Un arrêt du Conseil d'Etat vient alimenter la jurisprudence, déjà abondante, sur la mise en œuvre de l'amendement Creton. Rappelons que cette disposition prévoit le maintien des jeunes handicapés adultes en établissement d'éducation spéciale, faute de places en établissements pour adultes. Or, l'assurance maladie et les départements se rejettent la charge financière de ce dispositif.
La cour administrative d'appel de Paris avait jugé que lorsqu'un adulte handicapé orienté vers un foyer d'hébergement est maintenu, à titre provisoire, dans un institut médico-éducatif (IME), les départements doivent supporter les seules sommes afférentes aux frais d'hébergement et d'entretien, « à l'exclusion de celles correspondant aux soins ou à d'autres fonctions ».
Dans son arrêt du 7 mai dernier, le Conseil d'Etat condamne cette position et consacre une acception plus large de la notion d'hébergement, englobant également les dépenses socio-éducatives. Pour les juges suprêmes, en cas d'orientation d'un jeune handicapé adulte en foyer d'hébergement, seules les dépenses de soins correspondant à l'intervention de personnel médical ou paramédical, ainsi qu'à l'achat de médicaments et de matériel médical, sont à la charge de l'assurance maladie. De leur côté, les départements doivent financer les dépenses liées à l'hébergement et celles « afférentes aux dépenses socio-éducatives ».
Reste à savoir quelle sera la portée réelle de cet arrêt, sachant que le Tribunal des conflits, dans un arrêt du 25 mai 1998, a confié aux seules juridictions de l'ordre judiciaire (donc la Cour de cassation) la compétence du contentieux de l'application de l'amendement Creton. Pour sa part, la jurisprudence de la Cour de cassation, opposée à celle du Conseil d'Etat, met à la charge des départements à la fois les dépenses de soins et d'hébergement des jeunes adultes maintenus en IME, orientés en foyer d'hébergement.
Par ailleurs, la direction de l'action sociale nous a confirmé la volonté du ministère de l'Emploi et de la Solidarité d'intégrer, par voie législative, les dispositions de la circulaire annulée du 27 janvier 1995, qui fixait les modalités de financement de l'amendement Creton (1). A la lumière de cette nouvelle jurisprudence, la loi précisera peut-être, enfin, l'autorité compétente pour assurer le financement des prestations socio-éducatives délivrées en établissement d'éducation spéciale.
(1) Voir ASH n° 2037 du 19-09-97.