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Venir à bout du mal-être des banlieues

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Comment lutter contre les violences urbaines, s'interroge Raymond Curie, sociologue et responsable d'un service de prévention spécialisée à Massy (1). Dans le courrier qu'il nous a adressé, celui-ci invite, au-delà d'une série de mesures concrètes, à « un changement radical » au niveau politique.

« [...] Une analyse en profondeur montre que la frontière entre actes délinquants visant à se procurer des biens matériels ou de l'argent et actes de destruction et de provocation symbolique oscille sans cesse. Le sentiment d'appartenir à un autre monde que le monde institutionnel, qui apparaît comme privilégié, incite des jeunes marginalisés à perturber l'ordre social et à démontrer qu'ils existent en jouant sur la provocation, cherchant même à créer des conflits et à faire venir la police pour la narguer, comme cela s'est produit dans certaines villes [...]. On débouche là sur une agressivité symbolique tournée vers les institutions. Les jeunes exclus du savoir et de plus en plus en marge de la société peuvent ainsi s'en prendre à des structures représentatives de l'Etat [...]. La seule barrière avec la violence politique, c'est que cette violence est diffuse, dispersée résultant d'actions à la fois individuelles et collectives sans réelle organisation. En ce sens, on peut parler d'une sorte d'implosion sociale qui se développerait à l'heure actuelle, non maîtrisable et se renouvelant sans cesse.

« Face à ces problèmes, quelles solutions peuvent être envisagées ? Avec la loi sur la décentralisation, le transfert de l'Etat vers les collectivités territoriales des compétences et de la gestion a modifié considérablement le rôle des acteurs de la vie locale. Et il a laissé de grands vides au niveau de l'éducation et du social notamment. [...]C'est donc à une réorganisation et parfois à des implantations nouvelles des services publics qu'il faut travailler, dans les municipalités de banlieue, mais aussi dans celles où un déclin économique s'est manifesté, avec des antennes localisées et des embauches correspondantes. Un autre phénomène, qui s'est développé dans les villes ouvrières, concerne la perte d'influence des partis de gauche (PC ou PS) au niveau de l'encadrement des activités, des associations et du militantisme. C'est donc toute une dynamique qu'il faut relancer, avec une vie associative à recréer dans certains quartiers et à amplifier dans d'autres. Car recréer du lien social et des solidarités est aussi un moyen de lutte contre l'exclusion et la délinquance [...]. Et à cet effet, les militants associatifs, politiques et les élus locaux peuvent appuyer et valoriser les expériences positives des banlieues [...]. Mais à l'avenir, il est également souhaitable que des réhabilitations des quartiers soient engagées ou poursuivies dans certaines cités à condition que l'effort de l'Etat soit plus important et mieux coordonné avec les collectivités territoriales. Par ailleurs, en matière de sécurité, c'est tout d'abord des formations nouvelles et adaptées qui devraient être offertes aux policiers afin qu'ils n'aient plus ces attitudes de méfiance, d'agressivité et de racisme envers les jeunes des cités populaires. Enfin, les mesures de justice doivent s'appliquer sur tout le territoire et chaque acte délinquant sanctionné à son juste niveau. Et il est important que dans le cadre des contrats locaux de sécurité, les travailleurs sociaux et les élus ayant des idées d'ouverture participent à ces débats afin d'influencer les décisions et de bloquer les dérives sécuritaires tout en apportant des propositions concrètes, notamment au plan préventif.

« Ces différentes orientations, si elles se mettaient en place, permettraient peut-être de réduire une partie des problèmes liés aux violences urbaines. Cependant, c'est au niveau politique que le changement doit être radical afin de faire reculer efficacement le chômage et d'établir une véritable réduction du temps de travail et des embauches en conséquence. Les mesures citées précédemment étant le complément nécessaire afin que le mal-être des banlieues régresse. »

Notes

(1)  Raymond Curie : 7, avenue de la Habette - 94000 Créteil.

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