L'ETSUP enquête sur les doctorats européens

Un premier constat s'impose à l'issue de la phase exploratoire de l'étude : « Les doctorats en travail social stricto sensu sont peu nombreux. En revanche, des diplômes supérieurs (dont des doctorats) s'inscrivant pour tout ou partie dans le champ du travail social existent dans de nombreux pays. » Ainsi il y a bien des « doctorats en travail social » strictement nommés comme tels en Suède, Finlande ou Hongrie. Ailleurs, des formations n'ayant pas cette appellation sont néanmoins directement en lien avec un département ou une chaire spécialisée en travail social (Irlande , Royaume-Uni, université de Fribourg en Suisse). Autre figure : l'intitulé touche un des aspects du secteur. C'est le cas, par exemple, du doctorat de « Sociologie du service social » de l'université de Trieste (Italie) ou de celui de « Pédagogie sociale » de Barcelone (Espagne). Enfin, un dernier groupe comprend des diplômes ou des dispositions qui ouvrent aux titulaires de diplômes en travail social des doctorats d'autres disciplines (Berlin en Allemagne, Lodz en Pologne). Mais, au-delà de ce tableau, il s'agit bien « de décrypter les logiques » de ces configurations étrangères : à quelles attentes, chaque fois, répondent-elles ? Quel type de savoir entend-on y construire ? Quelle place tient la recherche ? L'enjeu est bien « de renouveler notre regard sur la situation française et la réflexion en cours sur la création d'un diplôme de niveau I en travail social », estime l'équipe de recherche.

Et déjà, derrière la diversité européenne, de grandes lignes se dégagent. L'étude observe en effet un clivage assez général entre deux spécialisations : la première en travail social version assistance sociale, aide aux populations en difficulté ; la seconde version éducation et animation plus souvent présentée sous les termes d'action socio-éducative ou d'éducation spécialisée. Mais s'affirme également une tendance à la pluri- ou multi-disciplinarité et « il y a fort à parier que le travail social trouverait, par ce biais, une représentation facilitée au sein de l'université », jugent les chercheurs. Par ailleurs, « les formations doctorales spécialisées paraissent davantage reconnues dans les pays où la formation initiale au travail social s'effectue elle-même au sein de l'université ». Voilà qui éclaire la problématique française de la difficile reconnaissance des formations supérieures dans le secteur social.

Reste des interrogations de taille qui vont nourrir les recherches à venir, notamment sur les répercussions des réformes actuelles de plusieurs systèmes universitaires européens dans le champ des formations sociales. Car si les Masters fleurissent un peu partout en Europe, ouvrant la voie doctorale, on peut craindre, dans le même temps, l'éviction de fait des professionnels reprenant des études doctorales. Enfin, rappellent les chercheurs, le doctorat donne avant tout accès à une place dans la communauté scientifique, souvent au sein même de l'université. Dès lors, « que reste-t-il de “professionnalisant” dans cette formation ? » L'observation, dans chaque pays, du positionnement de la recherche dans le domaine du travail social sera essentielle pour aborder cette dernière question, concluent-ils.

V.L.