Environ 60 000 personnes handicapées mentales ont plus de 40 ans et il n'est plus rare, aujourd'hui, que nombre d'entre elles atteignent l'âge de 70 ans (1). Dans le même temps, les personnes âgées souffrant de troubles mentaux, de type maladie d'Alzheimer, et de démence sénile sont de plus en plus nombreuses du fait, notamment, du vieillissement démographique. L'intérêt de l'avis qui a été adopté le 25 novembre par le Conseil économique et social (CES), est d'envisager les problématiques communes à ces deux types de personnes, au-delà de leurs différences (2). Car, s'il y a « souvent une génération de décalage » entre les deux, les points de convergence existent en matière de prise en charge ainsi qu'en termes de traitement des troubles mentaux, souligne le document en rappelant que « 70 % des personnes âgées entrent en institution précisément pour des troubles démentiels ».
Le CES, en demandant à Jeanine Cayet, au nom de la section des affaires sociales, de se saisir du problème « de la prise en charge des personnes vieillissantes handicapées mentales ou souffrant de troubles mentaux », a souhaité rappeler, en effet, que tous ont besoin d'une aide « multidimensionnelle, physique, psychique et mentale » portée par la qualité des soins, des aides à domicile et par celle de l'hébergement. Il réaffirme la nécessité d'adaptation des établissements aux problèmes des personnes âgées atteintes de troubles mentaux (deux personnes sur cinq accueillies présentant une détérioration intellectuelle), mais souligne également que 85 % d'entre elles vivent à domicile. Il plaide donc, de manière générale, « pour la promotion d'un véritable réseau local de coordination gérontologique, animé par un interlocuteur qualifié susceptible d'informer, d'orienter et d'organiser les modalités de prise en charge et de les réévaluer périodiquement ».
Jeanine Cayet préconise ainsi, dans le sens de ces grandes orientations, une série de mesures précises. Elle suggère d'abord le lancement d'un programme de recherche mené par la MIRE en matière de prise en charge des handicapés vieillissants qui pourrait servir d'appui à la définition d'une véritable politique publique en la matière. La maladie d'Alzheimer et les démences séniles exigent également, selon le CES, l'élaboration d'une politique coordonnée entre l'Etat et les collectivité locales. Une coordination qui devrait faire l'objet « d'un volet spécifique des plans départementaux d'action gérontologique ».
En matière de soutien au maintien à domicile, le CES estime nécessaire de renforcer et de mieux répartir sur le territoire les services de soins à domicile, proposant que l'Etat mette en place, à cet effet, un système d'aides incitatives. Afin de mieux coordonner les actions en leur sein, il suggère que soit reconnu la participation des aides-soignants aux soins non directement médicaux. Et il souhaite, notamment, que se développent les services d'accompagnement aux aidants ainsi que, dans chaque département, des services d'accueil, d'information et d'orientation, sorte de coordinateurs et de régulateurs de l'ensemble des intervenants auprès de la personne. Dans le même sens, le rapport se montre favorable à une meilleure organisation de l'accueil familial, qui passerait notamment par la définition d'un véritable statut des accueillants. Pour les personnes âgées souffrant de la maladie d'Alzheimer, il insiste sur l'importance particulière qu'il y a à développer des hôpitaux ou centres d'accueil de jour, qui pourraient prendre temporairement le relais de la famille, ainsi que sur la présence de psychologues dans les services d'aides et de soins à domicile susceptibles de soutenir les aidants naturels et les personnels.
Le CES, qui préconise la création de maisons de retraites spécialisées dans l'accueil des personnes handicapées, plaide également pour que les établissements ordinaires qui accueillent parallèlement des personnes handicapées, adaptent réellement leur projet de vie et leurs locaux. Et il réclame, pour ces structures d'accueil conjoint, un système obligatoire d'accréditation-certification. Cette nécessité d'adaptation des lieux d'hébergement, notamment de leur architecture, s'avère tout à fait essentielle, précise Jeanine Cayet, dans le cas de l'accueil des personnes atteintes d'Alzheimer qui doivent pouvoir « déambuler sans pour autant pouvoir fuguer ».
Le rapporteur juge enfin nécessaire que le législateur se penche sur la prise en charge financière de ces situations. Il estime ainsi dommageable la rupture de statut qui intervient à 60 ans. Car il est « inacceptable [...]qu'au moment même où sa vulnérabilité augmente et où ses soutiens, en particulier familiaux, s'épuisent [...], le handicapé perde les avantages attachés à son statut initial en devenant personne âgée ». Il demande à cet égard que le statut de la personne prime sur celui de l'établissement et se déclare en faveur d'un accès facilité à l'allocation compensatrice tierce personne (ACTP). Dans le même sens, soulignant le coût financier, très lourd pour les familles, d'une prise en charge « correcte » des démences séniles, il considère que la situation actuelle « ne saurait perdurer ». Parmi les mesures qu'il envisage pour pallier cette difficulté, il insiste sur la reconnaissance des démences séniles majeures, au titre des 30 maladies « comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse », la création d'un congé d'aide à la dépendance, la mise en œuvre d'un avantage fiscal, sous la forme d'un crédit d'impôt, pour les personnes ayant à charge un dément. Il est en outre favorable à une exonération totale des cotisations pour les emplois à domicile au bénéfice des personnes dépendantes physiques ou psychiques. Autant de réformes qui ne peuvent faire l'économie, conclut le CES, d'une réflexion sur une « véritable » prestation de soutien et d'accompagnement à la dépendance ,face au bilan « très décevant » de la prestation spécifique dépendance.
(1) Voir ASH n° 2042 du 24-10-97.
(2) Disponible au CES : 9, place d'Iéna - 75016 Paris - Tél. 01 44 43 60 00.