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Les nouvelles orientations sur la délinquance des mineurs

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De nouvelles mesures pour lutter contre la délinquance des mineurs ont été présentées, le 27 janvier, par Lionel Jospin à l'issue du Conseil de sécurité intérieure. La plupart d'entre elles s'inscrivent dans la continuité de celles décidées en juin dernier. Seule disposition vraiment nouvelle, et d'ailleurs déjà contestée, la création des « centres de placement immédiat » pour les mineurs difficiles en attente de jugement.

Comme l'on pouvait s'y attendre (1), c'est sous le signe de la continuité que le Premier ministre a placé ses nouvelles orientations sur la délinquance des mineurs arrêtées lors du Conseil de sécurité intérieure  (CSI) du 27 janvier. « La situation est préoccupante parce que le niveau de délinquance continue de s'élever » et que« l'âge des délinquants s'abaisse », a-t-il notamment affirmé, rappelant que « la sécurité est un droit et que l'insécurité est une injustice ». Lionel Jospin a cherché à se placer au-dessus du débat opposant les jours précédents les ministres de la Justice et de l'Intérieur, en expliquant que « la prévention et la répression devaient être utilisées toutes les deux » et qu'il fallait mener « une politique globale ». C'est ainsi que les décisions, qui écartent à nouveau toute modification de l'ordonnance de 1945, s'inscrivent pour la plupart dans le prolongement de celles arrêtées lors du CSI du 8 juin et précisées dans le cadre de la circulaire du 15 juillet dernier (2). Néanmoins, cette fois-ci, l'accent est mis davantage sur l'éloignement des mineurs délinquants les plus difficiles avec l'annonce de 77 dispositifs éducatifs renforcés  (DER) supplémentaires et, surtout, la création de centres de placement immédiat strictement contrôlés. Lesquels suscitent déjà de nombreuses inquiétudes chez les professionnels (voir ce numéro). Pour l'ensemble de ces mesures« des moyens importants » seront dégagés pour 1999 et les deux années suivantes, a assuré Lionel Jospin, ajoutant que leur coût exact serait déterminé « le moment venu ». Le 2 février, à l'Assemblée nationale, il a précisé qu'elles seraient financées « soit par un déploiement dans un certain nombre de cas, soit par création de moyens supplémentaires dans un certain nombre d'autres cas ».

Concrètement, le gouvernement a retenu trois orientations : assurer une présence accrue de la police, de la gendarmerie et de la justice dans les zones les plus sensibles  améliorer l'efficacité du traitement judiciaire, de l'acte de délinquance à l'exécution de la sanction  amplifier les actions menées dans le cadre scolaire et en direction de la jeunesse.

Assurer une présence dans les zones sensibles

Afin de renforcer la présence des services publics dans les quartiers et les lieux sensibles et de « donner des réponses rapides aux infractions de faible gravité », le gouvernement entendpoursuivre la création des maisons de justice et du droit consacrées officiellement par la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits (3). 15 nouvelles structures devraient être créées en plus de celles en cours d'élaboration. Au total, 30 maisons de justice devraient s'ajouter aux 29 déjà existantes.

Mais le Premier ministre mise également sur le renforcement des forces de l'ordre dans les zones en difficulté. Il a annoncé l'affectation, dans les 26 départements les plus touchés par la délinquance (4), de7 000 agents supplémentaires (policiers et gendarmes) sur 3 ans, dont 1 900 dès cette année, et l'ouverture de 9 nouveaux postes de police dans les gares d'Ile-de-France pour assurer la sécurité dans les transports. Par ailleurs, outre le développement de l'îlotage, le plan prévoit derelancer la police de proximité et de créer des commissariats territorialisés dans 30 villes des départements les plus sensibles. Une expérience sera d'abord menée dans 5 circonscriptions : les Ulis (Essonne), Garges-les-Gonesse (Val-d'Oise), Beauvais  (Oise), Nîmes (Gard) et Châteauroux (Indre).

