Dix mois : c'est le temps qu'il aura finalement fallu à Nicole Péry pour mener à bien le bilan de la formation professionnelle. Une phase de d'évaluation aujourd'hui achevée et qui a permis l'élaboration d'un livre blanc intitulé La formation professionnelle : diagnostics, défis et enjeux, présenté par la secrétaire d'Etat, au conseil des ministres du 17 mars. L'objectif de ce document étant de proposer les principaux axes de réforme de la formation professionnelle à partir d'un état des lieux .
Reproduction des inégalités sociales (plus de 68 % des salariés cadres dans les grandes entreprises accèdent à la formation professionnelle, contre 2,5 % des travailleurs moins qualifiés employés dans de très petites entreprises), aide à l'insertion professionnelle des jeunes « plus palliative que constructive », sédimentation juridique (pas moins de 13 lois depuis 1971) et multiplicité des acteurs à responsabilité partagée (Etat, collectivités territoriales, partenaires sociaux...) :autant de faiblesses du système de la formation professionnelle pointées par le bilan. Partant de ce constat, Nicole Péry juge « urgent d'engager un processus de réforme, car les enjeux sont considérés, à juste titre, comme éléments essentiels de performances économiques et de cohésion sociale ».
La secrétaire d'Etat plaide ainsi, en premier lieu, pour la création d'un nouveau droit à la formation, individuel (pour lutter contre les inégalités), transférable (pour répondre à la mobilité croissante des salariés) mais garanti collectivement.
Elle préconise ensuite de mieux prendre en compte les acquis de l'expérience dans les parcours professionnels et d'articuler diplômes et titres d'Etat avec les autres certificats de qualification et de compétences.
La formation au service de la qualification des personnes privées d'emploi doit être considérée comme une priorité, affirme également Nicole Péry. Une priorité déjà assignée à l'ANPE et l'AFPA dans le cadre de leur contrat de progrès (1).
Par ailleurs, déplorant que « l'alternance sous statut scolaire, l'apprentissage et les contrats d'insertion en alternance (contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation) ne constituent pas encore un ensemble cohérent de dispositifs complémentaires de professionnalisation des jeunes », Nicole Péry suggère, entre autres, « la consolidation de l'échelon régional comme espace pertinent d'élabo- ration » de ces politiques ainsi que la fixation de « règles plus claires » de gestion et d'affectation de la taxe d'apprentissage.
Une nouvelle phase de concertation va à présent s'engager, a indiqué la secrétaire d'Etat au cours d'une conférence de presse, à l'issue du conseil des ministres. Elle espère en effet que les partenaires sociaux parviendront à la conclusion d'accords mettant en œuvre ces propositions. Accords qui pourraient ensuite être consacrés au niveau législatif. Sachant que la seconde loi sur les 35 heures devrait d'ores et déjà comporter certaines dispositions sur la formation.
Parallèlement, des expérimentations seront conduites. Ainsi, des « projets territoriaux de formation tout au long de la vie » seraient conçus avec les régions (mise en réseau des services d'orientation professionnelle et de validation des acquis, mobilisation croisée des différentes sources de financement en matière de formation des adultes pour promouvoir des actions de formation qualifiante en direction de certains publics ou autour de thèmes prioritaires, développement des compétences et de la formation dans les PME...). Avec les branches, ce sont des « projets de professionnalisation des jeunes et de développement des parcours qualifiants » qui pourraient être élaborés (mise en cohérence des systèmes de certification, développement des plans d'égalité d'accès à la formation dans les entreprises...). Ces expérimentations donneraient lieu à l'établissement de contrats Etat-régions ou Etat-branches, avec des objectifs chiffrés et des procédures d`évaluation des résultats.
L'organisation de tables rondes thématiques et d'une conférence européenne sur l'échange des bonnes pratiques en matière de formation professionnelle ainsi que la conduite d'une mission d'experts sur la formation des demandeurs d'emploi sont aussi annoncées. Enfin, d'ici à septembre, une mission confiée à Gérard Lindeperg (député PS de la Loire) mesurera l'efficacité du partenariat institutionnel entre les acteurs. Et l'inspection générale des affaires sociales remettra un rapport sur la formation des demandeurs d'emploi.
(1) Voir ASH n° 2104 du 29-01-99.