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Le Rhône expérimente une plate-forme d'accueil

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Depuis trois mois, le département du Rhône expérimente une plate-forme d'accueil des familles étrangères rejoignantes. Mais ce sont surtout les étrangers conjoints de Français qui en bénéficient.

Au rez-de-chaussée du 7, rue Quivogne, à Lyon, les locaux de la délégation régionale de l'Office des migrations internationales  (OMI) sentent encore la peinture fraîche (1). Depuis le 15 octobre dernier, 178 personnes environ se sont succédé dans les petites salles d'entretien individuel : vitrées pour ne pas oppresser  bien closes pour ne rien laisser filtrer des propos échangés. Là, les familles rejoignantes ont bénéficié des services de la plate-forme expérimentale d'accueil du Rhône visant à « mieux intégrer en France », conformément à la volonté du gouvernement, exprimée fin octobre en conseil des ministres (2). L'expérience, également conduite en Seine-Saint-Denis, devrait être étendue cette année dans les dix départements où l'immigration est la plus importante.

Plusieurs éléments désignaient d'emblée le Rhône comme site pilote. D'une part, Lyon abrite à la fois la préfecture de région et celle du département, le conseil général et les bureaux de l'OMI. D'autre part, le Rhône, sans accueillir autant de familles que la région parisienne, connaît des flux migratoires suffisamment importants pour valider l'expérimentation.

Des facteurs historiques

Dès l'institution du cadre des plans départementaux d'accueil des familles rejoignantes (circulaire Veil) en 1993, l'OMI, le Fonds d'action sociale en faveur des travailleurs immigrés et de leurs familles (FAS), la direction départementale des affaires sanitaires et sociales  (DDASS), la commission régionale d'intégration des populations immigrées organisaient un partenariat propre à mieux accueillir et préparer l'intégration des étrangers sur le territoire. Ainsi le Service social d'aide aux émigrants  (SSAE)   (3) créa-t-il deux postes supplémentaires d'assistants sociaux et un poste administratif  la DDASS instaura un service d'action sociale en faveur de l'intégration des populations immigrées  la préfecture initia un travail d'étude sur l'accueil des étrangers dans les services publics.

Cette conjonction de facteurs « historiques » aide au fonctionnement actuel de la plate-forme de l'OMI, qui apparaît comme un progrès notable - mais encore imparfait - sur plusieurs points : le traditionnel guichet est remplacé par un lieu d'accueil convivial  une approche globale et partenariale de tous les aspects de l'intégration se substitue à une action sociale individualisée, par l'action conjuguée de la DDASS, maître d'ouvrage, et de l'OMI, maître d'œuvre. Et même s'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives de l'expérience lancée à l'automne, on peut déjà relever certaines tendances.

L'opération, financée par le FAS, s'adresse théoriquement à trois publics différents : les familles primo-arrivantes sur le territoire  les personnes reçues au titre de l'admission au séjour (anciennes « régularisations » ) ; les conjoints de Français, majoritairement algériens. A ce jour, seules les deux dernières catégories de familles figurent parmi les personnes accueillies rue Quivogne. Couples souvent jeunes, allocataires du revenu minimum d'insertion, hébergés chez les parents, ils sont un public nouveau pour les services sociaux spécialisés - SSAE ou Association service social familial migrants (4)  - et nécessitent un accompagnement social important. Les familles primo-arrivantes, quant à elles, ne viennent pas à la plate-forme, et en cela, l'OMI manque en quelque sorte sa « cible ». « Ces familles rencontrent encore trop d'obstacles au regroupement, liés à la précarité de l'emploi du chef de famille et à l'insuffisance ou l'instabilité des revenus de ce dernier », reconnaît Claude Poret, délégué régional par intérim.

La complémentarité des services

Le dispositif de l'OMI propose aux familles un accueil en plusieurs phases, regroupées en une demi-journée.

Une présentation vidéo de la France est d'abord diffusée, lors d'une rencontre collective d'une quarantaine de minutes. Y sont exposés les droits et devoirs républicains, les principes de facilitation d'intégration à la société française, les modalités d'accès au droit, l'école. « Ces sessions sont souvent pour les familles l'occasion de constater qu'elles ne sont pas isolées dans les difficultés qu'elles rencontrent. Parfois même s'échangent des expériences et des informations pratiques », précise Gisèle Laperrière, conseillère technique à la DDASS.

Comme c'était déjà l'usage, les personnes sont soumises à un examen médical, avant de rencontrer - et c'est là une nouveauté - un enquêteur social, avec l'assistance possible d'un interprète dans la langue d'origine. A Lyon, c'est Eric Vuidel, diplômé en administration économique et sociale, spécialisé en gestion des ressources humaines, qui tente d'instaurer un dialogue avec les familles. L'entretien doit permettre de repérer les besoins de tous ordres et d'orienter les bénéficiaires vers le service social spécialisé. Louisa Moussaoui, interprète en langues arabe et berbère, et Eric Vuidel s'accordent à souligner l'importance de ce moment : « C'est souvent, pour l'épouse ou la fille, par exemple, l'occasion d'exprimer non seulement les aspects affectifs les plus intimes liés à cette situation d'émigration, mais aussi certaines facettes plus personnelles, individuelles du projet familial global. » Au cours de cette entrevue, il arrive ainsi que la femme demande des renseignements précis sur ses droits propres, parfois contre l'avis de son époux.

