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L'APES sur le front de la prévention et de l'accompagnement

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Face à la montée des impayés de loyers en Ile-de-France, l'Association pour les équipements sociaux prône un travail de prévention et d'accompagnement à la jonction des actions traditionnelles de la polyvalence de secteur et des services spécialisés. Entre les difficultés du locataire et les intérêts des bailleurs, la recherche de solutions est parfois difficile.

« En 1998, nous avons suivi 1 691 dossiers de familles réellement en difficulté de paiement de loyer. Cela représente 10 % d'activité en plus par rapport à 1997, et 38 % d'augmentation sur deux ans, avec des départements très touchés, comme la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine », s'alarme Marie-José Delcour, responsable des actions socio-éducatives à l'Association pour les équipements sociaux (APES)   (1). Laquelle intervient sur un parc de plus de 80 000 logements sociaux en Ile-de-France gérés par des sociétés immobilières et d'HLM regroupées au sein de l'Office central interprofessionnel du logement  (OCIL) et participe à ce titre, aux côtés des bailleurs, aux commissions d'attribution et d'impayés de loyers. Les 15 travailleurs sociaux du service ont ainsi suivi, depuis plusieurs années, la progression régulière des difficultés de paiement des familles. Et ils ont pu constater, parmi les facteurs explicatifs,  l'émergence de phénomènes récents comme la montée du surendettement, après le chômage, le non-versement des droits sociaux et la modification de la situation familiale.

Des ménages gagnés par la précarité

Autre élément nouveau, l'apparition, depuis une quinzaine d'années, dans les dossiers d'impayés de nouvelles catégories de locataires telles que les cadres ou des ménages aux prises avec leurs premiers impayés : « L'augmentation des publics touchés par la précarité est indéniable. Je vois, par exemple, une proportion croissante de personnes qui n'avaient aucun problème depuis 10 ou 15 ans et qui ne peuvent plus faire face à leur loyer après une perte d'emploi en fin de carrière ou une diminution de leurs prestations sociales parce que les enfants vivant avec eux ont grandi et n'ont pas pu s'insérer professionnellement », explique Marie-José Delcour.

Ces situations inédites compliquent parfois la tâche des travailleurs sociaux de l'APES. Ainsi le surendettement passe aujourd'hui à travers les mailles de détection des commissions d'attribution de logements. Sans moyens légaux pour connaître l'ampleur de celui-ci, les intervenants avouent leur impuissance face à des ménages lourdement affectés par des crédits à la consommation. Une faille d'autant plus dommageable, qu'il est essentiel, selon Marie-José Delcour, de repérer au plus tôt les situations financièrement fragiles pour aider les familles de façon plus efficace.

Autre conséquence de ces évolutions, la nécessité de mobiliser des bailleurs qui ne peuvent plus se contenter d'être des gestionnaires éloignés des réalités sociales de leurs parcs. Les mentalités changent malgré tout, comme le montrent les plans d'apurement mis en œuvre au sein des commissions d'impayés où est présente l'APES : en deux ans, la durée de ceux proposés aux propriétaires de l'OCIL s'est sensiblement accrue pour atteindre parfois 12 mois, contre des dispositifs de règlement souvent limités auparavant à trois mois.

Pour Pierre Brayda, directeur adjoint de l'Immobilière familiale (groupe OCIL), cette adaptation, tout en respectant certaines contraintes, est devenue incontournable : « Il est vrai que nous ne rentrons pas dans un processus qui consiste à dire le taux d'effort est devenu trop important pour telle famille et nous ne baissons donc pas sa dette. Par contre, je suis convaincu que l'on ne peut plus faire du contentieux pur et dur. » Et aujourd'hui, Pierre Brayda parle volontiers de l'intérêt commun qu'il peut y avoir à accompagner le locataire, à l'aider, par exemple, à constituer son dossier d'allocation logement, ou à lui faire signer le tiers payant auprès de la CAF pour être sûr de récupérer une partie du loyer. Ce qu'il appelle du « social intéressé ».

Concours technique et approche sociale

La loi contre les exclusions du 29 juillet dernier (2) devrait également contribuer à faire changer les comportements. Déjà à l'APES, on n'hésite pas à parler d'une plus grande mobilisation des bailleurs due en particulier à l'attitude plus circonspecte des préfets lors des procédures préalables à l'expulsion. Nombre de bailleurs du groupe OCIL n'ont d'ailleurs pas attendu la loi pour intensifier leur partenariat avec le service des actions socio-éducatives de l'APES.

De son côté, avec des équipes mixtes où conseillères en économie sociale et familiale, assistantes sociales et éducateurs spécialisés se partagent le travail par mission (et non par métier d'origine), le service spécialisé de l'APES entend être aussi un interlocuteur crédible des bailleurs. « Notre action est double, explique Marie-José Delcour. Nous apportons un concours technique qui passe par la législation, mais aussi une approche sociale, grâce à notre connaissance des populations en situation précaire. » Cette appréhension technique et sociale des dossiers doit permettre d'articuler au mieux les outils disponibles pour résoudre des situations parfois extrêmement difficile. A l'instar de cette personne avec enfants ne pouvant plus faire face à son loyer après une séparation de couple et dont les impayés s'élevaient à 150 000 F. Grâce à un travail de négociation avec le bailleur et une bonne connaissance des dispositifs disponibles, l'APES a pu obtenir un rappel de loyer de 60 000 F, faire intervenir un nouveau Fonds solidarité logement (FSL) à hauteur de dix mois de loyers, mettre en place un accompagnement social et un échange de logement.

