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L'euro : nouveau facteur d'exclusion ?

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C'est aujourd'hui que la première étape du passage à la monnaie unique est franchie (1). Cette mutation, tant psychologique qu'économique, ne risque-t-elle pas de marginaliser davantage les publics les plus fragiles ? C'est en tout cas ce que redoutent, depuis quelques mois déjà, plusieurs organisations du secteur social.

Même si les pièces et les billets ne seront disponibles qu'au 1er janvier 2002, les craintes suscitées par la monnaie unique sont déjà tangibles. Les retraités, sondés par la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), évoquent ainsi la perte des repères, la difficulté des règles d'arrondis et de conversion mais aussi les risques « d'arnaque ». L'Institut national pour la retraite active prévoit même, «  pour l'année 2002, une augmentation sensible de mises sous tutelle ou curatelle ». Nul doute, en effet, que des problèmes de gestion et d'endettement supplémentaire chez des publics qui ont déjà un rapport à l'argent difficile vont se poser, affirme l'Union nationale des associations familiales (UNAF)   (2). Laquelle compte cependant profiter du passage à l'euro, «  période où les difficultés de ce type seront, pour un moment, le lot commun », pour « remettre les choses à plat » avec les personnes sous tutelle, souligne son chargé de mission Euro, Nicolas Revenu.

Ces craintes sont d'autant plus présentes que les campagnes d'information pour le grand public sont jugées peu adaptées aux personnes en difficulté. En effet, « les exemples donnés - placements, vacances et voyages d'affaires à l'étranger facilités - n'ont pas grand-chose à voir avec leur réalité quotidienne », déplore Jean Tonglet, chargé de ces questions à ATD quart monde. En outre, les familles les plus pauvres, qui ont peu l'usage des chéquiers et des cartes bleues, auront d'autant moins d'occasions de se familiariser avec la nouvelle monnaie pendant les trois années à venir. Et « une fois encore, avec l'euro, bon nombre de personnes vont être laissées à l'écart de la modernité », regrette la FNARS.

Souhaitant éviter que l'euro ne soit qu'une monnaie technocratique faite pour une Europe de cadres aisés et mobiles, les associations ont ainsi réclamé, au sein du comité de l'euro du ministère des Finances et au niveau européen, une information adaptée à tous les usagers, en particulier aux publics fragiles. Outre les projets pilotes destinés à prendre en compte les difficultés spécifiques de ces derniers (3), des observatoires départementaux de l'euro devraient ainsi être mis en place, dès janvier ou février 1999, afin de lister les problèmes et de régler les éventuels litiges. Mais, d'ores et déjà, beaucoup d'organisations ont développé des initiatives afin de faciliter le passage à la nouvelle monnaie :sensibilisation et formation des salariés à l'euro, notamment des délégués à la tutelle à l'UNAF, élaboration à la FEHAP de fiches pédagogiques à l'intention des usagers reçus dans ses établissements médico-sociaux, enquêtes et tests auprès des retraités à la CNAV, mise en place d'observatoires comme à l'Uniopss... Quoi qu'il en soit, « l es gens ne seront prêts à faire des efforts qu'à condition qu'ils sentent que ce changement a un sens pour eux », affirme-t-on à ATD quart monde. Et surtout s'ils n'ont pas le sentiment d'être les perdants du nouveau système. Pas question en effet, défend vigoureusement l'Uniopss, que la monnaie unique, « en facilitant des comparaisons hâtives entre les minima sociaux et entre les régimes d'assurance chômage des différents pays », fournisse, de manière insidieuse, des arguments en faveur d'un alignement par le bas des régimes sociaux.

V.L.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2094 du 20-11-98.

(2)  Elle a d'ailleurs lancé une étude auprès de familles sous tutelle et des délégués qui les suivent, afin de mieux adapter ses outils - UNAF : 28, place Saint-Georges - 75009 Paris - Tél. 01 49 95 36 00.

(3)  Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.

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