Le 5 juillet, le Conseil économique et social (CES) a rendu public le rapport Les toxicomanes dans la cité, rédigé par Sylvie Wieviorka, psychiatre et directeur médical d'un centre de soins pour toxicomanes. Plutôt que de remettre en cause la loi du 31 décembre 1970, dont plusieurs études ont déjà souligné les limites (1), le conseil fait une série de propositions visant à la rendre plus efficace.
L'Etat, constate Sylvie Wieviorka, ne joue pas « le rôle d'initiateur et de coordonnateur des politiques publiques que l'on est en droit d'attendre ». L'auteur reproche à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) d'être dans l 'impossibilité, « faute de cohérence et de stabilité, d'impulser une politique interministérielle lisible, de coordonner les actions au niveau local, national et international, et de promouvoir un langage commun pour l'ensemble des acteurs ». Or, selon le rapport, il est indispensable de mettre en place un pilotage national qui corrige les inégalités interrégionales et incite, au plan local, à l'émergence de politiques dynamiques, adaptées et mieux concertées.
C'est pourquoi le Conseil économique et social préconise, en premier lieu, de modifier les statuts et les missions de la MILDT. Il plaide pour la création d'une agence nationale, dotée de deux organes consultatifs : un conseil scientifique et un conseil national consultatif, réunissant des représentants de l'ensemble des acteurs locaux.
Par ailleurs, le rapport révèle la nécessité de « repenser l'articulation entre l'Etat et les collectivités locales et territoriales en matière de lutte contre la toxicomanie, afin de mieux susciter et soutenir des actions innovantes au plus près des réalités ». En particulier, il défend l'idée d'une décentralisation vers les départements de la lutte contre la toxicomanie. De plus, le conseil estime indispensable de mettre en œuvre, pour les régions les plus démunies, des actions prioritaires l'outre-mer devant faire l'objet d'une attention particulière.
Le Conseil économique et social recommande de promouvoir une réelle politique pénale d'incitation aux soins pour les toxicomanes. Des efforts doivent être entrepris pour que « la finalité de la répression de l'usage des drogues devienne réellement l'incitation aux soins et à l'insertion sociale, plutôt qu'une dissuasion par la sanction qui n'a pas toujours fait ses preuves ».
Enfin, le CES suggère de préparer le passage du système de soins spécialisé pour toxicomanes vers les régimes de droit commun, l'entrée en vigueur prochaine de la loi sur la couverture maladie universelle (2) permettant à chacun de « se soigner convenablement ». Aujourd'hui, explique-t-il, « l'anonymat et la gratuité ne sont plus guère appliqués », en particulier pour ceux qui suivent des traitements de substitution. Le maintien d'une filière spécialisée ne se justifie donc plus. Sa suppression, souligne-t-il, devra s'opérer, toutefois, dans des conditions garantissant la confidentialité pour les personnes en traitement.
(1) Voir ASH n° 1913 du 9-02-95.
(2) Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.