Longtemps attendue, en particulier par les employeurs, une vaste réforme des formations aux métiers de l'animation est actuellement en préparation au ministère de la Jeunesse et des Sports. Menée en concertation avec les partenaires sociaux, regroupés au sein de la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche de l'animation socio-culturelle (CPNE), elle pourrait déboucher, d'ici à fin 1999, sur une refonte de l'ensemble des formations et des diplômes gérés par le ministère, tant en ce qui concerne l'animation que le sport. Reste que si nul ne conteste la nécessité de cette réorganisation, un certain nombre de professionnels craignent que l'on passe à côté d'une véritable réflexion sur l'avenir du secteur, en particulier sur ses liens avec le travail social.
En 1997, dans le cadre d'une étude menée en collaboration avec le CNRS, le sociologue Olivier Douard dénombrait 79 appellations différentes sur 500 offres d'emploi destinées aux professionnels de l'animation. « Et la moitié seulement comportait le terme animateur », relevait-il, à Nantes, lors de la quatrième biennale de l'action sociale et culturelle (1). C'est pour tenter de répondre à cette dispersion chronique des professions de l'animation socio-culturelle que la CPNE avait lancé, il y a environ deux ans, un contrat d'études prospectives (CEP) qui débouchait, en mai dernier, sur la remise d'un rapport dressant l'état des lieux de la branche. Premier constat : il n'existe pas de formation initiale à l'animation (sauf le DUT carrières sociales), la quasi-totalité des brevets n'étant accessibles qu'après une expérience professionnelle préalable. En outre, les diplômés sont encore sous-représentés, beaucoup d'intervenants n'ayant d'autres qualifications que les brevets d'aptitude aux fonctions d'animateur ou de directeur (BAFA et BAFD). Par ailleurs, le secteur souffre de l'absence de passerelles entre les titres du ministère de la Jeunesse et des Sports et ceux des autres ministères, en particulier de l'Emploi et de la Solidarité. De fait, comme l'observent les rapporteurs du CEP, les métiers de l'animation « ne sont pas stabilisés », ce qui place le système de formation « dans une dynamique d'adaptation permanente ». Interrogés, les salariés dénoncent d'ailleurs « l'absence de lisibilité du système ». Une critique qui porte tout autant sur le nombre et le contenu des diplômes, avec leurs multiples spécialités et options, que sur « l'inégale qualité des organismes de formation qui y préparent ». Quant aux employeurs, ils déplorent avant tout le décalage entre le contenu des formations et la réalité des emplois existants.
La branche de l'animation socio-culturelle (ASC) regroupe environ 70 000 organismes privés sans but lucratif développant à titre principal des activités d'intérêt social dans les domaines culturel, éducatif, de loisir et de plein air. Ses 600 000 emplois salariés, pour 92 000 équivalents temps plein, sont concentrés dans 11 000 structures. Et 70 000 emplois supplémentaires ont été créés de 1993 à 1996.
Dans ces conditions, une « remise à plat » de l'ensemble du système de formation apparaît plus que nécessaire. Et l'étude du CEP propose de bâtir un dispositif « plus homogène et plus accessible » sans, toutefois, renier ce qui existe. Elle suggère ainsi d'articuler les brevets et les diplômes actuels autour d'un tronc commun, de créer des passerelles et de mettre en place une véritable validation des acquis. Autre idée : compléter la filière de formation initiale par la création d'un baccalauréat professionnel d'animateur et le développement de l'apprentissage. Des solutions qui se heurtent cependant à « l'absence d'un véritable corpus commun de connaissances et de savoir-faire liés au métier d'animateur », notent les chercheurs. Lesquels préconisent également d'établir des passerelles entre les diplômes actuels et la nouvelle filière de formation initiale. Le but étant « de proposer de véritables parcours qualifiants aux jeunes ».
