 8 000 à 10 000 emplois sur cinq ans dans les 6 400 établissements concernés. En vigueur le 1er août, le texte permet aux établissements de pouvoir bénéficier des incitations financières prévues par la loi. Il n'a cependant pas convaincu l'UFAS CGT et la FNAS-FO, qui, depuis un an, adressent de virulentes critiques aux projets successifs. C'est donc sans surprise qu'elles déplorent l'agrément d'un accord, qui, selon elles, porte un coup à la convention collective de 1966. Outre l'annualisation et la modulation du temps de travail, la FNAS-FO voit, dans le compte épargne-temps, « un chèque en blanc encourageant l'augmentation du temps de travail ». Elle craint également « les conséquences de la déclinaison des accords au niveau local », redoutant de laisser la porte ouverte à la disparité des conditions de travail et des salaires.
Sans triomphalisme, employeurs et syndicats signataires (CFDT, CFTC et CGC) sont en revanche soulagés par cet agrément. Ce qui ne les empêche pas de regretter vivement son caractère tardif et laborieux. Très remontée, la secrétaire générale du SOP, Marie-France Denamiel, se réjouit néanmoins « d'avoir dorénavant une convention collective prête pour le 1er janvier 2000 ». L'accord prévoit en effet que les entreprises qui n'auront pas négocié d'accord d'ici là pourront bénéficier des mesures d'économie (gel du point, suspension de la majoration familiale). La philosophie du texte est bien « d'offrir un cadre national de négociations, une boîte à outils qui laisse aux établissements une marge de manœuvre », explique Philippe Calmette, secrétaire général du Snapei. Au final, il aura fallu plus de sept mois de négociations et trois mois pour arracher l'agrément : un chantier bien long. Le temps de prendre la mesure des enjeux et des difficultés spécifiques au secteur.
La situation particulière du secteur sanitaire et social, financé en grande partie par des fonds publics, n'a pas simplifié les travaux. Tenus d'obtenir, après signature des accords, l'agrément du ministère de tutelle, les partenaires sociaux ont dû régulièrement recueillir les remarques de celui-ci, ainsi d'ailleurs que celles du ministère des Finances, pour discuter « dans les clous ». Le refus catégorique de l'Etat d'accorder des aides spécifiques au secteur et sa volonté de n'agréer que « des accords équilibrés » ont obligé les syndicats à « négocier serré ». Paradoxalement, les mêmes, qui exhortaient les entreprises privées à conclure des accords créateurs d'emplois, ont peiné à avaliser des textes qui impliquaient directement leurs budgets et engageaient à terme les négociations avec le secteur public, hospitalier notamment. Voilà pourquoi le gouvernement a réclamé des corrections au texte initial, permettant aux accords locaux de prévoir une modération salariale supplémentaire. Ainsi, il a été rajouté, au texte du 12 mars 1999, que les accords d'entreprise conclus depuis le 1er juillet peuvent prévoir une neutralisation de carrière pendant trois ans, sans condition de création d'emplois supplémentaires. A force d'atermoiements, les syndicats ont fini par douter de la volonté gouvernementale de réduire le temps de travail dans le secteur. Ils ont d'ailleurs exprimé leur irritation, voire leur indignation, ces dernières semaines, se sentant ballottés et méprisés : « Autant les discussions se sont bien déroulées avec les partenaires sociaux, autant nous sommes très mécontents de l'attitude du gouvernement, qui n'a jamais parlé d'une seule voix », juge sévèrement Philippe Calmette. C'est aussi « la question de la nature de la tutelle sur le secteur sanitaire et social, question centrale dans la réforme de la loi de 1975 », qui est de nouveau posée à travers l'attitude de l'Etat, souligne-t-il.
