Les manifestations de violences racistes, après une recrudescence en 1990 et 1991 (guerre du Golfe), connaissent une forte régression (26 en 1998 contre 110 en 1991), relève la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dans son rapport 1998 consacré à la lutte contre le racisme et la xénophobie (1). Le nombre de blessés est ainsi inférieur à six chaque année depuis 1995. Quant aux manifestations plus insidieuses de la violence raciste et antisémite (propos ou gestes menaçants, graffitis, tracts, injures, actes d'intimidation), elles sont également en déclin (165 contre 656 en 1990). L'antisémitisme concerne plus particulièrement l'Ile-de-France alors que les actes racistes touchent en majorité la Corse avec un niveau constant de 20 à 30 actions annuelles. Ces dernières visent majoritairement la population d'origine maghrébine victime d'une violence réactionnelle (due à la situation internationale) ou bien « occasionnelle et pulsionnelle d'éléments liés à la mouvance skinhead notamment ». Mais, tient à préciser la commission, ces chiffres, qui ne recensent que les interpellations suivies de présentation à la justice, ne sont « probablement pas le reflet de la réalité si l'on considère que les victimes hésitent à porter plainte ».
Présentant parallèlement les résultats d'un sondage d'opinion sur la perception du racisme, la CNCDH s'inquiète de la tolérance croissante à l'égard de son expression qui tend à être banalisée. Seulement 42 % des Français pensent que les personnes qui se rendent coupables de propos racistes devraient être punies par la justice. Mais dans le même temps, ils condamnent sévèrement les comportements discriminatoires. 87 % jugent en effet qu'il est « très grave » ou « assez grave » de refuser une promotion à une personne parce qu'elle est d'origine étrangère. Partisans, dans leur grande majorité, d'un strict contrôle des flux migratoires, les Français sont néanmoins de plus en plus nombreux à exprimer que les travailleurs immigrés constituent plutôt « un apport positif pour l'économie française » (42 % en 1998 contre 27 % en 1991), notent les rapporteurs avec satisfaction. Reste que pour 51 %, « il y a trop d'Arabes en France ».
Or, si la France possède un vaste arsenal législatif antiraciste, « la mise en œuvre de cette législation, même dans son aspect dissuasif, donne des résultats peu convaincants », déplore la commission. Ainsi, malgré la circulaire du 6 juillet 1998, qui demande aux parquets d'intensifier leur action dans ce domaine, l'autorité judiciaire a connaissance de peu d'affaires et « un faible nombre de plaintes lui sont transmises » en matière de diffamations raciales, de provocations à la discrimination raciale ou de pratiques discriminantes. En 1997, 95 condamnations ont été prononcées pour l'ensemble de ces infractions, dont quatre seulement pour la totalité des discriminations dans l'emploi ou dans la fourniture de biens et de services. « Difficile à appliquer », « d'un maniement délicat », la législation actuelle mérite donc d'être améliorée, estime la CNCDH. Aussi plaide-t-elle pour son autonomisation par rapport à la loi sur la liberté de la presse et pour sa mise à niveau avec les engagements communautaires européens. Elle insiste en particulier sur la nécessité de mieux répondre à la discrimination dans les secteurs de l'activité économique, industrielle et commerciale, « phénomène structurel bien plus étendu qu'il n'y paraît ».
(1) 1998 - La lutte contre le racisme et la xénophobie - CNCDH - Ed. La Documentation française - 150,87 F.