Recevoir la newsletter

OUI À LA RÉFORME DE LA TARIFICATION DES ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES

Article réservé aux abonnés

La réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes constitue une « nouvelle étape » et non une « usine à gaz » , plaide Joël Defontaine. Lequel refuse de s'associer « au “non” dominant à cette réforme » .

« Cette nouvelle réforme de la tarification, d'avril 1999, s'inscrit dans le droit fil du rapport Laroque de 1962. Nous sommes dans la continuité de la réflexion sociétale sur la vieillesse de la personne âgée. [...] Je préconise de quitter le chemin de la pensée unique et de l'opposition systématique à la nouvelle réglementation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Oui, pour ma part, même minoritaire, je suis d'accord avec cette réforme réglementaire des EHPAD... Mais il convient d'en saisir le sens, centré sur la promotion de la citoyenneté de la personne âgée, et de sortir du manichéisme ambiant, “le contrôle budgétaire et comptable du médico-social” comme seul justificatif d'une opposition systématique traduisant une résistance massive au changement. »

« Les pouvoirs publics et, notamment, la direction de l'action sociale, nous interpellent, tous, fortement sur le problème de la personne âgée et de “sa vieillesse particulière et unique”. Cette variable de l'âge est dominée par la nécessité de concilier d'une part, l'adaptation du milieu et des conditions d'existence à l'état physique et psychique des personnes âgées, d'autre part, leur maintien, de qualité, dans la société, excluant toute ségrégation et s'appropriant le fait que la mort fait partie du chemin inexorable de la vie. »

« La réforme sur les EHPAD nous oblige à nous demander : “Mais où est donc passée la personne âgée, où est Monsieur X, Madame Y, dans sa vie quotidienne de citoyen, avec sa propre histoire, son moi propre et surtout ses modes de vie quotidiens particuliers et uniques... et sa marche progressive vers sa mort ?” »

« La direction de l'action sociale, me semble-t-il, par ces nouveaux textes réglementaires, rappelle l'absolue nécessité de l'intégration de la personne (entre autres âgée) dans la société... Là réside le primum movens sociétal. »

« La réforme nous incite à une position éthique, dans notre quotidienneté professionnelle. Elle affirme haut et fort que la personne âgée a le droit de vivre avec son âge, avec les risques qu'elle veut choisir, c'est-à-dire autonome, même si elle a besoin de certains “accompagnements coordonnés” pour subvenir à certains de ses besoins quotidiens. Le système social dans les années 80-90 a situé la vieillesse dans une position morale. La réforme de 1999 situe la personne devenue âgée dans le champ de l'éthique. »

« Le sujet éthique, lui, ne se situe pas par son rapport à la loi sous laquelle il se range (la morale), mais à partir de l'élaboration d'une “forme de rapport à soi” qui permet à la personne... âgée de se constituer comme sujet d'une conduite. La démarche éthique nous révèle l'histoire de la personne. Elle nous montre comment dans telles ou telles conditions, les personnes âgées restent et continuent à devenir sujet de notre communauté. C'est au travers du champ de l'éthique que la personne âgée conservera son statut et son utilité sociale et que “sa personne” ne s'effacera pas devant le classement social catégoriel “personne âgée”. »

« Pour toutes ces raisons, oui, je suis pour cette réforme qui a du “cœur républicain” et qui génère du sens pour le corps social. Même pour les personnes âgées à la frontière des grands âges, elles sont approchées dans leur devenir de sujet, dans leur développement, dans leur vieillissement, dans leur activité, leur utilité et leur richesse sociale. »

La complexité, un leurre

« Complexité, avez-vous dit au sujet de cette nouvelle réforme : soyons sérieux ! Cette réforme est simple et lisible dans la mesure où l'on veut bien mobiliser son intelligence et son cœur pour cela. Et s'approprier, même avec le sens critique, les publications du ministère sur ce thème-là. »

« Ce nouveau dispositif peut cependant être jugé complexe par les praticiens du travail social... Oui, mais plus dans son exégèse que dans son contenu formel. Au sens sociologique, ce dispositif, dans sa dynamique, repose sur la dialectique des rapports entre administration d'Etat, administration territoriale, administration privée catégorielle et société. »