Béatrice Lafay, assistante sociale au SSAE, rappelle qu'antérieurement la prise en charge par son service s'effectuait immédiatement après réception d'un avis d'arrivée des familles. Un rendez-vous était alors proposé au domicile même des usagers, sans intermédiaire. « Avec la nouvelle formule, poursuit-elle, nous ne sommes plus à l'initiative de cet accueil et le premier diagnostic est désormais établi par l'auditeur social. Pourtant, si, dans les premiers temps de l'expérience, celui-ci nous adressait les familles pour résoudre les problèmes classiques d'accès aux prestations familiales ou de couverture sociale, il les oriente maintenant vers nous pour que nous puissions mettre en œuvre un accompagnement social véritable : demandes de relogement, projets de formation, projets professionnels. » De leur aveu même, les familles apprécient que les acteurs, réunis sur le même site, soient complémentaires.

Lorsque c'est nécessaire, arrive ensuite le moment, dans une pièce voisine, de réaliser un bilan linguistique sur la plate-forme. « Les niveaux varient de l'analphabétisme aux études supérieures, et il n'est pas rare que ce bilan soit l'occasion d'enclencher un processus de formation, parfois même pour les accompagnants qui n'étaient pas initialement venus pour nous rencontrer », estime Dalila Rémila, formatrice du groupement d'établissements  (GRETA) de Villeurbanne. Ce bilan n'est certes pas nouveau, mais il se déroule, pour la première fois, en même temps et dans le même lieu que les autres évaluations. Ce qui permet de mettre peu à peu les familles en confiance et de les orienter plus facilement vers une formation d'initiation ou de perfectionnement au français.

La plate-forme, en plus de concentrer les services offerts en un lieu unique, possède l'avantage d'attirer des acteurs, soucieux de figurer dans cette « vitrine » de l'intégration. « De participer à l'expérience, les partenaires semblent plus impliqués dans la prise en charge qui devient plus personnalisée », constate ainsi Gisèle Laperrière. En outre, la caisse d'allocations familiales étudie actuellement la possibilité d'intervenir rue Quivogne pour diffuser des informations au plus près des futurs bénéficiaires  l'Education nationale se montre très intéressée également par la possibilité ainsi donnée de rencontrer les familles hors du contexte classique des établissements scolaires.

Les limites de l'expérience

Néanmoins, si elle suscite une certaine mobilisation, la plate-forme de l'OMI ne résoudra pas les difficultés auxquelles se heurtent les familles. Demeurent en effet les problèmes liés au logement, à la scolarité, à l'accès aux formations et à l'emploi.

Ainsi, si un chef de famille peut déposer auprès des offices publics d'HLM une demande d'appartement pour préparer la venue de ses proches, il se voit généralement dépassé, dans l'attribution de ce logement, par des familles déjà constituées. Et il est, de fait, maintenu dans une situation qui sera un frein à l'autorisation de regroupement familial. Autre difficulté : la scolarisation des enfants. En effet, les établissements scolaires ignorant à l'avance les lieux d'installation des familles ne peuvent pas prévoir de classes d'accueil. L'académie réfléchit pourtant à des classes d'un type différent, qui permettraient l'évaluation du niveau scolaire des adolescents accueillis dans le département du Rhône. Enfin, l'emploi reste bien évidemment un obstacle important. Sachant que les étrangers n'ont souvent pas les temps minima d'inscription à l'Agence nationale pour l'emploi pour accéder aux emplois et aux stages de formation réservés aux publics prioritaires.

Des problèmes qui amènent à s'interroger sur la suite du parcours des familles après la plate-forme de l'OMI. Mais Claude Poret espère bien que l'ensemble des partenaires vont se saisir de l'expérience pour assurer un suivi des usagers dans la durée.

Christophe Traux

REGROUPEMENT FAMILIAL : QUELS BÉNÉFICIAIRES ?

Peuvent bénéficier du regroupement familial les étrangers qui séjournent régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an. Ils peuvent faire valoir leur droit à être rejoints, au titre du regroupement familial, par leur conjoint et les enfants mineurs du couple. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour deux motifs liés aux ressources et au logement. Le demandeur doit justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint, indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont supérieures au SMIC. Le logement doit être conforme aux conditions générales tenues pour normales pour une famille vivant en France. Le demandeur peut en être propriétaire, locataire ou détenteur d'une promesse ferme de location. Les conditions de logement, en termes de surface et de confort, sont appréciées par référence aux normes minimales fixées pour le versement de l'allocation de logement familiale. Source : Le regroupement familial -OMI - Disp. dans les délégations régionales de l'OMI.

Notes

(1)  Délégation régionale de l'Office des migrations internationales (Auvergne, Bourgogne, Rhône-Alpes)  : 7, rue Quivogne - 69286 Lyon cedex 02 - Tél. 04 78 42 42 19.

(2)  Voir ASH n° 2090 du 23-10-98.

(3)  Délégation régionale du service social d'aide aux émigrants : 83, rue Racine - 69100 Villeurbanne - Tél. : 04 78 85 23 12.

(4)  Association service social familial migrants : 653, rue Condorcet - 69400 Villefranche-sur-Saône - Tél. 04 74 68 15 68.

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