Que peuvent faire des travailleurs sociaux ayant connaissance, dans le cadre de leurs fonctions, de faits justifiant selon eux un signalement à la justice sans que leur hiérarchie ne réagisse ? Telle était la question soulevée par la psychologue, l'éducatrice spé-cialisée et la monitrice-éducatrice licenciées, le 17 octobre 1997, pour abandon de poste par leur employeur, la communauté Guy-Debeyre à Perrancey (Haute-Marne) (1). A la suite de cette affaire, et constatant que de nombreux travailleurs sociaux se trouvent dans la même situation, les salariées concernées soutenues par l'union départementale CGT (2) avaient interpellé la Fédération santé et action sociale CGT et l'ANCE sur l'absence de protection des professionnels lorsqu'ils saisissent leur hiérarchie de cas de maltraitances et que celle-ci ne prévient pas les autorités compétentes.
C'est dans ce cadre-là que Pierre Verdier, directeur de la Vie au grand air, a rédigé une avant-proposition de loi. Constatant que « certains salariés se sont retrouvés en difficulté, voire même licenciés, pour avoir signalé directement au président du conseil géné- ral, au préfet ou au procureur de la République (comme pourtant la loi le leur permet) des sévices ou mauvais traitements dont étaient victimes les usagers de l'institution », celui-ci estime nécessaire de mettre en place un système de protection. Réfutant l'idée d'une « clause de conscience » qui « laisse une trop grande place à la subjectivité », il suggère une protection identique à celle qui existe pour les salariés titulaires d'un mandat électif en tant que représentant syndical, délégué du personnel ou représentant du personnel au comité d'entreprise.
Il préconise ainsi que le projet de réforme de la loi de 1975 insère un article au code du travail avec une disposition parallèle dans la loi portant droits et obligations des fonctionnaires. Aux termes de celui-ci, le licenciement d'un salarié, qui aurait directement informé, dans les six mois précédents, les autorités judiciaires, médicales ou administratives de crimes ou délits sur les personnes prises en charge par l'institution, serait obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise puis à l'accord de l'inspecteur du travail. Des dispositions qui, selon Pierre Verdier, devraient viser toutes les catégories de personnel, travailleurs sociaux, mais aussi salariés des services généraux ou administratifs, toutes les institutions sociales mentionnées à l'article 3 de la loi de 1975 et tous les crimes et délits qu'ils portent atteinte aux personnes ou à leurs biens. Néanmoins, cette avant-proposition, qui constitue une piste de travail, devait encore être discutée en présence des professionnels, le 12 mai, lors d'une réunion à la Fédération santé et action sociale CGT à Paris.
(1) Voir ASH n° 2086 du 25-09-98 n° 2090 du 23-10-98 et n° 2095 du 27-11-98.
(2) Contact : Bourse du travail - 8, rue Decrès - BP 95 - 52003 Chaumont cedex - Tél. 03 25 32 56 40.