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Quelle évolution pour les CRP ?

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Outils efficaces pour la formation qualifiante des travailleurs handicapés, les centres de rééducation professionnelle souffrent de lourdeurs administratives et d'un manque de pilotage. Des dysfonctionnements qu'entend bien rappeler aux pouvoirs publics Georges Mazet, président de la Fagerh (1), à l'occasion de la réforme de la loi de 1975.

Actualités sociales hebdomadaires  : Depuis plusieurs années, la Fagerh réclame une plus grande reconnaissance des centres de rééducation professionnelle  (CRP)... Georges Mazet  : La question n'est pas tant celle de la reconnaissance des centres de rééducation professionnelle qui sont inscrits dans la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales que celle de l'évolution du dispositif. Et cela fait maintenant plus de dix ans que ce débat existe au sein des pouvoirs publics sans que rien ne bouge. Il faut bien voir que les centres de rééducation professionnelle, ces institutions médico-sociales de formation professionnelle des travailleurs handicapés, sont dans une situation très particulière. Notre tutelle budgétaire, la DDASS, fixe un prix de journée qui s'impose aux CPAM qui paient le séjour des stagiaires. Mais nous n'avons aucun lien direct avec la sécurité sociale qui n'effectue aucune évaluation des établissements qu'elle finance. Nous sommes contrôlés exclusivement sur notre métier de formateur par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle par le biais de l'AFPA. Mais pour nos prestations médicales, d'accompagnement et d'insertion des stagiaires, qui font pourtant notre particularité, nous n'avons aucun interlocuteur. Et il n'y a aucune évaluation hormis les quelques rapports, ici ou là, de l'IGAS ou de la Cour des comptes. Lesquels s'intéressent d'ailleurs relativement peu à l'aspect qualitatif des prestations mais plutôt à leurs flux ou à leurs coûts. Que demandez-vous ? - Depuis des années, nous réclamons un pilotage national. Soit, pour faire court, un patron qui serait compétent sur l'action sociale et la formation professionnelle. Car même si le ministère de l'Emploi et de la Solidarité coiffe la direction de l'action sociale et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, on sait très bien que ces deux administrations fonctionnent de façon distincte. Ce que nous voulons, c'est la création d'une structure de pilotage interministérielle ou interadministrative. Une sorte de monsieur CRP ? - Ce pourrait être un monsieur CRP au sens où la Fagerh fédère essentiellement les centres de rééducation professionnelle. Mais au-delà, je crois que cette préoccupation visant à améliorer l'insertion professionnelle en prenant en compte conjointement la situation médicale et sociale n'est pas spécifique aux handicapés et se pose aussi pour les publics en difficulté. Dans son dernier rapport, remis en décembre 1996, l'IGAS (2) proposait de confier clairement le pilotage des CRP et leur mode de financement au secteur de l'emploi et de la formation professionnelle. - L'idée qui prévaut actuellement serait effectivement de confier le pilotage des centres de rééducation professionnelle à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, et peut-être son financement. Mais pour nous, c'est beaucoup trop réducteur par rapport à notre activité médicale et médico-sociale. Quant au financement des CRP, il est actuellement quasi exclusivement assuré par la sécurité sociale en vertu du droit à réparation qui permet à tout travailleur handicapé de bénéficier de la solidarité nationale pour être reclassé. C'est un principe auquel nous sommes attachés et par conséquent à sa logique de financement. Maintenant, si celui-ci doit être remis en cause, cela relève d'une décision politique qui ne nous appartient pas. Le seul point sur lequel nous sommes intransigeants, c'est sur le maintien du financement unique. Nous refusons très clairement d'être livrés à un saucissonnage de nos prestations. L'IGAS justifiait sa position en disant que les CRP assuraient de moins en moins leur fonction médico-sociale. - Nous contestons cet aspect du rapport. L'enquête diligentée dans quelques régions n'a porté que sur un petit nombre de CRP et a été complétée par quelques questionnaires adressés à différents responsables. Sur la totalité de nos adhérents, les prestations médicales et médico-sociales sont encore bien présentes. Bien sûr, les établissements du milieu urbain s'appuient davantage sur les structures existantes à l'extérieur. Néanmoins, et c'est la grande majorité, ceux situés en milieu rural ou semi-rural assurent de façon autonome les consultations médicales, les soins infirmiers, les permanences d'assistante sociale et de psychologue du travail. Vous revendiquez donc pleinement votre spécificité médicale et médico-sociale ? - Tout à fait. J'en veux pour preuve d'ailleurs, l'AFPA, qui depuis quelques années s'occupe également de la formation des personnes handicapées, éprouve le besoin d'étoffer ses propres services pour proposer à ses stagiaires des prestations médicales et médico-sociales d'accompagnement. Elle s'est ainsi rendu compte combien c'était nécessaire pour ce type de public et qu'on ne pouvait pas tout traiter à l'extérieur. Certains se demandent également si les savoir-faire des CRP pour les handicapés ne pourraient pas être aussi utilisés pour d'autres publics en difficulté. Qu'en pensez-vous ? - Il y a effectivement au sein des pouvoirs publics une interrogation sur l'éventualité d'utiliser la rééducation professionnelle pour des publics non reconnus comme travailleurs handicapés. Car nous avons un savoir-faire que personne ne nous conteste : nous avons notamment réussi une individualisation des parcours du fait du public très hétérogène. Mais dans le cadre juridique