« La discussion sur l'inutilité d'un comptage ou d'un recensement qui atteindrait la dignité des personnes » n'est-elle pas « un non-problème ? », s'interroge le docteur Patrick Henry, chargé de mission « Lutte contre la grande exclusion » à la RATP (1), à la suite des propos de Pierre Calame sur le difficile décompte des sans-abri (2).
S'il est « illusoire » de penser que la simple connaissance d'un chiffre puisse à elle seule permettre de résoudre ce problème, encore faut-il, selon lui, dissocier les aspects quantitatifs des aspects qualitatifs. « La connaissance individuelle est irremplaçable et je défends, depuis 15 ans que je fais ce métier, la position qui consiste à privilégier l'écoute prudente et attentive celle qui permet de se libérer sans faire resurgir les démons du passé et sans déclencher les réflexes de rejet vis-à-vis de l'institution ou des travailleurs sociaux. Les questions les plus graves et vulnérantes sont celles que se pose un sans-abri lui-même si son interlocuteur ne sait pas endiguer le flot des souvenirs. »
Néanmoins, poursuit-il, « je ne vois pas en quoi, si ce travail est fait avec le professionnalisme et le tact nécessaire, avoir un aperçu du nombre et d'autres renseignements d'ordre quantitatif est préjudiciable à la dignité et ne répond pas aux soucis éthiques que nous souhaitons tous préserver [...]. Comment imaginer que l'on puisse offrir à terme des hébergements d'urgence ou des solutions dignes pour les couples vivant dans la rue qui respecteraient la vie privée et affective, si l'on n'a aucune idée du besoin quantitatif ? Quelle association ou institution se lancerait dans des investissements de toute nature sans que le problème soit quantitativement identifié ? », s'interroge-t-il encore. « Je ne vois pas d'opposition entre une forte rigueur méthodologique et un souci éthique constant. »
(1) Département environnement et sécurité - RATP-LAC A 715 : 54, quai de la Rapée - 75599 Paris cedex 12.
(2) Voir ASH n° 2113 du 2-04-99.