Le titulaire d'un contrat emploi-solidarité (CES) peut-il prétendre au versement du 13e mois prévu par la convention collective ? Telle était la question posée à la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juin.
Animatrice sous CES dans un centre social, une salariée avait obtenu, du conseil de prud'hommes, la condamnation de son employeur au versement d'un 13e mois, en application de la convention collective nationale des personnels des centres sociaux et socio-culturels du 4 juin 1983. Saisie d'un pourvoi formé par le centre social, la Cour de cassation confirme ce jugement.
On sait que les dispositions conventionnelles doivent bénéficier au titulaire d'un CES, sauf en matière de salaire (1). En effet, l'article 322-4-11 du code du travail dispose que l'intéressé reçoit un salaire égal au produit du SMIC par le nombre d'heures travaillées, sous réserve, toutefois, de clauses contractuelles ou conventionnelles plus favorables. De son côté, l'article 3 de l'annexe 3 de la convention collective, dans sa rédaction de 1990 (2), prévoyait l'application des dispositions conventionnelles aux salariés en CES, sous réserve des restrictions contenues, notamment, à l'article L. 322-4-11 en matière de salaire.
D'après l'employeur, en l'absence de disposition contraire visant expressément les salariés sous CES, ceux-ci n'étaient pas éligibles au 13e mois, qui aurait pour effet de rendre leur rémunération supérieure au SMIC.
La Cour de cassation se fonde également sur la combinaison des textes, mais pour affirmer, au contraire, le droit à l'avantage conventionnel. Les juges suprêmes rappellent, tout d'abord, que la convention collective est applicable aux CES, sous réserve de restrictions contenues dans les textes légaux, et que le personnel bénéficie d'un 13e mois. Et concluent qu' « en l'absence de restriction expresse relative au 13e mois », les salariés sous CES peuvent prétendre à son versement.
La cour se livre ainsi, semble-t-il, à une interprétation littérale de l'article L. 322-4-11. La restriction que pose ce dernier ne concernerait que le salaire de base, à l'exclusion des autres éléments pouvant composer la rémunération.
Cette solution n'est pas exempte de toute critique. En effet, le 13e mois est habituellement pris en compte, pour le mois où il est versé, lorsqu'il s'agit de vérifier si un salarié est bien rémunéré au SMIC. D'ailleurs, de son côté, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, dans sa circulaire de décembre dernier, ne mentionne pas le 13e mois parmi les différents avantages « annexes » (primes et autres avantages conventionnels) qui s'imposent systématiquement à l'employeur. Dès lors, n'aurait-il pas fallu, comme le prétendait l'employeur, que la convention collective prévoie expressément le versement du 13e mois aux personnes en contrat emploi-solidarité ?
Quoi qu'il en soit, la décision de la Cour de cassation pourrait être lourde de conséquences pour les employeurs de salariés en CES - et ils sont nombreux - relevant du champ d'application de la convention collective nationale des personnels des centres sociaux et socio-culturels. Ces employeurs pourraient désormais être exposés à des demandes de paiement de 13e mois. Etant rappelé qu'en la matière, la prescription est de cinq ans.
(1) Voir ASH n° 2102 du 15-01-99.
(2) Ces dispositions conventionnelles ont été modifiées entretemps. Mais la nouvelle version laisse le problème entier.