Enfin, il est envisagé d'étudier de« nouveaux modes d'intervention » de la police et de la gendarmerie dans les zones sensibles. Insistant sur la nécessité pour les forces de l'ordre« d'établir des relations quotidiennes et de confiance avec les habitants », le Premier ministre a annoncé qu'une réflexion allait être conduite afin de « mieux concilier les interventions des forces mobiles avec les objectifs d'une police de proximité ».

Améliorer l'efficacité de la réponse

« L'affirmation du principe de la responsabilité individuelle exige de mieux répondre aux actes de délinquance », a indiqué Lionel Jospin, qui souhaite « combattre l'impunité » en améliorant les taux d'élucidation des actes de délinquance de voie publique, en rendant plus effective la réponse judiciaire et en assurant l'immédiateté et la continuité de la prise en charge des mineurs.

Rendre les enquêtes plus efficaces

Afin de rendre les enquêtes plus efficaces et plus rapides, en particulier pour les actes de délinquance de voie publique, il est prévu de développer le traitement judiciaire en temps réel au sein des services de la sécurité publique, d'étendre aux 26 départements, où la délinquance est la plus forte, les sûretés départementales (14 actuellement) et de renforcer la coordination entre la police, la gendarmerie et d'autres services (douanes, services fiscaux) pour mieux traiter les phénomènes de « bandes » et l'économie souterraine. A cet effet, une circulaire de politique pénaledevrait être adressée aux procureurs afin d'utiliser plus fréquemment le recours à la circonstance aggravante de « bande organisée ».

Souhaitant également une meilleure articulation entre préfet et procureur, le gouvernement entendsystématiser les cellules d'urgence mises en place pour faire face aux crises urbaines dans les 26 départements les plus difficiles par le précédent Conseil de sécurité intérieure.

Une réponse judiciaire plus effective

A ce chapitre, il s'agit surtout de renforcer les décisions prises en juin dernier et qui « ont déjà produit des effets sur le terrain ». C'est ainsi qu'est souhaitée lagénéralisation, dans les parquets, du traitement en temps réel et des groupes locaux de traitement de la délinquance. A cette fin, 100 délégués du procureur devraient s'ajouter aux 300 initialement prévus pour 1999. Plus généralement, il s'agit d'accroître le caractère systématique de la réponse judiciaire à tout acte de délinquance afin de limiter au minimum les classements sans suite.

Une prise en charge immédiate et continue

Toujours dans le droit fil des actions décidées en juin dernier, le nombre des brigades de prévention de la délinquance juvénile de la gendarmerie devrait être porté de 25 à 35 au cours de l'année. Et le développement des brigades des mineurs de la police poursuivi.

Afin d'éviter les condamnations tardives, une circulaire de politique pénale devrait préconiser l'accélération des délais d'audience des affaires concernant les mineurs. Et il est souhaité que soit « systématiquement recherchée une réponse judiciaire globale, intégrant traitement judiciaire de l'infraction, responsabilisation des parents et réponse aux attentes des victimes ».

Le conseil indique également, sans toutefois plus de précision, que la présence éducative dans les structures d'hébergement et les centres de jour existants« sera renforcée pour assurer une prise en charge continue et une occupation permanente des mineurs ».

Des mesures pour les multirécidivistes

Autre axe : mieux répondre à la situation spécifique des mineurs multirécidivistes ou ayant commis des actes d'une particulière gravité. C'est dans ce cadre que viennent s'ajouter aux dispositifs existants, les centres de placement immédiat strictement contrôlés.

Pour mener à bien ces objectifs, le Premier ministre a annoncé la création de 1 000 emplois d'éducateurs d'ici à 2001 avec l'organisation d'un concours exceptionnel dès cette année, de50 postes de juges des enfants, de 25 substituts des mineurs, de 80 greffiers spécialisés et le recrutement de 2 500 emplois-jeunes pour encadrer les mineurs dans les centres et les foyers, les centres de jeunes détenus et dans le cadre de la politique de la ville.

