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Enfance en danger : dix départements à la loupe

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« Mieux comprendre les circuits du signalement et mieux connaître l'environnement des enfants en danger », tel est l'objectif de l'enquête effectuée par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée  (ODAS) avec le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance maltraitée  (SNATEM) et rendue publique le 9 février (1). Complétant ainsi ses chiffres annuels sur le nombre d'enfants en danger (2), l'observatoire s'est livré à une étude plus détaillée dans dix départements « choisis en raison de la qualité de leur système d'observation et non pas sur des critères de représentativité nationale »   (3).

Les circuits de l'information

Tout d'abord, l'enquête montre que le repérage de l'enfance en danger est effectué grâce à des informations provenant pour moitié de la population et pour moitié des professionnels, notamment des services sociaux  (26 %) et des personnels de l'Education nationale  (11 %). Ceux-ci étant logiquement plus attentifs aux situations de risque de maltraitance que les familles ou l'entourage. Quels sont les circuits de transmission des renseignements ? Dans les dix départements concernés, 40 % des informations et 20 % des signalements évalués transitent par les téléphones spécialisés. Les transmissions directes en provenance du SNATEM représentant 5,5 % des informations relatives aux enfants en danger. L'étude relève que ce service est saisi davantage de présomptions de maltraitances (56 %) que de risques (44 %) et repère des enfants plus jeunes (un sur cinq a plus de 12 ans) que l'aide sociale à l'enfance  (ASE) lorsqu'elle est contactée directement (un sur trois). De plus, alerté en majorité par des particuliers, le SNATEM « joue un rôle complémentaire » des autres circuits puisque deux tiers de ses informations se réfèrent à des enfants jusque-là inconnus des travailleurs sociaux. Par ailleurs, note l'ODAS, les téléphones départementaux mis en place par certains départements ne diminuent pas le nombre d'appels reçus au SNATEM. Ils auraient même, grâce aux campagnes de sensibilisation liées à leur lancement, contribué à les augmenter. Néanmoins, les professionnels dans leur majorité et une bonne partie des particuliers préfèrent s'adresser directement à l'ASE qui produit les deux tiers des informations.

Comment se déroule l'évaluation ? 55 % des informations parvenant à l'ASE donnent lieu à signalement ou à transmission judiciaire en urgence   36 % aboutissent à un accompagnement social ou à la poursuite d'une mesure en cours. Seules 9 % des informations sont classées sans suite. Pourtant, si la suite donnée à l'information « ne semble pas directement liée au degré de gravité présumé par l'auteur de celle-ci », l'origine a son importance. Il y a signalement dans trois cas sur quatre lorsque la situation est repérée par un service social contre une fois sur deux lorsque la famille est à l'origine de l'information. Et dans les deux tiers des cas, lorsque celle-ci vient d'un enfant.

Quant aux signalements, 67 % d'entre eux sont envoyés au procureur, 24 % débouchent sur une mesure administrative contractuelle (surtout des actions éducatives au domicile, intervention d'une travailleuse familiale) et 9 % sur une mesure administrative non contractuelle de suivi social renforcé. Cette « judiciarisation des pratiques » concerne 97 % des enfants maltraités et 62 % des cas de risques, relève l'ODAS s'alarmant à nouveau de ce phénomène. L'étude observe par ailleurs que lorsque la première information conduit à une décision de suivi social ou à la poursuite d'une mesure en cours, près d'une fois sur deux le dossier est à nouveau examiné dans l'année et donne lieu dans 30 % des situations à signalement judiciaire. Et quand elle a été classée sans suite, une fois sur cinq, le cas est revu dans les 12 mois et conduit également à près d'un tiers de signalements judiciaires. Autre phénomène pointé par l'ODAS : quatre enfants sur dix avaient déjà été signalés auparavant, ce qui amène à « s'interroger sur l'efficacité des analyses évaluatives, la qualité des réponses ou encore l'aggravation des situations ». Sachant que même parmi les mineurs repérés par le service social, un sur deux avait déjà été signalé auparavant.

L'environnement familial

Par ailleurs, rejoignant en cela les tendances revélées par l'enquête annuelle, l'étude met en évidence l'importance des violences physiques dans les maltraitances, sachant qu'elles sont souvent associées à la négligence lourde et à la cruauté mentale. Quant à l'auteur, il est unique dans trois cas sur quatre. Et si les parents sont majoritairement mis en cause, les membres de la famille peuvent aussi être « complices ». Les situations de risques sont liées à la famille (76 % des cas) et à l'enfant lui-même (22 %), notamment lorsque celui-ci est un adolescent. Difficiles à qualifier, elles concernent surtout l'éducation et la santé psychologique. L'enquête met également en évidence que 38 % des enfants en risque et 27 %des enfants maltraités vivent dans une famille monoparentale (contre 11 % dans la population générale). De même 15 % des mineurs en danger (contre 6 %) appartiennent à des familles recomposées. Autre caractéristique relevée par l'étude : dans ces situations, huit mères sur dix sont inoccupées. Ce qui, selon l'ODAS, invite à mettre en place « des actions préventives innovantes  » (soutien à la parentalité, développement des solidarités de proximité) envers ces populations fragilisées.

Mais d'une façon générale, l'étude conclut à « la qualité du système de repérage des enfants en danger ». Ce qui ne l'empêche pas de noter des « tendances inquiétantes »  : outre le phénomène de judiciarisation des signalements déjà largement évoqué, l'ODAS s'interroge sur «  les critères d'évaluation et d'orientation » des situations. Jugeant néanmoins « difficile d'affirmer que les évaluations auraient pu être meilleures », elle appelle les professionnels à la vigilance et souligne la nécessité « de mettre en place des évaluations continues de l'action ».

Notes

(1)  L'enfance en danger, repérage et évaluation -ODAS : 37, boulevard Saint-Michel - 75005 Paris -Tél. 01 44 07 02 52.

(2)  Voir ASH n° 2088 du 9-10-98.

(3)  A partir de 10 000 fiches d'enfants recueillies par les services de l'ASE des dix départements suivants : Ariège, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Isère, Loire, Marne, Meurthe-et-Moselle, Somme, Pas-de-Calais, Seine-Saint-Denis.

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