La grossesse, souvent non menée à terme, concerne environ 10 000 adolescentes chaque année en France, indique le professeur Michèle Uzan, chef de service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Jean-Verdier à Bondy (Seine-Saint-Denis), dans un rapport remis à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry, et à Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (1). Rendu public le 20 novembre, ce document étudie, à partir de l'expérience du centre Jean-Verdier, la population concernée ainsi que les moyens d'améliorer « l a prévention et la prise en charge » des grossesses d'adolescentes.
En majorité non désirées, et de plus en plus la conséquence de violences sexuelles, les grossesses des jeunes filles de moins de 18 ans aboutissent, une fois sur deux, à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Un taux nettement plus élevé que la moyenne, rappelle l'étude. Sur un échantillon de 72 mineures ayant eu recours à une IVG au centre Jean-Verdier, 42 seulement étaient scolarisées et 27 sans occupation. Un isolement social auquel s'ajoutent une absence de contraception pour 71 % d'entre elles et une méconnaissance de la pilule du lendemain, qui reste, en France, « le parent pauvre de la contraception ». En outre, phénomène particulièrement préoccupant, le nombre d'IVG répétées a tendance à augmenter. Autant de raisons, pour la chercheuse, de développer l'information par des campagnes nationales, mais aussi de multiplier « l ocalement les sources et les moyens d'accès à l'information », notamment sur la contraception du lendemain. Michèle Uzan plaide également pour que l'information scolaire sur l'éducation sexuelle soit « organisée, structurée sous forme d'un programme obligatoire national minimal ». A cet égard, elle insiste sur l'importance de « professionnels-relais » qui puissent instaurer des passerelles entre les centres de planning familial, le monde médical et le milieu scolaire. Enfin, se penchant sur la question de l'autorisation parentale nécessaire à toute mineure souhaitant avorter, elle souhaite que soit envisagée l'instauration d'une « majorité sani-taire », qui laisse plus de place au libre choix des jeunes filles de plus de 15 ans.
Quant aux grossesses poursuivies, souvent tardivement annoncées et non accompagnées, elles permettent parfois d'échapper « à une scolarité peu valorisante ou à un milieu familial perturbé ». Pire, juge l'auteur, elles peuvent correspondre à une sorte de « coup de gueule de l'adolescente », réponse, en raccourci, à une problématique psychologique, sociale et sanitaire. Rares sont donc les grossesses qui n'aboutissent pas à une marginalisation sociale (déscolarisation, décalage, conflits avec la famille) et à une « adolescence avortée », conclut Michèle Uzan. Laquelle plaide notamment pour un accès prioritaire des adolescentes aux maisons maternelles, qui sont « en nombre insuffisant ».
A la suite de ce rapport, et lors de l'ouverture de la journée internationale des droits de l'Enfant, le 20 novembre, Bernard Kouchner a indiqué que des mesures seraient prises pour faciliter l'accès aux contraceptions du lendemain, en particulier par la mise sur le marché des contraceptifs d'urgence début 1999. Et il a rappelé, à cette occasion, que l'information des adolescentes serait l'un des axes de la campagne sur la contraception qui sera menée au printemps prochain.
(1) Rapport sur la prévention et la prise en charge des grossesses des adolescentes - Michèle Uzan - Ministère de l'Emploi et de la Solidarité : 8, av. de Ségur - 75350 Paris 07 SP - Tél. 01 40 56 60 00.