S'appuyant sur ces propositions, la CPNE a donc fait pression sur les pouvoirs publics afin qu'ils engagent une véritable réforme du système de formation. « Pour nous, le préalable est que l'Etat mette enfin en place une formation initiale. Il faut aussi former à des métiers et non à une fonction d'animation. Enfin, le plus important est que les animateurs puissent être mobiles professionnellement », rappelait à ce propos, à Nantes, Henri Borentin, président de la commission au titre des employeurs. Un appel entendu, semble-t-il, au ministère de la Jeunesse et des Sports. « Il y a une volonté politique très claire de Marie-George Buffet de faire évoluer les choses », assure en effet Philippe Forstmann, délégué aux formations, qui a mis sur pied, il y a quelques mois, le groupe de travail chargé de réfléchir à la réorganisation de l'ensemble des formations du ministère, tant en ce qui concerne l'animation que le sport. Lequel a déjà arrêté les grandes lignes du projet de réforme. « Il s'agit de restructurer toutes les formations en un ensemble d'unités capitalisables construites à partir de référentiels de compétences, mais aussi de faire largement appel à l'alternance », explique Philippe Forstmann. En outre, la validation des acquis professionnels devrait être systématisée, le BAFA et le BAFD étant alors pleinement intégrés aux différentes formations. Si la réforme aboutit, la plupart des diplômes devraient donc être profondément remaniés afin d'être alignés sur le système d'homologation du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui s'échelonne du niveau V à II (voir encadré). « Plus généralement, poursuit le délégué aux formations, nous souhaitons rendre accessible la filière des métiers de l'animation dès la fin des études générales, développer la formation continue et offrir aux professionnels qui le souhaitent des possibilités de reconversion. »
Ce projet ne fait cependant pas l'unanimité chez les professionnels, certains reprochant au ministère et aux partenaires sociaux de faire l'économie d'une réflexion de fond en se contentant de réaménager l'existant. « On met en place des filières de façon très mécanique alors qu'il y a un manque évident de réflexion sur les fondements de l'animation », déplore ainsi l'un des responsables de l'Union française des centres de vacances. En particulier, beaucoup critiquent le choix des pouvoirs publics de maintenir un système de formation unique pour le sport et l'animation. Car si ces deux types d'activité sont nés dans le même creuset du militantisme associatif, force est de constater qu'ils ont suivi, depuis, des chemins assez différents. Alors que le sport a mis l'accent sur le haut-niveau et la recherche d'une rentabilité, l'animation a basculé, en partie, dans le champ de l'intervention sociale. D'où les interrogations d'un certain nombre de professionnels. « Quand on voit la nature de nos missions, on se demande si notre métier ne relève pas davantage du travail social ou de la politique de la ville que de l'animation proprement dite », constate l'un d'entre eux. « L'animation socio-culturelle est déjà suffisamment complexe pour ne pas la lier au sport. D'ailleurs, les animateurs sont beaucoup plus proches des travailleurs sociaux. Or, on ne parle pas de passerelles avec les formations en travail social », s'agace, pour sa part, Bernard Grignon, directeur des programmes d'Accoord (organisme socio-culturel situé à Nantes), qui souhaite que l'on organise les diplômes de l'animation sur le modèle de ceux du travail social. D'ailleurs, « pourquoi ne pas avoir mené d'emblée cette réflexion sur les formations dans un cadre interministériel ? Et pourquoi ne pas faire reposer la filière sur le niveau III, à l'image de ce qui existe dans le travail social ? », se demande Olivier Douard .
Autant de remarques qui se heurtent à la détermination de la CPNE et de l'administration de la Jeunesse et des Sports d'aboutir rapidement. « Mon problème, c'est d'organiser la branche de l'animation et non de m'interroger sur ce qu'est l'animation d'un point de vue philosophique », affirme avec force Henri Borentin. En outre, poursuit-il, « je ne pense pas que l'animation socio-culturelle fasse partie du secteur social, même si leurs champs se superposent par endroits. En revanche, le sport fait partie intégrante de la branche. » Quant aux discussions interministérielles, « lorsque nous [les partenaires sociaux] avons souhaité négocier sur la formation, on nous a renvoyés vers les services de la Jeunesse et des Sports », précise-t-il. Chez Marie-George Buffet, on défend également le maintien des liens entre le sport et l'animation, espérant que la réforme permette de favoriser davantage les pratiques sportives à « fortes connotation sociale ». Ce qui n'empêche pas que l'on souhaite aussi « favoriser les articulations avec les systèmes de formation des autres ministères », ajoute Philippe Forstmann, précisant qu'une réflexion sur ce point est en cours avec les services de Martine Aubry. Il balaie également les critiques sur le choix du niveau IV comme « socle » de la formation en insistant sur la volonté des pouvoirs publics de maintenir la filière de l'animation socio-culturelle comme voie de promotion sociale.
Quoi qu'il en soit, la réforme est désormais sur les rails, l'objectif du ministère étant d'aboutir, dans les grandes lignes, en 1999. A cet effet, une instance paritaire a été créée, préfigurant la commission professionnelle consultative dont l'installation doit se faire en accord avec le ministère de l'Education nationale. Celle-ci devra obligatoirement être consultée sur tout projet de réorganisation. Parallèlement, plusieurs formations expérimentales, destinées notamment aux emplois-jeunes, devraient démarrer en ce début d'année, afin de valider les hypothèses du groupe de travail sur le rôle central du niveau IV et sur les unités de compétence. Enfin, un document d'orientation devrait être publié, en janvier, par le ministère de la Jeunesse et des Sports.
Jérôme Vachon
Au niveau V (le moins élevé), deux types de formation pourraient être envisagés. La première, qui se substituerait au brevet d'aptitude professionnelle d'assistant animateur technique, consisterait en un parcours de qualification conduisant directement à une activité professionnelle. La seconde, en revanche, serait une formation « préalable » entièrement nouvelle, basée sur l'acquisition de prérequis.
Un cran au-dessus, le niveau IV devrait constituer « le socle de l'édifice », le métier dit « de référence » étant celui d'animateur ou d'éducateur sportif « encadrant une activité en pleine autonomie ».
Au niveau III, on trouverait trois diplômes sanctionnant différentes compétences : le management et la gestion (sur la base de l'actuel diplôme d'Etat aux fonctions d'animation), la maîtrise d'une technique élaborée et l'intervention auprès d'un public particulier (jeunes enfants, handicapés...).
Enfin, au niveau II, on trouverait un diplôme axé essentiellement sur la conduite de projets complexes (proche de l'actuel diplôme d'Etat de directeur de projet d'animation et de développement) et un diplôme pour les entraîneurs sportifs de haut niveau.
(1) La biennale s'est déroulée du 20 au 22 octobre - Contact : 10 bis, boulevard de Stalingrad - 44000 Nantes - Tél. 02 40 29 47 90.