Ces allers-retours ont également perturbé les négociations, menées parallèlement au niveau local par les associations qui souhaitaient anticiper et boucler leur accord avant le 30 juin, afin d'obtenir les aides maximales de l'Etat. Celles-ci ont dû négocier en aveugle, sans connaître les règles du jeu. Selon la CFDT, des centaines d'accords locaux auraient néanmoins été signés avant la date butoir. « Il s'agit surtout des grosses associations », précise Philippe Calmette. Ainsi, au Snapei, les 50 associations dans ce cas représentent 75 % des effectifs. Les autres, qui doivent encore négocier, devront compter avec deux éléments nouveaux. La seconde loi sur les 35 heures, qui, selon le Snapei, ne risque pas de mettre en cause les textes conclus au niveau local, car elle s'est « largement inspirée des dispositions déjà négociées » pour le secteur. Plus inquiétant, en revanche, l'arrêt du 29 juin 1999 de la Cour de cassation concernant les heures en chambre de veille (3). Cette décision se traduit par « une ardoise de 300 à 400 millions de francs » pour les associations, s'indigne Philippe Calmette. Ce qui ne les incitera guère à s'engager dans des accords créateurs d'emplois.
Restera à passer, pour les négociateurs locaux, l'examen de l'agrément. Un cap pour le moins difficile. Jusqu'à présent, les accords d'entreprise ont quasiment tous essuyé un refus. D'ailleurs, à la CFDT Santé-sociaux, on s'inquiète de la tendance du gouvernement « à ne pas agréer les accords locaux qui ont fait un effort supplémentaire sur la création d'emplois et à considérer les 6 % comme un maximum ». Attitude ambiguë des pouvoirs publics, qui ont toujours présenté la loi sur les 35 heures comme un instrument de lutte contre le chômage. Et qui, récemment, viennent de promettre des aides supplémentaires aux entreprises privées qui iraient au-delà des 6 % de créations d'emplois. Enfin, la question de leur pérennisation reste entière.
Valérie Larmignat
En guise de préambule, les parties signataires de l'accord-cadre du 12 mars 1999, complété par ses deux avenants des 14 et 25 juin, affirment « leur volonté d'un accord équilibré de solidarité nationale dans lequel l'Etat, les collectivités territoriales, l'assurance maladie, les entreprises et les salariés ont chacun une participation ». Elles soulignent également que si l'accord facilite l'accès aux aides légales, « chaque association demeure libre d'anticiper sur les échéances fixées par la loi ». De fait, des quatre chapitres, seul le premier, le plus long, s'adresse aux entreprises ou établissements qui concluent un accord de réduction du temps du travail avant l'an 2000 (2002 pour les petits établissements), dans le cadre du dispositif d'incitation financière mis en place par la loi Aubry. Le deuxième concerne les entreprises qui, tout en anticipant aussi le passage à la nouvelle durée légale du travail, se placent en dehors du dispositif d'aide financière. Le troisième chapitre se borne à adapter la convention collective de 1966 à la réduction du temps de travail (RTT). Enfin, dans le dernier, figurent les dispositions générales sur le suivi et l'entrée en vigueur de l'accord.
Le choix de l'ampleur de la réduction (10 % ou 15 % de la durée initiale, sans que le nouvel horaire puisse excéder 35 heures) doit faire l'objet d'un accord d'entreprise ou d'établissement complémentaire. Toutefois, dans les structures de moins de 50 salariés dépourvues de représentation syndicale (délégués syndicaux ou salariés mandatés), la RTT peut être organisée directement dans le cadre de l'accord du 12 mars, à l'initiative de l'employeur. Les modalités et échéances de la RTT sont alors définies après consultation des institutions représentatives du personnel, si elles existent, ou, à défaut, du personnel. Une note d'information précise les engagements de l'employeur.
L'accord d'entreprise ou d'établissement comme la note de l'employeur comportent des mentions obligatoires (personnels concernés, modalités d'organisation et de décompte du temps de travail, délais de prévenance des salariés en cas de changement d'horaires, nombre d'embauches envisagées, conséquences de la RTT sur les contrats de travail à temps partiel et sur les rémunérations...).
