Martine Aubry a présidé le Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés qui s'est réuni le 26 novembre. Rencontre très attendue, la dernière remontant à février 1997. A cette occasion, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a présenté les grandes lignes de la convention Etat-Agefiph qui devrait être signée le 9 décembre prochain et à laquelle l'Agefiph devrait consacrer 1,5 milliard de francs sur trois ans. Elle a aussi annoncé une série de mesures en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle des personnes handicapées.
En dix ans, le nombre de personnes handicapées au chômage a littéralement explosé, augmentant de 194 % (contre 23 % tous publics confondus). Ainsi, en 1998 on comptait entre 126 000 et 170 000 chômeurs handicapés, a déploré Martine Aubry. S'appuyant également sur les dernières statistiques de l'application de la loi de 1987 (1), elle a insisté sur la nécessité de replacer l'emploi direct au cœur du dispositif. Outre une possible révision de la loi de 1987, elle a annoncé une modification du code du travail afin de rendre obligatoire dans les accords d'entreprise un plan d'embauche en milieu ordinaire, et proposé que les chiffres concernant l'obligation d'emploi soient intégrés dans les données du bilan social des sociétés.
L'objectif de la ministre est d'améliorer les décisions d'orientation prises par les Cotorep, « qui se font le plus souvent par défaut, sans véritable évaluation du projet professionnel des personnes handicapées ». Sur ce point, la future convention Etat-Agefiph développera des actions de bilan-évaluation-orientation, qui pourront concerner 20 000 personnes chaque année. Pour renforcer le rôle de l'ANPE dans le cadre du dispositif « nouveau départ » institué par la loi contre les exclusions (2), la convention prévoira un appui individualisé au profit de 90 000 demandeurs d'emploi supplémentaires en trois ans. Des actions en direction des jeunes, des handicapés au chômage depuis une période de 6 à 12 mois et des demandeurs d'emploi de très longue durée au-delà des interventions des organismes spécialisés (équipes de préparation et de suite du reclassement et organismes d'insertion et de placement).
En matière de formation professionnelle, un plan concerté de soutien à la mission de préparation à la vie professionnelle en milieu ordinaire et un plan de développement de l'apprentissage et de l'alternance pour les jeunes et les adultes handicapés vont être mis en place. L'objectif est de tripler en trois ans le nombre de contrats d'apprentissage et de conclure 2 400 contrats nouveaux de qualification adultes expérimentaux (3). En outre, Martine Aubry a rappelé que la mission IGAS/IGEN (annoncée lors de la dernière réunion du Conseil national consultatif pour les personnes handicapées), consacrée à l'enseignement des jeunes handicapés, « dressera un diagnostic approfondi de la formation professionnelle initiale des jeunes orientés par la commission départementale d'éducation spéciale ».
Quant aux centres de reclassement professionnel (CRP), la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales réaffirmera leur caractère médico-social, a souligné la ministre. Ceux-ci devront se recentrer sur l'accueil des travailleurs handicapés ne pouvant suivre un cursus ordinaire. Elle a par ailleurs indiqué qu'un conseil de perfectionnement des CRP serait prochainement installé par la DGEFP, la DAS et la DSS avec le concours de l'AFPA, pour élaborer des propositions de simplification des procédures d'agrément, d'adaptation et de durée de formation. Cette nouvelle instance sera chargée de présenter un projet de circulaire destinée à clarifier les missions et les publics des CRP et articuler le dispositif avec le droit commun.
Enfin, regrettant que le secteur protégé « n'exerce pas sa vocation de lieu de transition vers le milieu ordinaire », Martine Aubry a dénoncé le manque de fluidité du dispositif existant. Moins de 1 % des travailleurs de centres d'aide par le travail ou d'ateliers protégés accède chaque année au milieu ordinaire, a-t-elle précisé, affirmant rechercher « un taux de sortie de l'ordre de 4 % ». Elle a aussi insisté sur la nécessité d'accompagner le désenclavement et la modernisation des ateliers protégés, et a présenté les grandes lignes de deux projets de circulaires. L'une relative à la subvention d'accompagnement et de développement et à la construction d'indicateurs, l'autre à la réduction du temps de travail. Elle a également lancé l'idée de substituer à l'appellation d' « atelier protégé » celle d' « entreprise de travail adapté ».
Rappelons que l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil national consultatif pour les personnes handicapées, qui se déroulera finalement le 8 décembre prochain (et non pas le 3 décembre), devrait être consacré à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, en lien avec la scolarisation, l'éducation et la formation des jeunes handicapés.
(1) Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.
(2) Voir ASH n° 2084 du 11-09-98 (3) Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.