Recevoir la newsletter

Les handicapés exclus de l'école

Article réservé aux abonnés

Une tolérance plus qu'un droit. C'est un constat sévère sur les conditions de l'intégration scolaire des handicapés et de l'enseignement dans les établissements médico-sociaux que dressent les inspections générales de l'éducation nationale et des affaires sociales, rejoignant en cela les vives critiques des associations.

Demandé par Martine Aubry et Ségolène Royal, leur rapport « sur l'accès à l'enseignement des enfants et adolescents handicapés », que les ASH ont pu se procurer, sera présenté le 20 avril, lors de la réunion prévue du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Si le plan d'encouragement à la scolarisation présenté par Ségolène Royal, le 3 février, tient compte de certaines propositions (1), les moyens financiers nécessaires à leur mise en œuvre restent encore à trouver.

Première difficulté relevée par les inspecteurs : le handicap est une notion difficile à appréhender, d'autant que le dépistage des déficiences est souvent réalisé tardivement. En outre, l'évaluation des besoins est faussée par le mauvais emploi de catégories administratives auquel s'ajoutent des défauts dans la collecte des informations. Et pour la mission, les faiblesses du système statistique constituent à la fois « un symptôme et un frein pour un bon développement de l'intégration scolaire ». Ce qui ne l'empêche pas de considérer qu'au vu de la faible importance numérique des enfants concernés (150 000 à 200 000 au maximum) cette intégration est possible « sans réel bouleversement des conditions de travail des équipes éducatives ordinaires, mais avec le soutien des services médico-sociaux ».

Une certitude pour les inspecteurs, l'intégration scolaire reste encore peu effective sur l'ensemble du territoire malgré les lois de 1975 et 1989. Les auteurs déplorent ainsi des refus encore trop souvent opposés aux demandes émanant des parents ou des établissements spécialisés. « L'intégration scolaire s'apparente à une sorte de loterie dans laquelle les enfants et les parents sont bien souvent les perdants », dénoncent-ils, alors que la réglementation « indique pourtant que l'intégration demandée ne pourra pas recevoir de refus de principe ». La plupart du temps, constatent-ils encore, « les intégrations sont faites à l'essai », ce qui dénote bien qu'elles restent «  une tolérance » et « placent l'enfant et ses parents dans une situation précaire et perturbante ». A cet arbitraire, s'ajoute également la non-accessibilité des locaux scolaires.

Concrètement, l'intégration en école maternelle est «  apparemment plus aisée qu'à l'école primaire ou au collège », même si les problèmes existent, comme les fréquentes réductions du temps d'accueil imposées aux parents. Soulignant le rôle important joué en matière d'intégration collective par les classes d'intégration scolaire (CLIS), la mission relève le manque d'enseignants spécialisés et de services de soins associés.

Dans le second degré, les pourcentages d'intégration varient de 0,05 % à 20 % de l'effectif du collège. Des mauvais résultats que les inspecteurs attribuent au rythme particulier de la vie du collège. Mais également au nombre insuffisant d'unités pédagogiques d'intégration (UPI) pour recevoir tous les enfants venant des CLIS. La situation est encore pire au lycée : ainsi, tel département enregistre 53 élèves handicapés intégrés au collège contre... un seul au lycée. Une chose est sûre : le nombre d'enfants et d'adolescents scolarisés diminue à mesure que l'on progresse dans les cycles. Parmi les raisons qui expliquent ce phénomène, le rapport mentionne « le manque d'une politique d'intégration véritable et continue primaire/secondaire, l'absence d'inspecteurs spécialisés dans l'intégration scolaire dans le secondaire, voire le désintérêt de certains inspecteurs d'académie qui privilégient d'autres priorités », et enfin, le manque de dispositifs spécialisés au lycée. « Processus fragile », l'intégration scolaire « repose plus sur la bonne volonté et la charité que sur des savoir-faire professionnels ».

L'intégration scolaire n'a pas non plus toujours les moyens d'un accompagnement nécessaire relèvent les rapporteurs, pointant le développement insuffisant des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et des auxiliaires d'intégration, et l'absence de formation des enseignants à l'accueil des enfants handicapés. Néanmoins, ils soulignent le rôle intéressant joué par les emplois-jeunes dans ce domaine. « Cependant, ajoutent-ils aussitôt, le problème de leur formation se trouve posé s'agissant d'une tâche qui demande une qualification. » Enfin, les inspecteurs rappellent la nécessité de lever les cloisonnements qui perdurent entre les différentes administrations concernées (affaires sociales et éducation nationale).

Autre sujet d'inquiétude : la « relative indigence » de la formation professionnelle en établissements spécialisés. Outre le manque de qualification des éducateurs techniques spécialisés, le rapport met en évidence l'inadaptation des formations aux besoins et les « effets de filières » entre instituts médico-professionnels et centres d'aide par le travail.

Mais au-delà même des conditions d'enseignement, c'est l'orientation des enfants qui souffre de profondes carences. Globalement, les modalités de scolarisation sont plus déterminées par l'offre de places en établissement que par les besoins spécifiques des personnes. Les règles de fonctionnement des commissions départementales d'éducation spéciale (CDES) sont rarement respectées et leurs moyens insuffisants. Enfin, elles sont dans l'ignorance des prises en charge d'enfants handicapés dans des établissements sanitaires (en particulier les hôpitaux de jour des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile).

Une charte de portée générale

Pour relancer la politique d'intégration scolaire, les inspecteurs proposent l'élaboration d'une charte rappelant les principes fondamentaux qui président à la démarche. Ils suggèrent également de publier une circulaire d'accompagnement rappelant le cadre général du dispositif de prise en charge. Et de soutenir cette politique par une organisation institutionnelle coordonnée par la création aux niveaux national, régional et départemental de conseils à l'intégration et à la scolarisation.

Mais, dans l'immédiat, un état des lieux exhaustif de la situation des élèves handicapés et des dispositifs d'accompagnement spécialisé doit être réalisé afin de prévoir des mesures d'extension de ces services. Parmi les priorités citées dans le rapport, figurent notamment l'augmentation significative des SESSAD, le développement des UPI et la clarification de la situation des CLIS. Outre une amélioration de la formation des enseignants, les inspecteurs insistent sur la nécessité de réviser de manière substantielle les conditions d'enseignement professionnel, d'assurer son suivi et son évaluation. Il conviendrait également, selon les rapporteurs, de prendre des dispositions pour que le matériel spécifique, notamment pour les déficients visuels, ne soit pas à la charge des parents. Enfin, pour garantir le droit des enfants handicapés à une orientation en fonction de leurs besoins éducatifs spécifiques, la mission rappelle le rôle central de la CDES dans l'orientation et la nécessité de renforcer ses moyens.

Sophie Courault et Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Voir ASH n° 2105 du 5-02-99.

L'ÉVÉNEMENT

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur