Annoncée en octobre dernier par Martine Aubry lors de sa communication sur la politique d'intégration (1), la table ronde sur les discriminations raciales dans le monde du travail a réuni Etat et partenaires sociaux, le 11 mai. A l'issue de cette rencontre, les participants ont adopté une déclaration, dite « de Grenelle », par laquelle « les pouvoirs publics s'engagent à faire mieux respecter la loi en utilisant tous les instruments existants et, le cas échéant, en les renforçant », tandis que les organisations professionnelles donneront « un nouvel élan » à la « sensibilisation, l'information, la prévention et la pédagogie ». Le texte invite en outre à « la compréhension des mécanismes, souvent complexes, qui conduisent aux discriminations ». Concrètement, ce sont plusieurs orientations qui ont été proposées et mises au débat lors de cette table ronde.
En premier lieu, constitué sous forme d'un groupement d'intérêt public, le « groupe d'étude des discriminations » (GED) jouera le rôle d'un observatoire. Son champ d'action couvrira l'emploi, mais aussi le logement ou encore l'éducation. Sa convention constitutive a été signée le 15 avril dernier, notamment par neuf ministères, le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles ainsi que la Sonacotra. L'ANPE, l'AFPA, les grandes associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, les entreprises et des collectivités locales pourront y adhérer.
Ensuite, des actions de formation et de sensibilisation des agents du service public de l'emploi (ANPE, AFPA, réseau des missions locales et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation, services déconcentrés), des militants syndicaux ainsi que des salariés de l'entreprise seront développées. Deux circulaires ministérielles ont déjà par ailleurs invité le service public de l'emploi et l'inspection du travail à renforcer leur mobilisation dans le domaine de la lutte contre le racisme (2).
Le développement du parrainage des jeunes vers l'emploi et l'inscription de la lutte contre les discriminations dans les contrats de ville figurent également parmi les orientations. Enfin, suite aux préconisations de Jean-Michel Belorgey (3), le ministère propose aux partenaires sociaux de réfléchir à une série de modifications législatives pour :
permettre à une organisation syndicale représentative dans l'entreprise de porter plainte en lieu et place d'un salarié victime de discrimination
étendre le régime de la preuve applicable au licenciement et à la sanction disciplinaire à l'ensemble des litiges nés de comportements discriminatoires. Le juge formerait ainsi sa conviction au vu de l'ensemble des pièces du dossier sans pouvoir récuser le plaignant pour absence de preuve
donner aux délégués du personnel un droit d'alerte lorsqu'un cas de discrimination raciale est constaté sur le lieu de travail, comparable à celui existant en matière d'atteinte aux personnes ou aux libertés individuelles dans l'entreprise
accorder aux inspecteurs du travail le droit de verbaliser
inscrire le thème de la discrimination dans les conventions collectives nationales.
(1) Voir ASH n° 2090 du 23-10-98.
(2) Voir ASH n° 2090 du 23-10-98 et n° 2118 du 7-05-99.
(3) Voir ASH n° 2114 du 9-4-99.