Des mesures d'aide parfois complexes

Reste que ce cas exceptionnel ne doit pas dissimuler les difficultés de mise en place de certaines mesures d'aide. Comme beaucoup, Marie-José Delcour déplore ainsi l'absence d'unification des modes d'application des fonds de solidarité logement distribués selon des critères et dans des proportions variables en fonction des départements. Pour l'association qui intervient sur un parc couvrant les huit départements d'Ile-de-France, il faut jongler avec des aides pouvant s'élever à hauteur de dix fois le montant d'un loyer (Seine-Saint-Denis), devant parfois être couplées de façon automatique avec un accompagnement social lié au logement  (Essonne), ou dont l'obtention est conditionnée à la reprise du loyer par le locataire durant au moins six mois (Val-d'Oise). Autre exemple de cette disparité : pour obtenir des fonds supérieurs à 10 000 F dans les Hauts-de-Seine, il faut s'engager dans des négociations, via des concordats tripartites (locataire, bailleur et CAF). « La complexité pour nous, qui travaillons sur l'ensemble de l'Ile-de-France, c'est de bien maîtriser chaque FSL départemental. C'est un problème, car nos bailleurs, implantés sur l'ensemble de la région, sont complètement perdus. On doit faire une mise au point annuelle avec eux, parce que la Seine-Saint-Denis, par exemple a changé trois fois son règlement dans l'année. C'est un peu absurde », regrette Marie-José Delcour.

Articuler aide financière et éducation

Pas question pourtant de remettre en cause le bien fondé du FSL pour monter des plans d'apurement susceptibles d'enrayer le mécanisme des impayés et de maintenir les locataires dans leur logement : 700 000 familles ont d'ailleurs bénéficié de ces aides financières depuis sept ans. Une aide financière efficace donc, mais qu'il s'agit d'utiliser à bon escient, s'empresse-t-on d'ajouter à l'association. En effet, précise-t-on, si le volet financier du dispositif peut permettre d'aider des locataires fragilisés momentanément,  il ne doit pas rejeter à l'arrière-plan l'accompagnement social lié au logement. Ce dernier peut même être sollicité dans un premier temps sans l'aide financière afin de définir clairement les objectifs avec une famille. Une solution préconisée en particulier pour des jeunes ménages, fragiles pécuniairement et devant faire face à leurs premiers loyers. Mais, pour la responsable des actions socio-éducatives de l'APES, ces subventions ne doivent pas arriver en « roue de secours » immédiate, au risque d'avoir les effets inverses à ceux escomptés. « L'aide financière n'est qu'une solution ponctuelle. Cela peut nous gêner lorsque l'on articule notre travail entre les bailleurs, des personnes en difficulté et un dispositif qui peut donner une ou deux chances », souligne-t-elle. Et de citer l'exemple d'un département qui demande à ce qu'un locataire en indemnité d'occupation devienne locataire en titre. Le déblocage des différentes aides consécutives à ce changement peut parfois venir parasiter une action éducative basée sur le moyen terme et provoquer paradoxalement un retour rapide dans la précarité et le non-paiement des loyers.

Parallèlement au Fonds solidarité logement, l'APES tente de mettre en place, depuis peu, un autre outil de lutte contre les impayés de loyers et donc les risques d'expulsions : le relogement. Cette pratique, encore assez peu répandue, note Pierre Brayda, est amenée à se développer : « Je crois qu'il y a une réelle prise de conscience du problème social de la part de certains bailleurs. On se dit que mettre une famille à la rue ne sert à rien et qu'il faut trouver un produit adapté à sa situation. » Grâce aux informations recueillies par son département Etudes lors des phases de réhabilitation, le service des actions socio-éducatives de l'APES peut désormais repérer plus tôt des seuils de fragilité et proposer ainsi en amont des échanges de logements.

Si cette démarche est facilitée par l'importance du patrimoine immobilier sur lequel intervient l'association, elle se heurte en revanche aux nombreuses réticences des familles. Terrain éminemment affectif, le relogement nécessite un accompagnement qui peut s'avérer douloureux. Comme pour cette personne de 45 ans ayant toujours habité avec ses parents (rentrés dans le cadre du 1 %) devenue allocataire du RMI après le décès de son père, locataire en titre du logement. Dans de telles situations, les travailleurs sociaux tentent alors de trouver une solution de rechange dans la commune, voire dans l'immeuble lui-même. Mais même dans ces conditions, persuader une personne de quitter son logement reste très difficile, raconte Pierre Brayda : « Si on réussissait à convaincre seulement 10 % de ces ménages, ce serait déjà beaucoup. » Un tel constat ne décourage pas pour autant Marie-José Delcour, persuadée de l'efficacité de cette action à condition « qu'il y ait un véritable travail préparatoire au relogement ».

Henri Cormier

Notes

(1)  APES : 139, rue de Saussure - 75017 Paris - Tél. 01 40 54 41 39.

(2)  Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.

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