Accord ou note d'information, tous deux sont soumis à la procédure de l'agrément.
L'horaire collectif peut s'apprécier sur une base hebdomadaire, pluri-hebdomadaire ou annuelle. Les congés payés supplémentaires contribuent à déterminer l'horaire annuel collectif des salariés. L'accord-cadre retient comme temps de travail effectif annuel :- 1 755 h pour les salariés sans congés payés supplémentaires (RTT de 10 % : 1 575 h de 15 % :1 485 h) - 1 684,8 h pour les salariés ayant 9 jours de congés payés supplémentaires (1 512 h ou 1 425,6 h) - 1 614,6 h pour ceux ayant 18 jours de congés payés supplémentaires (1 449 h ou 1 366,2 h) - 1 567,80 h pour les salariés ayant 24 jours de congés supplémentaires (1 407 h ou 1 326,6 h) - 1 326 h pour les salariés relevant de l'article 11 de l'annexe 9 bénéficiant de 55 jours de congés payés supplémentaires (1 190 h ou 1 122 h).
Les jours de repos acquis peuvent être affectés à un compte épargne-temps.
Des dispositions particulières sont prévues pour le personnel à temps partiel (maintien de la durée initiale de travail pour les salariés à temps partiel qui refusent le nouvel horaire ; pas plus de deux interruptions par jour ;possibilité pour l'interruption d'excéder 2 heures) et le personnel d'encadrement (au minimum 18 jours de repos annuel supplémentaires). Les assistantes maternelles ne sont pas concernées par la RTT.
En contrepartie de la RTT, dans l'année suivant la mise en place de la nouvelle organisation des horaires, les effectifs devront être augmentés d'au moins 6 % (RTT d'au moins 10 %) ou 9 % (RTT d'au moins 15 %). Ils devront être préservés pendant 3 ans, à compter de la dernière embauche.
Le salaire est maintenu grâce à la création d'une « indemnité de réduction du temps de travail » s'ajoutant au salaire base 35 heures (les salariés à temps partiel en seront exclus s'ils sont recrutés après la mise en œuvre de la RTT). En contrepartie, la valeur du point est gelée à compter de 1999, dans la limite totale de 2,34 % de la masse salariale, et, depuis le 1er juillet, la majoration familiale de salaire est suspendue pour les naissances à venir (cette dernière mesure devrait permettre une économie annuelle par entreprise de près de 0,11 % de la masse salariale). Les accords conclus depuis le 1er juillet peuvent, en outre, prévoir une neutralisation de la progression de carrière pendant 3 ans.
Pour les organismes qui baisseront la durée du travail avant le 1er janvier 2000 (ou 2002 pour ceux de moins de 20 salariés), mais en dehors du dispositif légal d'incitation financière, les conditions de mise en œuvre de la RTT sont renvoyées à l'accord d'entreprise ou d'établissement.
L'accord du 12 mars réécrit les articles de la convention collective de 1966 relatifs au décompte et à la répartition du temps de travail, au repos hebdomadaire, aux congés payés...
Il laisse aux établissements qui attendront le 1er janvier 2000 (ou 2002) pour réduire leur durée du travail le bénéfice des mesures d'économie conventionnelles (exception faite de la neutralisation de la progression de carrière), en contrepartie du maintien de la rémunération.
Une commission nationale, composée des signataires, assure le suivi de l'accord-cadre. Au niveau local, celui-ci est effectué par les signataires de l'accord d'entreprise ou d'établissement, ou, lorsque la RTT est mise en œuvre par l'employeur, par les représentants du personnel.
Les conditions de révision et de dénonciation de l'accord-cadre, qui entre en vigueur le 1er août, sont également fixées. Ses signataires le réexamineront en juillet 2000. F.E.
(1) Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.
(2) L'accord concernant la convention collective de la Croix-Rouge a été agréé le même jour.
(3) Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.