« “Du compte pivot” au cachot... Il n'y a qu'un pas », souligne Armand Brice, chef de service dans une association tutélaire (1), à propos du rapport sur le dispositif de protection des majeurs (2). « ”Dysfonctionnement, dérapage du dispositif” [...]. Si le constat est rude, mais souvent pertinent, les termes employés sont excessifs et infamants pour la grande majorité des services tutélaires qui essaient de prôner une qualité de service rendu à l'usager », s'insurge-t-il. Si ce professionnel se félicite néanmoins « d'un début d'intérêt suscité par le dispositif », toutefois, ajoute-t-il, « il convient de savoir si aux constats édifiants, des réponses constructives seront apportées ». Car, « le professionnalisme des délégués à la tutelle n'est plus à démontrer », défend-il, et « l'action tutélaire fait partie intégrante du dispositif de l'action sociale ». C'est d'ailleurs là, en grande partie, que le dispositif originel perd de sa cohérence puisque « l'altération des facultés mentales, élément clé de la loi de 1968, a perdu peu à peu de sa prépondérance pour laisser place à une “judiciarisation” de la pauvreté et des problèmes sociaux ».
Par ailleurs, s'il est « reconnu et apprécié par les magistrats, le travail d'accompagnement social [...] n'est pas pris en compte par les multiples financeurs », regrette ce chef de service. « Mais, pas plus que nous ne volons l'argent des majeurs protégés, nous ne spolions les différents crédits auxquels nous émargeons pour faire fonctionner nos associations », affirme-t-il, estimant que l'action tutélaire « se doit d'être réfléchie, mais également financée de façon cohérente ».
Quant à la Fédération CGT des organismes sociaux (3), elle déplore que, face au constat de l'accroissement alarmant des décisions de mise sous tutelle, le rapport préconise surtout des solutions visant à réduire les coûts. Un angle « réducteur », qui, excluant « la question de la pertinence des décisions », va à l'encontre des propositions destinées à « renforcer l'exigence de qualité ». Exigence qui suppose « des salaires correspondant au niveau de compétence des personnels ». En revanche, le syndicat partage les inquiétudes exprimées sur « la quasi-totale absence de contrôle des associations et gérants de tutelle ». Il n'en demeure pas moins, selon lui, que les propositions sont « insuffisantes au regard des droits des personnes » , certaines visant même à « institutionnaliser les dérives actuelles ».
(1) 12, la Place - 59177 Ramousies - Tél. 03 27 59 08 51.
(2) Lequel avait déjà suscité d'autres réactions -Voir ASH n° 2096 du 4-12-98.
(3) Fédération CGT des organismes sociaux : 263, rue de Paris - Case 536 - 93515 Montreuil cedex - Tél. 01 48 18 83 56.