Une circulaire interministérielle (Justice, Intérieur, Logement) publiée au Journal officiel explicite le nouveau dispositif de prévention des expulsions en cas d'impayés de loyer créé par la loi contre les exclusions du 29 juillet 1998 (1).
La réforme, rappellent les ministres, « vise à substituer à une logique d'ordre public une logique de traitement social et préventif de l'expulsion ». L'objectif étant « de traiter dans les plus courts délais l'impayé de loyer et de trouver une solution adaptée à chaque situation afin que l'expulsion pour cause d'impayés de loyer soit non pas impossible mais limitée dans les faits aux locataires de mauvaise foi ». Aussi, appellent-ils à la mobilisation et à la coordination sur le terrain de l'ensemble des partenaires des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (départements, communes, organismes payeurs, bailleurs publics ou privés, commissions de surendettement, commission d'action sociale d'urgence et associations) essentiellement par la mise en place des chartes départementales de prévention des expulsions, qui doivent être élaborées avant le 31 juillet 2000. « Le critère principal de réussite du dispositif sera la baisse du nombre de jugements de résiliation de bail et d'expulsion », est-il encore indiqué. De fait, les derniers chiffres de l'Insee, dévoilés par Louis Besson le 17 février, confirment la tendance à la hausse.325 000 locataires sont en situation d'impayés de loyers depuis au moins deux mois, les deux tiers étant logés dans le parc HLM. En 1997, 113 000 procédures d'assignations ont été engagées et ont abouti à 88 000 décisions d'expulsion suivies de 48 000 commandements de quitter les lieux. Lesquels ont débouché sur 32 000 demandes de concours de la force publique dont 14 500 ont été accordées.
Afin d'améliorer la phase précontentieuse, les bailleurs sociaux sont désormais tenus de saisir, préalablement à toute assignation aux fins de constat de résiliation du bail, la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL) ou la caisse d'allocations familiales (CAF), qui ont compétence pour statuer sur le maintien ou la suspension de l'aide personnelle au logement (APL, allocations de logement). Ces instances prennent une première décision conservatoire de maintien de l'aide pour une période de trois mois durant laquelle une solution amiable doit être mise en place. L'aide ne peut être maintenue que pendant un délai destiné à mettre au point un plan d'apurement, précise la circulaire. Dès l'approbation du plan, elle est maintenue sans délai sous réserve d'une vérification régulière de sa bonne exécution par la SDAPL ou la CAF. Dans les situations très difficiles où le paiement du loyer « apparaît structurellement incompatible » avec les ressources du ménage, la solution peut être un relogement en priorité dans le patrimoine du bailleur, et à défaut, dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) et des réservations préfectorales.
La circulaire insiste particulièrement sur le rôle du préfet - « élément moteur » selon l'expression de Louis Besson -dans la mise en œuvre de la démarche de prévention au cours de la procédure contentieuse. C'est ainsi que la période de deux mois comprise entre la saisine du préfet par l'huissier de justice et la date de l'audience doit être mise à profit « pour rechercher les solutions les mieux adaptées aux situations à traiter ». Aussi, dès réception de l'assignation, les préfets doivent veiller à ce que les services sociaux concernés - qu'ils auront désignés en fonction des réalités départementales et en lien avec les autorités compétentes (conseil général, maire, CAF ou Mutualité sociale agricole, associations...) - soient saisis d'une demande d'enquête sociale en urgence. Celle-ci visant à mettre en place, pour les ménages le nécessitant, des aides susceptibles d'être mobilisées (Fonds de solidarité logement) et à informer le juge de la situation des ménages sur les causes de l'impayé. Après examen des droits aux aides au logement, toutes les solutions adaptées seront recherchées dans les cas d'impécuniosité et de bonne foi (apurement des dettes, aides financières, saisine du FSL en urgence, mesures d'accompagnement social éventuelles), est-il encore souligné. A cet égard, l'augmentation des moyens du FSL en 1999 (+ 44 %) doit notamment permettre de financer les missions d'enquête sociale confiées à des organismes ou des associations agréés.
Le préfet doit transmettre au juge - avant le terme des deux mois - les informations relatives à la situation de la famille.
Désormais, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement au locataire en situation de régler sa dette locative. Il dispose par ailleurs de la faculté d'informer le préfet de tous les jugements statuant sur les délais et l'expulsion, en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant dans le cadre du PDALPD. Pour les personnes ou familles éprouvant des difficultés particulières au sens de l'article 1er de la loi Besson (2), ce relogement « doit constituer un objectif prioritaire » pour lequel les dispositions du plan, les chartes intercommunales d'attribution et les réservations préfectorales doivent être mobilisées, insistent les ministres.
Si le Conseil constitutionnel a souligné, dans sa décision du 29 juillet 1998, que l'octroi du concours de la force publique ne peut être subordonné à l'hébergement préalable des personnes expulsées, les juges doivent néanmoins, indique la circulaire, « être vigilants quant aux troubles à l'ordre public que peuvent faire naître des situations sociales mal traitées et donc être attentifs aux situations difficiles en veillant à leur prise en compte tant dans les PDALPD et les plans d'hébergement d'urgence que dans l'accord départemental avec les organismes HLM décliné dans les chartes intercommunales instituées par la loi ».
(1) Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.
(2) Voir ASH n° 2091 du 30-10-98.