DES CENTRES DE PLACEMENT IMMÉDIAT STRICTEMENT CONTRÔLÉS

Mesure phare allant dans le sens de Jean-Pierre Chevènement qui réclamait des « centres de retenue », la création d'ici à 2001 de 50 centres de placement immédiat strictement contrôlés, soit une capacité d'accueil totale de 900 places. 15 centres étant programmés pour cette année. Ces nouvelles structures sont destinées à accueillir, pour une période brève, et sur décision du juge des enfants, les mineurs délinquants les plus difficiles pour lesquels un éloignement immédiat de leur lieu de vie et une prise en charge éducative renforcée jour et nuit sont nécessaires dans l'attente d'être jugés.

A la chancellerie, on explique que ces centres« strictement contrôlés »ne dépendront pas de l'administration pénitentiaire et seront encadrés par des personnels PJJ. Ils devraient permettre d'établir, pendant le séjour des mineurs, un bilan social, psychologique et professionnel afin de mieux les orienter ultérieurement.

EXTENSION DES DISPOSITIFS ÉDUCATIFS RENFORCÉS

Pour les mineurs « pour lesquels un séjour de rupture de quelques mois est nécessaire », le Premier ministre a indiqué que le programme de développement des dispositifs éducatifs renforcés serait porté à 100 unités à la fin de l'année 2000, soit 77 centres supplémentaires par rapport à la programmation initiale.

RENFORCEMENT DE L'ACTION ÉDUCATIVE EN MILIEU CARCÉRAL

Enfin, rappelant que la législation permet la mise en détention des jeunes dès 16 ans lorsqu'ils ont commis des délits et dès 13 ans lorsqu'il s'agit de crimes, Lionel Jospin a indiqué vouloir renforcer pour ces mineurs l'action éducative en milieu carcéral, notamment en y affectant des équipes enseignantesmises à disposition par l'Education nationale.

Amplifier les actions en faveur de la jeunesse

A cette fin, le plan de lutte contre la violence à l'école (5) va être amplifié, les zones géographiques prioritaires seront élargies et 10 000 aides-éducateurssupplémentaires recrutés dès cette année.

Rappelant que le dernier CSI avait prévu la mise en place de 250 classes-relais au cours de l'année scolaire 1999-2000, le Premier ministre a annoncé lacréation d'une trentaine d'internats d'ici à fin 1999. Il s'agit, par « une prise en charge continue », d'éviter que les jeunes en grande difficulté « ne retrouvent le soir les quartiers sensibles dont ils sont généralement issus ».

Enfin, une circulaire devrait inciter les procureurs à requérir plus systématiquement des peines aggravées pour les actes commis à l'encontre des enseignants.

Par ailleurs, le CSI réaffirme sa volonté « d'amplifier les actions en direction des jeunes » dans le cadre des dispositifs existants comme TRACE (6), les contrats éducatifs locaux (7) ou les emplois-jeunes. En outre, une « action volontariste » en faveur de l'intégration des jeunes les plus défavorisés sera menée à l'occasion du programme de recrutement du ministère de la Défense visant à créer chaque année plus de 25 000 emplois d'ici à 2002.

I. S.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2104 du 29-01-99.

(2)  Voir ASH n° 2083 du 4-09-98.

(3)  Voir ASH n° 2099 du 25-12-98.

(4)  Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Drôme, Eure-et-Loir, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Isère, Loire, Loire-Atlantique, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône, Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Yvelines, Var, Vaucluse, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d'Oise.

(5)  Voir ASH n° 2044 du 7-11-97.

(6)  Voir ASH n° 2090 du 23-10-98.

(7)  Voir ASH n° 2080 du 17-07-98.

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