Tirant les conséquences des données « à certains égards décevantes » du bilan 1998 de l'application de la loi sur la prestation spécifique dépendance (PSD) (1), Martine Aubry et Bernard Kouchner ont annoncé, le 29 avril, lors de la réunion du Comité national de la coordination gérontologique, une série de mesures tendant à améliorer le fonctionnement de cette prestation et à encourager le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes.
Tout en reconnaissant le caractère « assez largement fondé » de certaines critiques formulées sur la gestion de la PSD, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ne croit pas, pour autant, que « la solution soit à rechercher dans un transfert à la sécurité sociale » . Selon elle, en effet, celui-ci ne supprimerait pas la nécessité d'une condition de ressources. En outre, a-t-elle ajouté, « à la différence de la prestation sanitaire qui fait forcément appel à des professionnels, l'aide à une personne âgée dépendante repose principalement dans les faits sur l'entourage ». Renverser cet ordre conduirait, selon la ministre, à « déresponsabiliser les solidarités familiales naturelles ». Enfin, autre argument qui milite pour un statu quo, la PSD doit rester une prestation gérée au plus près du besoin. « Mobiliser [les acteurs du terrain] pour une gestion locale est la meilleure garantie du respect du projet de vie de la personne âgée », a-t-elle expliqué.
Parmi les dispositions de nature à améliorer « à brève échéance » la PSD, Martine Aubry propose de relever le seuil de l'actif net successoral en cas de recours en récupération sur succession de 300 000 F à 500 000 F ou 600 000 F et d'instaurer un seuil , qui pourrait être fixé à 300 000 F, pour les recours sur donation. Poursuivant sa réflexion sur ce sujet, la ministre a estimé « tout à fait envisageable de supprimer dans un avenir rapproché ces recours », qui pourraient être remplacés par une participation des usagers, « proportionnelle à leurs revenus et inversement proportionnelle à leur niveau de dépendance », aux dépenses exposées pour assurer leur prise en charge.
Dans le même esprit, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité veut modifier la loi de janvier 1997. Désormais, a-t-elle déclaré, la loi prévoira un délai de 15 jours pour réclamer les pièces manquantes, ce qui permettra de raccourcir les délais d'instruction des demandes de prestation. Par ailleurs, une base légale sera donnée à une disposition réglementaire annulée par le Conseil d'Etat (2), qui avait fixé à 50 % du montant de la majoration pour tierce personne (soit 2 863 F/mois) le montant de la PSD tacitement attribué, lorsqu'aucune décision n'avait été prise dans le délai de deux mois. Enfin, Martine Aubry entend « appliquer aux couples deux fois le plafond de ressources pour une personne seule, lorsque le demandeur de la prestation et son conjoint ne résident pas en un même lieu ». Etant précisé que le cas où le demandeur est en établissement, actuellement prévu par la loi, est insuffisant.
Il convient également, a poursuivi la ministre, d'améliorer l'aide que la PSD peut apporter à ses bénéficiaires. C'est ainsi que la prestation pourra servir au règlement des frais d'accueil temporaire, d'accueil de jour ou de nuit. Une aide, a-t-elle souligné, qui permet « d'abord de soulager les proches et différer ainsi une entrée en institution ». De plus, le montant maximal théorique de la PSD pouvant être consacré à des dépenses autres que de personnel passera de 10 % à 30 %. Et le plafond de ressources, pour pouvoir bénéficier du montant maximal de la prestation (soit 100 % de la majoration pour tierce personne (MTP) ), sera relevé de 1 145 F. A cette fin, explique-t-on au ministère, la disposition réglementaire actuelle, selon laquelle le montant de la prestation versée ne peut excéder 80 % de la MTP que lorsque les ressources sont inférieures aux plafonds (6 187 F pour une personne seule et 10 312 F pour un couple), sera supprimée.
Enfin, à l'occasion de la parution des textes relatifs à la réforme de la tarification (3), la ministre a affirmé vouloir « accélérer le mouvement de resserrement des écarts » constatés entre les départements et mener très rapidement une concertation sur les minima nationaux de PSD en établissement.
De son côté, Bernard Kouchner a invité les membres du comité à conduire une réflexion sur l'accompagnement du vieillissement à domicile et la mise en place de services polyvalents de vie à domicile, dont les services de soins infirmiers à domicile seraient « la clé de voûte ». A ce titre, a-t-il souligné, « les modes de financement par l'assurance maladie devront être adaptés pour que ces services polyvalents[...] puissent offrir des soins modulés allant de la simple intervention ponctuelle d'une infirmière libérale à l'hospitalisation à domicile ».
La « création d'un congé parent dépendant » (4) et le développement de gardes-malades ou d'accompagnants pour soulager la famille font également partie des hypothèses de travail avancées par le secrétaire d'Etat à la santé. Sur ce dernier point, « des crédits de la CNAM seront consacrés au développement de telles interventions », a-t-il indiqué.
Répondant aux critiques formulées sur la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes (5), Bernard Kouchner a reconnu que sa mise en œuvre nécessitera « davantage de personnels [...] notamment des infirmières et des aides-soignantes ». Il faut, a-t-il précisé, « compter sur le résultat de redéploiements à partir de l'enveloppe hospitalière ». Pour cela, des expériences de gestion des enveloppes médico-sociales correspondant aux établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes seront menées par les agences régionales de l'hospitalisation.
(1) Voir ASH n° 2115 du 16-04-99.
(2) Voir ASH n° 2078 du 3-07-98.
(3) Voir ASH n° 2117 du 30-04-99.
(4) Rappelons que le Conseil économique et social a préconisé, dans son rapport sur L'accompagnement des personnes en fin de vie, la création d'un tel congé, voir ASH n° 2108 du 26-02-99.
(5) Sur la position des associations, voir ce numéro.