Dans le courrier adressé aux ASH, Pierre Verdier réagit ainsi aux propos de Michel Warmé, avocat au barreau de Paris, qui soutient que les éducateurs en prévention spécialisée ne sont pas assujettis au secret. « C'est exposer dangereusement ces éducateurs à la loi pénale que d'affirmer inconsidérément cela », estime-t-il. « En effet, l'article 226-13 du code pénal punit la révélation d'une information à caractère secret par les personnes qui en sont dépositaires par état, profession, fonction ou mission temporaire. » De plus, « l'article 80 du code de la famille et de l'aide sociale soumet toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance au secret professionnel », indique Pierre Verdier, précisant que la prévention spécialisée est organisée par l'article 45 du même code qui se situe bien dans la section 1 intitulée « missions du service de l'aide sociale à l'enfance » et que l'avant-dernier alinéa de l'article 40 spécifie expressément que, pour l'accomplissement de ses missions, le service de l'aide sociale à l'enfance peut faire appel à des organismes publics ou privés. « Il est désormais clair que les personnes travaillant en prévention spécialisée sont astreintes à l'obligation de secret professionnel », affirme donc le directeur de la Fondation de la vie au grand air. Et pour ce dernier, contrairement à ce que défend Michel Warmé, on ne peut plus invoquer l'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 1971 « qui se situe sous l'emprise et la formulation de l'ancien code pénal et sous l'ancien code de la famille et de l'aide sociale ».
Pierre Verdier réfute également l'affirmation de Roland-Ramzi Geadah, psychologue et historien spécialisé dans la recherche juridique, selon laquelle « il n'y a jamais de secret dans ce qui vous parvient à l'oreille par des collègues ». « Cette notion que le secret ne pouvait résulter que de la “confidence” expresse du client a pu un moment se déduire de la lecture de l'ancien article 378, mais elle a été écartée depuis longtemps par la jurisprudence qui a étendu l'obligation de secret à “tout ce qui est appris, compris ou deviné à l'occasion de l'exercice professionnel”. Confirmant la jurisprudence, le nouveau code pénal (1992) abandonne la notion de “secret confié” pour étendre cette obligation à toutes les informations à caractère secret. »
Enfin, et rejoignant en cela les intervenants présents à la journée d'étude du CNLAPS qui en appelaient à la responsabilité des professionnels, Pierre Verdier insiste sur le fait que : « Le secret n'est pas une protection du professionnel derrière lequel il se “retrancherait”. » « C'est une protection de la vie privée de l'usager. D'abord vis-à-vis des tiers. Généralement aussi vis-à-vis des collègues, le législateur ayant écarté la notion de “secret partagé” à l'exception de la transmission de l'information nécessaire, non excessive, transmise avec l'accord de l'usager dans le cadre d'un travail d'équipe. En revanche, il n'y a généralement pas lieu de l'opposer à la justice et surtout lorsqu'il s'agit de maltraitance sur mineurs (art. 223-14 du code pénal), a fortiori de crime ou délit. L'obligation de se taire n'existe plus “dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret“ (art. 223-14 du code pénal). »
(1) Auteur avec Jean-Pierre Rosenczveig de l'ouvrage Le secret professionnel en travail social (voir ASH n° 1990 du 27-09-96) et directeur de la Fondation de la vie au grand air : 40, rue Liancourt - 75014 Paris - Tél. 01 53 91 23 23.
(2) Voir ASH n° 2109 du 5-03-99.