Votre structure fonctionne depuis près de trois ans. Avec quels résultats ?
- Sur 45 jeunes
- tous multirécidivistes avant d'arriver -, seuls six ont été incarcérés pour des délits commis après la fin du placement. Un résultat excellent par rapport aux internats classiques. L'intérêt du CER est de permettre une intervention globalisée sur les jeunes. On les aide à restaurer leur état physique, souvent dégradé. Ils bénéficient aussi d'un accompagnement psychologique. Surtout, les moyens humains, confortables (5,5 postes d'éducateurs pour 6 jeunes à La Minardière), autorisent une forte présence adulte, structurante. Des camps sportifs, des chantiers, des activités manuelles, un stage en entreprise, servent de support au travail sur les règles élémentaires de vie, l'entraide, la place que l'on peut occuper au sein d'un groupe... L'objectif est de redonner confiance en soi, de provoquer l'envie de construire un projet d'avenir. Les centres éducatifs renforcés rendent possible un vrai travail sur soi, c'est un de leurs succès. Autre point fort, les comités de pilotage, qui se sont créés autour d'eux. Des représentants de la PJJ, des juges, d'autres associations se mettent autour d'une table pour échanger sur les raisons du placement, les difficultés d'orientation... Pour partager, fait rare, les réalités.
Que faut-il améliorer ?
- Nous sommes perçus comme des lieux de rupture, qui permettent, ensuite, de rebondir ailleurs. Dans les faits, c'est loin d'être le cas. Même si les jeunes ont eu trois mois et demi pour apprendre à sublimer leur agressivité, prouver qu'on peut leur faire confiance, la sortie reste le véritable point faible du dispositif. Trop souvent, nous sommes face à un vide. Les établissements classiques rechignent à les accueillir, effrayés par leur passé. Or, la prise en charge éducative doit continuer. Le placement en CER n'est pas une solution magique ! Autre question à se poser, celle de la formation du personnel. Tous les éducateurs spécialisés recrutés à La Minardière se sont sentis dépassés et sont partis rejoindre des structures moins usantes. Leur formation, me semble-t-il, est de plus en plus universitaire, éloignée des réalités de terrain. Finalement, l'équipe est constituée d'éducateurs techniques et d'un moniteur-éducateur, qui avaient souvent une expérience de l'animation bénévole et l'habitude de côtoyer ces jeunes.
Que pensez-vous de la multiplication annoncée des CER et de la création des centres de placement immédiat, reposant sur le même principe de la rupture (3) ?
- La rupture est toujours une bonne idée pour des adolescents qui étouffent dans leur milieu, où ils n'ont pas d'autre possibilité d'expression que la délinquance. Mais est-il besoin de créer autant de CER ? Mieux vaudrait assurer le relais, en améliorant les services qui existent déjà ou en développer d'autres. Quant aux centres de placement immédiat, qui pourront accueillir les jeunes jusqu'à trois mois, ils n'échapperont pas à la nécessité de fonctionner en réseau, de trouver des partenaires extérieurs pour recevoir ponctuellement les jeunes, pour des ateliers, par exemple. Cela ne sera pas facile. D'autant plus qu'ils travailleront dans l'urgence.
Propos recueillis par Céline Gargoly
(1) Voir ce numéro.
(2) CER La Minardière : La Motte - 38650 Sinard - Tél. 04 76 34 06 32. Ce CER, l'un des plus anciens du secteur associatif habilité, dépend de l'ADSEA de l'Isère.
(3) Voir ASH n° 2105 du 5-02-99.