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Accompagner les futures mères et leurs bébés

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Mettre en œuvre une logique transversale, globale et cohérente, associant sanitaire et social, ambulatoire et hospitalier, public, associatif et privé : tel est l'objectif du réseau périnatal instauré dans le nord des Hauts-de-Seine.

La précarité et les difficultés d'accès aux soins qu'elle entraîne est probablement l'un des facteurs majeurs menaçant les acquis des 30 dernières années en matière de périnatalogie. Il existe en effet une forte corrélation entre l'aggravation de la situation socio-économique de nombreuses femmes et le suivi insuffisant ou nul de leurs grossesses, source de multiples pathologies périnatales. En outre, selon une étude réalisée à Paris en 1993, parmi les bébés nés à la suite de grossesses peu ou mal suivies, un enfant sur dix est confié à l'aide sociale à l'enfance  (ASE) avant son 9e mois (consentement à l'adoption ou placement judiciaire). C'est dire l'inextricable écheveau qui tisse la vulnérabilité des mères et de leurs bébés, et l'enjeu majeur, en termes sanitaire et social, d'une véritable politique de prévention, qui articule les interventions des différents organismes impliqués dans la prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés.

La PMI, pivot du dispositif

« Les structures existent, mais elles opèrent souvent sans coordination, explique Catherine Guiton, médecin responsable du service PMI-Petite enfance au conseil général des Hauts-de-Seine (1). C'est pourquoi, depuis trois ans, nous travaillons à les mettre en réseau dans le nord du département qui comporte majoritairement des communes à forte densité de populations socialement défavorisées, avec une incidence importante de femmes d'origine étrangère. »

En raison de son implantation sectorisée et de sa vocation historique, le pivot de ce dispositif est le service départemental de PMI : pédiatres et obstétriciens, puéricultrices et sages-femmes assurant des consultations prénatales et pédiatriques et allant à domicile. Autour de ce noyau, et disposant tous d'un correspondant volontaire qui participe au groupe de pilotage du réseau (2), les organismes partie prenante du projet sont nombreux : le service départemental d'aide sociale, les maisons maternelles et l'ASE, les sages-femmes libérales et les sages-femmes et puéricultrices de l'hospitalisation à domicile  (HAD), les maternités (publiques et privées) et les services de néonatalogie, les services de la DDASS chargés de la petite enfance, les intersecteurs de pédopsychiatrie, les médecins libéraux, les centres médico-sociaux municipaux, le réseau ville-hôpital ARES 92 (qui coordonne les actions locales en matière d'infection à VIH et de toxicomanie et comporte un volet périnatal), et des associations dont l'antenne banlieue de Médecins du monde et les femmes-relais de Gennevilliers.

C'est en 1993-1994, par la formation de ces médiatrices aux arcanes de notre système sanitaire et social, initiée par l'association humanitaire et la municipalité, que tout a commencé. En effet, pour convaincre les femmes enceintes marginalisées qu'il leur est possible de faire suivre gratuitement leurs grossesses en PMI et que ce suivi précoce est bénéfique pour leur santé et celle de leurs bébés, encore faut-il commencer par réussir à les contacter. Il s'agit ensuite de pouvoir entrer en communication avec elles, c'est-à-dire parler la langue de celles qui ne maîtrisent pas le français, et être à même de comprendre leurs réticences d'ordre culturel, légal ou financier. Sept femmes-relais, précise Florence Pecout, responsable de leur association, assurent cette fonction de repérage, d'information, d'orientation et d'accompagnement physique et psychologique des futures mères en difficulté. Formées plus récemment, d'autres médiatrices à Antony, Villeneuve-la-Garenne et Asnières, participent, de la même manière, à la mise en relation des femmes en situation précaire et des institutions à même de les aider.