« Ces groupes jouent d'une part, le rôle “d'intéresseurs sociaux”, irriguant les projets publics, y compris pour les personnes âgées, par l'expression de nouvelles demandes formulées, explicitement ou implicitement, par le corps social de la cité. Ils jouent, d'autre part, le rôle d'appui et de relais contradictoire et paradoxal pour l'action publique. Si nos “notables” du “mode de vie de la vieillesse” voient de la complexité dans cette nouvelle réforme EHPAD, c'est sûrement au niveau des enjeux de pouvoir et de territoire, sur l'objet marchand que représente la vieillesse, ainsi qu'à la plus-value de notabilité qui en découle. Pensez donc, ce sont les personnes âgées elles-mêmes, y compris du plus grand âge, qui vont ainsi pouvoir choisir et décider par elles-mêmes de leur propre vie... de leur propre mort, sans l'intermédiaire des notables du social. »

« La nouvelle politique du mode de vie de la vieillesse, contenue dans ce nouveau dispositif, est le reflet de la capacité de la société et des citoyens à se réapproprier leur destin personnel ainsi que le mode de vie intégré devant découler de leur choix de vie, particulier, mais intégré dans la cité. Les personnes âgées, au regard de cette réforme se voient bien reconnues comme citoyens du 3e et 4e âge avec un droit imprescriptible à l'insertion sociale... jusqu'à leur dernier souffle de vie. »

« Le nouveau dispositif, nous sortant de l'action traditionnelle de simple suppléance sociale, transforme tous les acteurs, y compris les personnes âgées, en “innovateurs périphériques”. De là va se constituer de nouveaux relais des rapports entre les administrations et son environnement. Tous les acteurs de la cité, intervenant sur le mode de vie de la vieillesse, vont représenter les nouveaux interlocuteurs privilégiés de la coalition modernisatrice pour un grand âge choisi, partagé, vécu dans sa spécificité et son unicité. Cette nouvelle donne remplit, effectivement, de perplexité et de complexité les groupements représentatifs précédents. Nous sommes invités à un changement de paradigme, quitter “l'objet vieillesse” pour passer à la “personne” âgée citoyenne et actrice elle-même de sa vieillesse, dans la cité avec sa richesse et sa plus-value en lien social et multigénérationnel. Là encore, la complexité n'est pas là où l'on dit qu'elle est !

« Oui à ce nouveau dispositif qui nous demande de prendre en compte l'ensemble du parcours des âges et nous invite à quitter le concept d'une politique de la vieillesse pour une politique du vieillissement intégré, jusqu'à la mort, dans la vie ordinaire de la cité.

Les moyens financiers, un mauvais procès

« La majorité du secteur personnes âgées, opposée à cette réforme de la tarification et des conditions techniques d'avril 1999, met en avant le manque de mise à disposition de nouveaux moyens financiers ainsi que la création d'une grave inégalité du mode de vie de la vieillesse entre les personnes âgées qui pourront financer leurs besoins d'accompagnement spécifique et celles qui ne le pourront pas.

« Mauvais procès d'intention à mes yeux de praticien du travail social. En effet, le ministère concerné reconnaît explicitement le surcoût lié à ce nouveau dispositif ainsi que la nécessité “de dégager” de nouveaux moyens financiers, sans pour autant s'écarter des nécessités de gestion. Le bien-être a un prix solidaire... mais il ne doit pas être hors de prix. Dans cette perspective, des “prix solidaires” ont été créés par les pouvoirs publics : la couverture maladie universelle, la loi contre l'exclusion, la prestation spécifique dépendance que d'aucuns chargent de tous les maux, etc. Ne soyons pas chroniquement malthusien. Ne doutons pas, pour légitimer notre résistance au changement sociétal, que l'administration d'Etat comme l'administration territoriale des conseils généraux auront à cœur de jouer la solidarité, tant nationale que de proximité, envers les aînés vieillissants aussi porteurs de développement, d'avenir et de richesse, tant pour le tissu social que pour le lien générationnel du département et de la République. »

