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La parole des vieux

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Voilà une recherche tout à fait originale qui nous entraîne au cœur de la parole des personnes vieillissantes. Non pas la parole codifiée et canalisée à travers les questionnaires ou « grilles » d'analyse utilisés par les experts en gérontologie et qui vient conforter l'approche biologique de la fin de vie. Mais l'expression subjective et spontanée des anciens qui seule permet d'être au plus près du vieillissement, avant tout une expérience singulière qui se vit et s'éprouve. Partant en effet de l'idée que « la vieillesse demande à être comprise tout autant qu'expliquée », Dominique Argoud, sociologue au Cleirppa, et Bernadette Puijalon, anthropologue, ont cherché à se démarquer d'une approche d'expertise pour débusquer les propos libres et spontanés des « vieux » - par opposition à la catégorie des personnes âgées. Outre les écrits d'auteurs contemporains ayant raconté leur vieillesse, les textes de revues de retraités ou d'instances de représentation, ils ont épluché les propos fragmentés et contradictoires du quotidien recueillis par les professionnels auprès des usagers d'établissements et de services d'aide à domicile. Approche qui, au-delà même d'une réflexion sur le sens de cette parole, met très concrètement en évidence les difficultés des intervenants à la prendre en compte.

En effet, dans beaucoup de situations, ceux-ci ne parviennent pas à dépasser l'écoute machinale pour « entendre » ce que l'autre a voulu signifier. Or, bien souvent, les propos échangés contiennent des non-dits et des informations fragmentaires. Et un travail de décodage du besoin, qui ne peut se fonder uniquement sur le dicible, est alors nécessaire au risque d'entrer dans un rapport de force. « La parole est comme un iceberg, avec toute une partie cachée du monde de la rationalité qui ne peut se traduire en une action précise », insistent les auteurs. Lesquels mettent également en évidence l'existence, à côté du registre fonctionnel et utilitaire, d'une parole « libre » qui n'appelle pas de réponse précise et à travers laquelle le vieux évoque sa solitude, ses angoisses ou sa vie passée. Des propos qui, s'ils peuvent paraître insignifiants, n'en permettent pas moins aux professionnels de dépasser le stade de la gestion des pertes et manques pour « atteindre une meilleure compréhension de l'être ». Insuffisamment prise en compte aujourd'hui, la parole peut « constituer un puissant levier pour favoriser une évolution des pratiques gérontologiques », affirment les chercheurs, invitant à sortir d'une vision « objectivante » de la vieillesse pour aller au plus près de ce qu'elle est.

Alors, comment « entendre » le vieux dans son identité ? Cela exige de prendre le temps, rappellent les auteurs... Celui d'écouter la personne pour négocier avec elle l'intervention, d'ouvrir à tous les personnels les réunions d'équipes souvent limitées aux soignants, de multiplier les espaces d'échanges entre professionnels, familles et personnes âgées... Autant de choses simples qui peuvent sembler évidentes, mais pourtant si difficiles à instiller dans la routine du quotidien. I.S.

La parole des vieux  - Dominique Argoud et Bernadette Puijalon - Ed. Dunod -165 F.

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