Résoudre les problèmes de l'accès aux soins

Mais vaincre, chez les femmes d'origine étrangère, leurs craintes de collusion entre les structures médico-sociales et les services chargés de la répression de l'immigration illégale et expliquer à toutes, quels que soient leur statut et leur origine, qu'elles ont des droits, n'est pas suffisant. Car celles-ci rencontrent, dans certains cas, de réels obstacles pour accéder à une prise en charge. D'où l'importance du volet social du travail du réseau des Hauts-de-Seine. Le circuit normal pour faire une demande d'aide médicale, rappelle Catherine Guiton, est de commencer par s'adresser au centre communal d'action sociale  (CCAS) de sa ville. Mais il arrive parfois qu'on y exige des papiers dont la production n'a pourtant rien de nécessaire, ou alors qu'on laisse traîner certains dossiers sans les traiter. Or quand les femmes reviennent accompagnées par des professionnels de la PMI au fait de la loi, ce qui était précédemment inenvisageable devient soudain possible. Aussi, « pour remédier à ces dysfonctionnements, explique Catherine Guiton, nous avons décidé de recruter deux emplois-jeunes de niveau bac + 2 ou 3, que nous allons former au fonctionnement de la sécurité sociale. Ils pourront alors, dans le cadre du réseau, jouer ce rôle de'roquets ", à même de faire respecter la loi ». En outre le service de l'aide médicale du conseil général a désigné en son sein une personne référente, chargée des dossiers posant des problèmes particuliers qui n'auront pas été résolus par les CCAS.

L'essentiel est de résoudre la question de l'ouverture des droits avant l'accouchement, pour éviter que les hôpitaux refusent l'admission des jeunes sans couverture sociale ou aient à faire face à des créances irrécouvrables. Ethique autant qu'économique, souligne Claude Lejeune, professeur, chef du service de néonatalogie de l'hôpital Louis-Mourier (Colombes), ce problème n'est pas insurmontable : dans son établissement, une recherche-action menée en 1993 sur la prise en charge médico-sociale des femmes enceintes sans couverture sociale (Françaises du quart-monde et/ou en fin de droits, ou immigrées en situation irrégulière), montre qu'au prix d'un travail intensif de l'équipe d'assistantes sociales, en étroite collaboration avec les structures extrahospitalières, le financement des frais d'hospitalisation (sécurité sociale ou aide médicale) pouvait être réglé dans la majorité des cas (86 %).

Une attention particulière à la relation mère-bébé

Outre la prise en charge et le suivi correct de toutes les femmes enceintes - 11 000 par an dans ce secteur nord des Hauts-de-Seine -, il est évidemment indispensable, ici comme ailleurs, de se préoccuper spécifiquement des grossesses pathologiques. « Dans ce cas, explique Anne-Marie Dandres, médecin de PMI, nous passons la main à l'hospitalisation à domicile et aux plateaux techniques hospitaliers disposant de services de réanimation néo-natale, sachant qu'il est toujours préférable d'hospitaliser d'emblée une future mère à risques dans une maternité suffisamment équipée, plutôt que d'avoir à y transférer de grands prématurés. » Mais, là encore, cette orientation de femmes souvent très désemparées ne peut se concevoir sans un véritable soutien, sécurisant et très concret. « Je faisais un pas en avant, la future maman deux en arrière : on a mis un quart d'heure à franchir la porte de l'hôpital », raconte une sage-femme de PMI, venue ainsi à la rescousse d'une femme pour l'aider à entrer dans le monde technicisé de l'hôpital.

