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Revirement jurisprudentiel sur la rémunération des heures en chambre de veille

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Les heures de surveillance nocturne des pensionnaires des établissements sociaux et médico-sociaux, effectuées par le personnel éducatif, sont à rémunérer comme des heures normales de travail et non selon le système conventionnel d'équivalence. Ainsi vient d'en décider la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 juin. Trois mois plus tôt (1), elle avait, au contraire, admis le régime d'équivalence de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées de 1966, qui assimile, pour leur paiement, les neuf premières heures de veille à trois heures de travail éducatif et chaque heure au-delà de la neuvième, à une demi-heure de travail éducatif.

Les dispositions conventionnelles non valides

En l'espèce, 15 éducateurs de l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public de l'Indre  (ADPEPI), qui gère un institut médico-éducatif, avaient obtenu, devant le conseil de prud'hommes, puis la cour d'appel de Bourges (2), la condamnation de l'ADPEPI à un rappel de salaires pour leur présence en chambre de veille. Saisie de pourvois formés par l'employeur et le département, la Cour de cassation confirme l'arrêt rendu en appel. Elle écarte les dispositions conventionnelles en retenant que la CC de 1966 n'est pas une convention collective étendue. Pour parvenir à cette conclusion, elle se livre à une lecture combinée des articles L. 212-4 et L. 212-2 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 212-4, seul un décret peut instituer un système d'équivalence. Les juges suprêmes considèrent toutefois que, « en dehors du cas où il est prévu par un décret », l'horaire d'équivalence peut être institué par un accord. Mais soumettent celui-ci au régime des accords conclus en application de l'article L. 212-2 du code du travail, c'est-à-dire aux accords dérogatoires. Pour être valide, l'équivalence doit donc résulter, selon la Cour de cassation, soit d'un accord d'entreprise ou d'établissement susceptible d'opposition, soit d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel étendu. Or, note-t-elle, « une convention collective agréée ne remplit pas ces conditions ».

La Cour relève ensuite que les salariés « devaient répondre à tout moment à toute sollicitation émanant soit des pensionnaires [...]soit des veilleurs de nuit [...]  leur intervention pouvait recouvrir un aspect éducatif et répondait aux besoins et à l'activité de l'association [...]  [...] ces heures de surveillance au cours desquelles les salariés devaient se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles constituaient un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme des heures normales de travail en tenant compte, le cas échéant, des majorations pour heures supplémentaires prévues par la convention collective applicable sans que puisse être opposé aux salariés un régime conventionnel d'heures d'équivalence qui leur était moins favorable ».

De lourdes conséquences financières

On peut s'étonner de la référence à l'article L. 212-2. D'une part, parce que ce texte concerne les seules dérogations relatives « à l'aménagement et à la répartition des horaires de travail à l'intérieur de la semaine, aux périodes de repos, aux conditions de recours aux astreintes », liste qui ne comprend pas le système de l'équivalence. D'autre part, parce qu'il vise des accords dérogeant à des dispositions réglementaires, inexistantes dans le secteur social et médico-social.

On guettera avec intérêt le prochain arrêt que doit rendre la Cour de cassation, saisie d'un autre pourvoi formé, cette fois, contre un arrêt de la cour d'appel de Colmar (3). Dans l'attente, la portée de l'arrêt du 29 juin est considérable, tant pour les établissements du secteur social et médico-social (4), exposés à des rappels de salaires, que pour l'Etat qui participe à leur financement.

Chez les employeurs, un temps rassuré par l'arrêt du 9 mars dernier, l'inquiétude est grande. Selon le SOP, la situation est « catastrophique ». Aussi, l'organisation syndicale presse-t-elle le ministère de l'Emploi de promulguer rapidement un décret sur le décompte du temps de travail dans le secteur social et médico-social ou de régler la question dans le cadre de la seconde loi sur les 35 heures (5).

A la direction de l'action sociale, qui, récemment encore, invoquait les termes de l'arrêt du 9 mars (6), et à la direction des relations du travail, aucune réaction officielle pour l'instant. Tout au plus, souligne-t-on l' « incertitude juridique » résultant de ce revirement jurisprudentiel.

(Cass. soc. 29 juin 1999, ADPEPI c/Auffrère et autres, n° 3341 P+B+R)
Notes

(1)  Voir ASH n° 2111 du 19-03-99.

(2)  Voir ASH n° 2080 du 17-07-98.

(3)  Voir ASH n° 2080 du 17-07-98.

(4)  Notons que la convention collective de 1951, qui comprend des dispositions conventionnelles identiques, n'est pas non plus étendue.

(5)  Un projet de décret avait été soumis aux partenaires sociaux en 1997  voir ASH n° 2080 du 17-07-98.

(6)  Voir ASH n° 2124 du 18-06-99.

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