qui est le nôtre, c'est pour le coup la sécurité sociale qui refuserait de financer le parcours de ces personnes. Là encore, c'est une question de fond qui appartient aux politiques car elle suppose un bouleversement juridique de la rééducation professionnelle. Mais il y a également une autre hypothèse, sans doute plus réaliste, sur laquelle nous avons été interrogés à plusieurs reprises. Laquelle ? - Celle d'accueillir les salariés du milieu protégé (centres d'aide par le travail et ateliers protégés) en formation continue afin de leur permettre d'améliorer leurs compétences et éventuellement de les aider à passer en milieu ordinaire. Sur le principe nous sommes d'accord. Simplement, nous attirons l'attention des pouvoirs publics sur la cohérence. Nous avons en moyenne des établissements d'une centaine de places disposant d'équipes pédagogiques de 15 formateurs environ. Sur un volume aussi réduit de personnes, il est naturellement très difficile de répondre à des besoins aussi éloignés que la formation continue d'un salarié en milieu protégé qui a une faible qualification et des parcours pour des publics de niveau IV. Justement, on reproche au dispositif d'être insuffisamment orienté vers les publics les moins qualifiés. - Il y a un anachronisme dans cette réflexion car les CRP ne délivrent que des formations diplômantes et exigent donc un certain nombre de prérequis. Je rappelle d'ailleurs que l'orientation des personnes sur les centres de rééducation est faite exclusivement par les Cotorep et que nous n'en avons pas la maîtrise. C'est vrai que quelques établissements ont signé des accords locaux avec des CPAM pour délivrer des formations non diplômantes  (niveau Vbis) destinées à des publics de très faible niveau. Nous ne sommes pas opposés au principe d'accueillir des personnes peu qualifiées afin de les amener à une employabilité, mais encore faut-il sortir de la logique du diplôme exigé par les employeurs. L'IGAS reproche aussi aux CRP d'avoir eu souvent un comportement routinier et peu novateur. - Sur ce point, les responsabilités sont partagées. Il est vrai que certains établissements ont pu effectivement ronronner et ne pas suffisamment s'adapter aux évolutions des emplois pour renouveler leurs formations. Mais le système lui-même est très figé. Il faut savoir ainsi que, pendant près de 20 ans, un très grand nombre de titres délivrés par les établissements n'ont subi aucune révision. Actuellement, ils le sont systématiquement tous les trois ans. De plus, la procédure d'agrément de nouvelles formations ou de dispense de nouveaux titres reste encore lourde et longue. Sans compter que chaque fois que l'on veut faire évoluer ou disparaître un titre, il faut avoir eu le temps d'achever la formation de ceux préalablement inscrits. Ce qui signifie un délai minimal de deux ans. Et si le dispositif évolue si lentement, c'est bien aussi parce qu'on est dans une machine administrative très lourde. Pensez-vous que le projet de réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales peut améliorer la situation des CRP ? - Dans le projet de réforme actuel, il y a très peu de dispositions spécifiques aux centres de rééducation. Alors que la loi précédente prenait d'emblée des dispositions distinctes selon le type d'établissements, le projet actuel fixe un cadre identique pour toutes les institutions sociales et médico-sociales. Et s'il donne une place très large au droit des usagers, ce que nous ne pouvons qu'approuver, il s'inscrit malheureusement dans une logique comptable à l'image du sanitaire avec des enveloppes fermées opposables aux établissements. Ce qui ne laisse aucune place à la concertation pour les associations. Les centres de rééducation professionnelle doivent normalement faire l'objet de décrets d'application sur lesquels nous ignorons tout actuellement. C'est pourquoi nous multiplions nos contacts avec les affaires sociales et la délégation générale à l'emploi de façon à faire valoir notre spécificité. Si les textes d'application pouvaient déjà mieux préciser les missions des centres et régler la question de leur pilotage, ce serait déjà un grand pas en avant. A la suite du rapport de l'IGAS, un groupe de travail devait réfléchir aux moyens d'améliorer le reclassement professionnel des personnes handicapées ? - Ce groupe de travail, issu du Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés, a été juste initié et a disparu avec le changement de majorité. Maintenant, à l'occasion d'une nouvelle réunion de ce conseil, le 26 novembre, Martine Aubry a annoncé la création d'un conseil de perfectionnement des CRP, en vue de présenter un projet de circulaire destinée notamment à clarifier leurs missions et leurs publics (3). Nous nous réjouissons de cette initiative dans la mesure où nous y serons effectivement associés. Pensez-vous qu'il y ait une volonté politique de faire avancer les choses ? - Je crois qu'il n'y a pas de volonté politique d'oublier le dispositif spécialisé de la rééducation professionnelle, ni même de le fondre dans un système plus large. J'ai même le sentiment, d'après ce qu'on entend ici ou là, et même si ce ne sont que des bruits de couloir, qu'on va probablement s'intéresser à nous dans les mois qui viennent. Et que cette fameuse réforme des centres de rééducation professionnelle - un dispositif unique en Europe -, dont on parle depuis plus de dix ans, va peut-être, enfin, voir le jour. Sur ce point, les déclarations récentes de Martine Aubry vont plutôt dans le bon sens. Propos recueillis par Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Fédération des associations gestionnaires et des établissements de réadaptation pour handicapés : 14, rue de la Tombe-Issoire - 75014 Paris - Tél. 01 45 89 14 07.

(2)  Voir ASH n° 2036 du 12-09-97.

(3)  Voir ASH n° 2096 du 4-12-98.

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