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L'errance estivale : une fausse piste de l'intervention sociale ?

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Comment est traitée, dans les communes concernées, la question dite de l'errance estivale et festivalière ? Pierre A. Vidal-Naquet, chercheur au Centre d'étude et de recherche sur les pratiques de l'espace (1), dans un rapport commandé par la DAS, s'est penché, trois ans après l'étude de François Chobeaux (2), sur les réponses apportées au phénomène. Et propose une vision qui tranche avec cette analyse réalisée en 1996.

Un phénomène multiforme

Premier constat de l'enquête menée dans plusieurs villes de France festivalières (Avignon, Annonay, La Rochelle) ou non (Perpignan, Béziers, Sète, Montpellier)  : l'errance, qu'elle soit locale ou itinérante, est un phénomène extrêmement multiforme, très difficile à cerner. Les situations types sont très nombreuses et, par exemple, les aires d'accueil autour des festivals regroupent des marginaux de moins de 25 ans itinérants, des SDF locaux dont le foyer habituel a fermé, des routards avec un projet structuré, des jeunes des cités avoisinantes très « paumés », des nomades semi-professionnalisés dans le spectacle, ou encore des personnes plus âgées alcooliques. Quant à l'errance estivale et/ou festivalière, elle s'avère échapper à toute tentative de véritable définition et «  n'est pas une réalité sociale vraiment tangible et identifiable  ». Une population, plus ou moins errante et plus généralement en difficulté, gravite autour d'un noyau dur de vrais zonards. Celui auquel s'était intéressé François Chobeaux et auquel Pierre A. Vidal-Naquet refuse de limiter son enquête.

Entre répression et insertion

Ce flou explique en partie «  la faible élaboration des politiques locales qui ambitionnent de traiter la question de l'errance », qui oscillent de façon très pragmatique et peu formalisée entre insertion, problématique d'accompagnement et répression. Le souci d'ordre public auquel répondent les arrêtés anti-mendicité ou encore les procédés rendant impossible le stationnement des groupes ou leur accès à telle ou telle zone commerciale, coexistent parfois avec une logique d'insertion ayant pour objectif « la sortie de l'errance ». Mais cette dernière ne concerne, précise l'auteur, qu'un très petit nombre de personnes. Une logique différente inspire les actions « de maintenance sociale et d'hospitalité » qui proposent un accueil de nuit ou de jour inconditionnel, une présence, une écoute, et un minimum de services, comme les campings sociaux d'Annonay, d'Avignon ou de la Rochelle.

D'abord des exclus ?

Au terme de cet inventaire et d'une présentation détaillée des expériences avignonnaise (aire d'accueil de la Belle-Etoile) et rochelaise (Point-Jeunes), le rapport formule une analyse stimulante. En fait, avance-t-il, l'été « modifie la façon dont les acteurs problématisent la question de l'errance, notamment dans les villes touristiques ». Mieux tolérés l'hiver (ils sont alors vus comme des victimes), les gens qui sont dans la rue passent alors du statut d'exclus à celui « d'errants » qui auraient en quelque sorte choisi leur situation. En outre, beaucoup de structures d'hébergement ferment l'été. « C'est alors surtout sur la question de l'occupation de l'espace public qu'on se focalise », soit sur le mode de la répression soit sur un mode plus social. Or, rappelle le document, «  pour de nombreux intervenants sociaux cette parenthèse sociale de l'été ne se justifie pas » et ils réclament une continuité de l'action sociale indépendamment des saisons. Sensiblement différente est la question posée par l'organisation festivalière où « l'existence de dispositifs d'accueil comme ceux des CEMEA semble [...] permettre une certaine détente des relations sociales » entre marginaux et jeunes des cités.

Finalement, l'errance, «  qui plus est estivale, n'est peut-être pas la meilleure façon de problématiser les difficultés que rencontrent certaines populations », estime l'auteur. En effet, poursuit-il «  c'est une notion qui déplace la question de l'exclusion et de la précarité d'un registre social à un registre spatial » et qui, du coup, appelle surtout des réponses en termes d'ordre public. Lesquelles sont inadaptées «  pour des raisons aussi bien pratiques que juridiques ou éthiques ». C'est bien plutôt, selon lui, la notion de « vie à la marge » qui apparaît alors pertinente pour l'intervention sociale.  V.L.

Notes

(1)  Sur les chemins de l'errance estivale - DAS- CERPE - Distribué sur demande écrite au Bureau DSF2-DAS : 75696 Paris cedex 14.

(2)  Auteur du livre Nomades du vide - Voir ASH n° 1981 du 28-06-96.

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