« Pour nous permettre de bien “prendre en charge” les personnes âgées, nous pensons qu'il faut toujours plus de moyens financiers, d'allocations redistributives ou de solidarité. Il nous faut plus de “sous”, sinon ce sont les pouvoirs publics qui seront responsables de notre “non-qualité”. »

« Avant cette nouvelle réforme d'avril 1999, nous fonctionnions sur le paradigme : la personne âgée objet de services divers pour l'assister dans sa vie quotidienne élémentaire, lever, repas, coucher. Dans ce système, au plus fort des années 80, le développement des services (du domaine économique marchand) devient un objectif en soi pour tous les prestataires/entreprises de la vieillesse. Productivité/trésorerie à tous crins, même si cet objectif est totalement contradictoire avec l'intérêt de la personne âgée, sujet et citoyenne. »

« La nouvelle tarification fait sienne ce vieil adage des années de la centralisation de 1982 à 1986, et que personne à l'époque n'a renié, à savoir : “Qui décide... paie, qui paie... décide...“ L'exercice de sa citoyenneté, par la personne âgée, se situe aussi à ce niveau-là. Il n'est pas honteux pour l'hébergement et la dépendance que la personne âgée citoyenne choisisse ses produits d'accompagnement et les assume personnellement au nom de sa légitimité sociale. Il n'est pas non plus honteux qu'à ces deux niveaux de coûts de services d'accompagnement, lorsque la personne âgée ne peut totalement ou partiellement subvenir à ses choix et désirs citoyens en l'espèce, la solidarité légale intervienne soit par l'aide sociale soit par la prestation spécifique dépendance.

« Là encore, ce sont des enjeux de pouvoir et de conception d'une certaine citoyenneté qui fédèrent les oppositions majoritaires.

« La nouvelle réforme obligeant à la transparence, à la dynamique de contrat, à respecter le choix personnel et économique de la personne âgée pour déterminer son mode de vie pour sa vieillesse..., oui je suis, envers et contre presque tous, pour ce nouveau dispositif. Et ce, d'autant plus que ce mieux faire de gestion pour un mieux vivre de la personne âgée intègre le fait démographique suivant : vers 2005, la France comptera plus de 10 millions de personnes de 65 ans ou plus (contre 8,7 millions en 1999) et plus de 5,6 millions de personnes de 75 ans ou plus (contre 4,5 millions). »

La démarche qualité, respect de la citoyenneté

« A travers cette recherche de qualité, les pouvoirs publics semblent avoir eu le souci d'éviter un excès de technicisation qui voudrait réduire la qualité à un système de procédures rigides. Il est nécessaire pour les institutions EHPAD de se ménager des espaces de créativité qui offriraient la possibilité de découvrir, d'explorer les possibles, de s'inscrire dans une démarche de recherche, de régulation positive, de gestion du risque par les résidents eux-mêmes. Tout comme le projet, la qualité est à mettre en lien d'évaluation. »

« J'ose espérer que les pouvoirs publics, dans un souci d'économie et de bonne transversabilité entre le sanitaire et le médico-social, nous intégreront au niveau de l'évaluation de nos bonnes pratiques professionnelles et de notre démarche assurance qualité dans le cadre existant de l'ANAES, en créant une section et un réseau “d'experts/praticiens” du travail social spécialisé et adapté à la culture ainsi qu'à la pratique de terrain du médico-social. »

« Par ailleurs, une telle intégration évitera que la conférence nationale de la santé ignore superbement le médico-social “personnes âgées”, aussi bien au niveau des clients que des professionnels. C'est vrai que le secteur personnes âgées est un détail de la santé en France puisque seulement 4,5 millions de clients âgés sont concernés et que leur citoyenneté s'appauvrit avec leur évolution dans le grand âge. »

Joël Defontaine Praticien et philosophe du travail social - Chargé d'enseignement ENSP - Responsable qualité Fnadepa. Coauteur du Précis de philosophie à l'usage des travailleurs sociaux  - Ed. des Organisations. Résidence des Hautes-Bruyères : 17, rue Lebourgeois - 76240 Bonsecours -Tél. 02 32 86 52 30.

Tribune Libre

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur