Quels sont les principaux résultats de cette évaluation ? - L'étude insiste sur deux aspects. D'une part, l'intérêt de l'aide technique apportée par le singe capucin. Ce dernier peut, en effet, effectuer une soixantaine de tâches de la vie quotidienne. D'où la possibilité pour la personne handicapée de récupérer ce que j'ai appelé du temps libéré, d'être disponible pour se consacrer à d'autres activités. L'autre aspect mis en évidence par l'évaluation concerne la dimension affective du singe, sa présence à la fois comme compagnon et comme prolongement de la personne. Dès lors, toute la difficulté consiste, pour les bénéficiaires, à trouver et à maintenir la bonne distance, en évitant deux écueils : une centration trop importante sur la technique, soit une tendance à instrumentaliser le singe au détriment de la composante affective, et, à l'inverse, une relation trop affectueuse pouvant mener à une « surhumanisation » du singe. Y a-t-il une différence importante entre les aides animalières et les aides techniques ? - J'ai mené plusieurs études concernant le système d'aide aux handicapés par robot : on est effectivement dans un registre tout à fait différent. De même, il est sûr que l'attribution du singe ne pourrait être généralisée : il faut aimer les animaux, y être sensibilisé, etc. Mais je crois que l'important est que la personne puisse choisir les aides avec lesquelles elle se sent à l'aise. Nous avons dégagé plusieurs attitudes : il y a ceux qui les adoptent d'entrée de jeu, ceux qui les refusent et ceux que nous avons appelés les « ambivalents ». Dans ce dernier cas, il s'agit alors de les repérer et de les aider à se déterminer. Quant à ceux qui refusent, ce sont souvent des personnes qui ont un rapport extrêmement problématique avec leur handicap et avec elles-mêmes. Nous ne sommes plus alors dans un problème d'aide technique ou animalière, mais dans un problème de rapport au handicap. Pensez-vous que l'expérience puisse être étendue et déclinée avec d'autres animaux ? - Il y a bien sûr une particularité liée au singe. Même s'il existe aujourd'hui des aides par chiens interposés qui fonctionnent très bien, je pense que la dynamique en jeu n'est pas la même. Avec un chien, le rapport est d'emblée plus hiérarchisé, du style dominant/dominé, alors que le singe conserve une dimension « sauvage » qui, d'ailleurs, présente des difficultés sur lesquelles travaillent actuellement les spécialistes : il peut être agressif, il a beaucoup de mal avec la propreté... De même dans le cas présent, il y a toute une dimension supplémentaire liée au fait que le singe capucin est très joueur, très agile... En étant confrontée à ce petit animal très doué et très performant, la personne se retrouve aussi, d'une certaine façon, face à un double positif qui lui rappelle ce qu'elle était avant l'accident et qui, par conséquent, la remet en présence de son handicap. Des effets miroirs qui jouent généralement un rôle important dans la décision de certains d'abandonner l'expérience en cours de route. D'où la nécessité d'assurer un suivi de la personne, mais aussi de sensibiliser médecins et ergothérapeutes à l'existence de cette dimension psychologique. Propos recueillis par N.M.
(1) Evaluation psychologique du programme PAST - Jean-Sébastien Morvan, Valérie Torossian et Angélique Cayot-Decharte - Faculté des sciences humaines et sociales - Sorbonne : 12, rue Cujas - 75230 Paris cedex 05.