Dans un rapport présenté le 19 janvier à la presse, le conseil de surveillance de la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) se prononce pour une « politique nationale de l'assurance maladie en matière de lutte contre les exclusions », préconisant notamment « d'aller vers les assurés sociaux ». Le groupe de travail « exclusion », constitué au sein du conseil pour mener cette étude, a volontairement axé ses réflexions sur l'exclusion des soins et de la prévention sanitaire, « thème plus restreint mais, en nombre de personnes concernées, beaucoup plus ample ». Selon le président du conseil de surveillance, Jean-Marie Le Guen, « la situation actuelle n'est pas satisfaisante, car il y a une insuffisance de solidarité et une insuffisance d'innovations ».
Pour les auteurs, le postulat de départ est clair : « il doit exister un avant et un après la loi de lutte contre les exclusions », laquelle, rappelons-le, a expressément mandaté les organismes de sécurité sociale comme acteurs de la lutte contre l'exclusion. Aussi entendent-ils doter la branche maladie des outils nécessaires (mise en place d'un observatoire national et d'une direction nationale de la lutte contre les exclusions), et renforcer l'action sanitaire et sociale des caisses ainsi que les actions de prévention et d'éducation sanitaire. A ce chapitre, le groupe de travail se prononce pour la pluriannualisation immédiate du Fonds national d'action sanitaire et sociale (FNASS), afin que les budgets annuels non consommés ne soient pas définitivement perdus pour l'action sanitaire et sociale, et que des projets durables puissent être construits. Mais la préconisation majeure est d'assurer une publicité à l'action sanitaire et sociale des caisses et de la branche en direction des travailleurs sociaux, des assurés et de leurs ayants droit. Les experts souhaitent également que soit définie une politique des réalisations sanitaires, des examens de santé, des établissements de la sécurité sociale qui permette une couverture plus égalitaire du territoire ainsi que le maintien d'une mixité sociale des populations y ayant accès. Quant aux caisses de base, elles devraient, selon le rapport, être dotées de fonds propres, d'une autonomie d'action et de réalisation pour lutter contre l'exclusion sanitaire, « encore plus massive et inégalitaire » que celle des soins.
Pour « aller vers les assurés sociaux », le conseil suggère de généraliser les expériences acquises par certaines caisses. A titre d'exemples, les procédures d'accueil direct et téléphonique en continu, de contrôle a posteriori et non a priori, de refus absolu de la non-réponse et de la non-prise en charge à partir de la demande doivent être promues. De même, la présence physique « avancée » de l'assurance maladie dans le maximum de lieux où elle peut rencontrer l'assuré social (hôpitaux, entreprises, locaux neutres et facilement accessibles de centre ville) devrait être systématisée.
Pour toutes ces raisons, la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) « constitue une opportunité pour revisiter complètement le dispositif d'action sanitaire et sociale » de l'assurance maladie, juge le rapport. Pour Daniel Le Scornet, président de la Fédération des mutuelles de France, qui dirigeait le groupe de travail, « il faut que la loi de financement de la sécurité sociale de l'an 2000 permette un démarrage fort de la CMU ». D'où la nécessité de prévoir, à cet effet, la mise en réserve d'un fonds spécial. Plus généralement, « un mécanisme formel d'amélioration progressive et continue des niveaux et périmètres de couverture de l'assurance maladie obligatoire » devrait être intégré dans la loi. Le rapport préconise également la généralisation des mécanismes de tiers payant à l'hôpital et à la médecine de ville pour l'ensemble des assurés sociaux dont l'accès aux soins sera nouvellement favorisé par la CMU obligatoire et complémentaire. Et appelle de ses vœux une extension, via les fonds d'action sanitaire et sociale, du périmètre de la couverture effective des dépenses de santé pour les populations qui bénéficient du 100 % sur critère médical et, depuis 1992, de la gratuité des soins sur critère social (allocataires du RMI, jeunes sans ressources). Le groupe de travail attire enfin l'attention sur le fait que toutes les procédures de conventionnement, de mise en place de filières et de réseaux de soins ne doivent pas générer « de nouveaux phénomènes de discriminations, de stigmatisations, d'exclusions aux soins et à la prévention ».