Comment assurer un développement économique équilibré des villes et agglomérations et faciliter l'accès à l'emploi de la population des quartiers en difficulté ? Telle est la question à laquelle le rapport des députés Chantal Robin-Rodrigo (RCV) et Pierre Bourguignon (PS), Le territoire de la cité au service de l'emploi, remis le 22 juin à Lionel Jospin, tente de répondre, au moyen de 42 propositions. Rappelons que cette étude avait été commandée, à la suite du rapport sévère de l'IGAS sur les zones franches urbaines (1).
Les parlementaires dressent un constat sans appel : « exacerbation des tensions produites par le sentiment des populations d'être confinées dans des espaces hors la marche de la société », « accroissement des écarts au sein des zones urbaines »... Ces difficultés se doublent d'une méfiance grandissante envers les dispositifs d'insertion proposés et d'un fort ressentiment à l'égard des autorités publiques et des institutions.
Par ailleurs, estiment les députés, la politique de la ville « souffre d'un vice de forme originel », dans la mesure où la prise en compte de l'emploi et du développement économique en a souvent été le parent pauvre. Aussi, affirment-ils clairement, cette question « doit être systématiquement présente dans les prochains contrats de ville qui couvriront la période 2000-2006 ». A cette fin, considèrent-ils, il est temps de substituer un développement local urbain au développement social urbain aujourd'hui en œuvre. Cela, grâce à un projet de territoire cohérent, qui agisse en même temps sur l'économie et l'emploi. Ce projet doit s'inscrire dans le cadre du contrat de développement local urbain (CDLU). Pour les auteurs, il ne s'agit pas de créer ex nihilo une nouvelle entité, mais plutôt de chercher à utiliser le plan local pluriannuel pour l'insertion et l'emploi (2), dont la vocation serait élargie. Il aurait la maîtrise d'œuvre de l'ensemble des projets de développement social et économique des quartiers. Le CDLU offre, aux yeux des rapporteurs, le cadre adéquat pour garantir « l'égal accès de tous les citoyens à l'emploi » et lutter contre les discriminations raciales. Pour la mise en place de ce contrat, le document suggère la constitution d'une « équipe d'ingénierie ». Avec pour mission de traduire les axes politiques en actions concrètes et de gérer conventions et financements de manière à atteindre les objectifs définis dans le CDLU.
Au-delà, les députés préconisent une panoplie de dispositifs financiers, dont un nouveau système de financement de la politique de la ville, par la création de sociétés d'investissement régional. De plus, Chantal Robin-Rodrigo et Pierre Bourguignon se prononcent en faveur d'un recentrage de l'épargne populaire au profit des investissements urbains.
En outre, afin de créer un environnement attractif pour l'implantation d'entreprises, les auteurs ouvrent deux pistes de réflexion. La première vise à garantir l'égalité d'accès aux services publics, pour assurer, dans les quartiers difficiles, des normes de qualité équivalant à celles des autres espaces urbains. La seconde, à élargir le programme emplois-jeunes aux adultes issus de ces quartiers.
Enfin, les auteurs lancent plusieurs propositions pour encourager l'initiative locale, notamment des femmes :créer un lieu d'accueil implanté au cœur des quartiers, assurer les premières dépenses liées au projet, faciliter l'accès au crédit... Les dossiers les plus crédibles au plan économique seraient accompagnés sur le long terme dans des « couveuses ». Lieux d'expérimentation en grandeur réelle de l'activité économique à naître, elles offriraient un « cadre adapté pour tester les conditions de viabilité du projet », soulignent-ils.
(1) Voir ASH n° 2101 du 8-01-99.
(2) Voir ASH n° 2089 du 16-10-98.