Alors que depuis quelques années l'idée de sanctionner les parents des enfants délinquants récidivistes revient de façon récurrente dans le débat public, Informations sociales propose, dans son dernier numéro (1), une réflexion de fond sur la notion de responsabilité parentale. A la question de savoir « à qui appartiennent les enfants », Danielle Jonckers, anthropologue, rappelle que si le rôle des géniteurs est reconnu dans toutes les cultures, « le couple n'est pas toujours pensé comme le noyau de la famille », tandis que Claude Martin, chercheur au CNRS, et Armelle Debroise, doctorante en sociologie, précisent, eux, que « le seul fait que des lois puissent limiter, dans les pays occidentaux, les interventions des parents, voire même leur retirer leur enfant, montre bien que c'est l'Etat qui, en dernière analyse, possède les enfants dont il confie, dans les conditions les plus ordinaires, la responsabilité à leurs parents biologiques ».
Persuadé que la volonté de mettre sous tutelle les prestations sociales des parents « déméritants » s'inscrit « à contre-courant d'une évolution lente des politiques familiales vers la neutralité affichée à l'égard des choix familiaux », Numa Murard, sociologue, estime que ce message contient aussi l'idée que « l 'ordre social repose sur les épaules des seuls parents puisqu'ils sont les seuls désignés par leur responsabilité, les seuls sommés de réaffirmer leur autorité et les seuls sanctionnés ». Comme le formule autrement Pierre Strobel, responsable du bureau de recherche à la caisse nationale des allocations familiales, « ce qui est en jeu, ce sont bien les formes et les objectifs de l'intervention de l'Etat, sa légitimité à intervenir sur les questions familiales et sociales, le rapport entre éducation, prévention et répression : la conception même des libertés et de la protection sociale ».
(1) Informations sociales n° 73-74 - Disp. à la CNAF : 23, rue Daviel - 75634 Paris cedex 13 - 52 F.