Les sorties précoces de maternité sont un autre souci des acteurs des Hauts-de-Seine. Elles aussi doivent être très accompagnées. « En région parisienne, alors que les accouchées n'ont pas leur mère près d'elles, ou pas de grands-mères disponibles, on les sort au bout de trois jours ! », s'insurge Catherine Guiton. Alors, comme pour le reste, c'est un peu « Sainte-Débrouille », commente la responsable du réseau au conseil général - ce qui, apparemment, ne nuit ni à son dynamisme ni à son inventivité. En plus des nombreuses visites à domicile assurées par la PMI en collaboration avec l'HAD, Catherine Guiton réfléchit au recours à des personnes qui, en complément des travailleuses familiales, aideraient au retour des mamans. Celui-ci est d'autant plus préoccupant qu'on sait l'importance de ce qui se joue, dès les premiers jours, entre une mère et son bébé. C'est pourquoi, un des axes majeurs du travail mené en réseau dans le département est le dépistage et la prise en charge des risques de dysfonctionnements du lien mère-enfant. A cet égard, les formations ad hoc réalisées depuis septembre dernier, constituent un outil capital. Utiles bien sûr en termes d'acquisition de connaissances sur la sémiologie des troubles de la relation, elles sont aussi une occasion privilégiée de rencontre et d'échanges entre les différents professionnels amenés à collaborer au sein du réseau périnatal. Conçues par Patrick Chardeau, pédopsychiatre, chef de service de l'unité d'hospitalisation mère-bébé de Montesson (Yvelines), ces sessions de sensibilisation réunissent des praticiens de maternités (publiques et privées), différents professionnels de PMI, des assistantes sociales, des personnels de l'ASE et d'autres intervenants (médecins libéraux, sages-femmes, intervenants de l'HAD, travailleuses familiales). Pour être efficaces, ces formations s'articulent sur une possibilité de prise en charge des mères en détresse et de leurs enfants (jusqu'à 3 ans), grâce à la mise en place de deux services thérapeutiques fonctionnant à temps partiel : le centre naissance de Colombes et l'unité parents-bébés de Gennevilliers.

A l'heure où l'on consacre des milliards à l'accueil des nouveau-nés de très faible poids, c'est à éviter prématurité et retards de croissance intra-utérins - avec leur cortège de séquelles - que l'on s'emploie dans les Hauts-de-Seine. Et l'on s'efforce également de faire en sorte que les enfants nés en bonne santé ne connaissent pas, ensuite, des troubles du développement consécutifs à la dépression de leurs mamans. C'est dire l'importance du travail de fond engagé depuis trois ans. Sa valeur est aujourd'hui reconnue : le conseil général vient de voter des moyens permettant au réseau d'avoir une cellule de coordination permanente -et de demander à ses promoteurs de s'intéresser maintenant au sud du département.

Caroline Helfter

À PARIS, DES STAFFS DE PARENTALITÉ

Amélioration du suivi des grossesses pathologiques et de l'accès aux droits à une couverture sociale :dans la ligne des directives de son plan périnatalité, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris  (AP-HP) se réorganise, depuis 1995, afin d'accroître la qualité du service proposé. Avec l'instauration de staffs de parentalité, mis en place dans les maternités parisiennes au cours du deuxième semestre 1998 - pour celle de Necker, ce sera chose faite au printemps prochain -, c'est à la prévention de la maltraitance que s'attache aujourd'hui l'AP-HP. Intervenir le plus précocement et le plus collectivement possible auprès des futures mères pour parer aux risques de dysfonctionnement du lien parental, tel est le but de ces groupes de travail pluridisciplinaires, associant professionnels de la santé et représentants de la PMI, du service social, de la justice, de l'ASE et du secteur psychiatrique (3). Une fois par mois, les praticiens réunis analysent, avec leur accord, les dossiers des intéressées et s'efforcent d'appréhender les problèmes d'ordre relationnel qui sont suspectés. A terme, le but est de mettre en synergie les acteurs de ces dispositifs hospitaliers avec les intervenants qui travaillent en ville, afin de créer un réseau périnatal de prévention ville-hôpital, du type de celui qui fonctionne dans le nord des Hauts-de-Seine.

Notes

(1)  Conseil général des Hauts-de-Seine - Direction vie sociale : 2 /16, boulevard Soufflot - 92015 Nanterre cedex - Tél. 01 47 29 30 31.

(2)  Secrétariat du réseau périnatal : Marie-Georges Treffre - Tél. 01 47 98 06 88.

(3)  Contact : DAJES - J. Van Dem Borghe (service de la PMI)  - 94/96, quai de la Rapée - 75570 Paris cedex 12 - Tél. 01 43 47 73 02.

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