« On a beaucoup bataillé, car les prétentions patronales étaient assez éloignées de nos objectifs », avouait encore François Chérèque, secrétaire général de la CFDT Santé-sociaux, à la veille de signer le 12 mars, avec la CFTC Santé et sociaux et la CFE-CGC Santé et action sociale, l'accord sur la réduction du temps de travail dans la convention collective du 15 mars 1966 (1). Il se réjouissait alors « d'avoir réussi à conserver les avantages conventionnels », notamment les congés trimestriels et d'ancienneté. Cet accord devrait, selon lui, permettre de créer 15 000 à 20 000 emplois financés par les aides de l'Etat et par une modération salariale jugée acceptable : suspension de l'augmentation de la valeur du point en 1999 et 2000 et de la majoration familiale pour les naissances à venir et ce, jusqu'à de nouvelles discussions en juillet 2000. Une satisfaction relayée par la Fédération des syndicats nationaux d'employeurs qui soulignait, le soir même de la signature, le caractère « offensif, équilibré et exemplaire » de ce texte.
Cependant, l'enthousiasme des signataires devait être de courte durée en raison des incertitudes sur l'agrément. Au cabinet de Martine Aubry, on émettait en début de semaine de vives réserves sur l'équilibre financier de l'accord. « Nous sommes sûrs de nos chiffres », s'agaçait pourtant Philippe Calmette, directeur général du Snapei. Et « nous serions extrêmement surpris si le gouvernement n'agréait pas cet accord qui respecte la loi Aubry dans l'esprit et la lettre et ne demande aucune aide financière complémentaire aux pouvoirs publics », avertissait-il. Mais au-delà de cette bataille sur les coûts, l'autre crainte, évoquée notamment par la CFDT Santé-sociaux, concerne l'éventuelle remise en cause des congés trimestriels. Martine Aubry ayant notamment indiqué, dans sa lettre du 9 mars (2), sa volonté d'examiner avec attention si les salariés n'ont pas déjà des durées de travail « proches de 35 heures par semaine en décompte moyen annuel ». Et l'explication avancée dans l'entourage de la ministre selon laquelle il faudra distinguer « les congés trimestriels justifiés par des contraintes particulières de ceux qui correspondent déjà à une réduction du temps de travail » n'est guère de nature à apaiser les inquiétudes.
Alors que le bras de fer est engagé entre les signataires et le ministère dans la CC de 1966, la situation s'est également tendue dans le reste du secteur. Ainsi, dans la convention collective du 31 octobre 1951, du fait que la FEHAP a manifesté sa volonté de contester, devant le tribunal de grande instance, le droit d'opposition- exercé par la CFDT Santé-sociaux, la Fédération santé action sociale CGT et FO (FNAS et Fédération santé privée) (3) -, la décision d'agrément de la DAS sera retardée le temps de la procédure. Et dans la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, tandis que la CFDT Santé-sociaux avait annoncé son intention de signer l'accord, celui-ci n'a pas recueilli l'adhésion unanime des fédérations patronales lors du comité des directeurs de l'Unifed, le 17 mars. Une nouvelle réunion est néanmoins prévue le 29 mars...
Autant d'incertitudes et de blocages qui tiennent finalement à l'inadaptation des aides de la loi Aubry au secteur social et médico-social, souligne-t-on à l'UFAS-CGT. Laquelle appelle avec la FNAS-FO à une journée d'action, le 2 avril, afin de réclamer à nouveau des financements supplémentaires garantissant le respect des conventions collectives.
Isabelle Sarazin
(1) L'UFAS-CGT et la FNAS-FO ont indiqué leur intention d'exercer leur droit d'opposition, même si celui-ci reste symbolique puisqu'il doit émaner de la majorité des syndicats signataires.
(2) Voir ASH n° 2110 du 12-03-99.
(3) Voir ASH n° 2110 du 12-03-99.