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Travail social et sécurité : les inquiétudes de Joël Henry

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Les orientations du plan gouvernemental de lutte contre la délinquance des mineurs (1) « portent atteinte à l'identité et à l'altérité des travailleurs sociaux » , estime Joël Henry, l'un des fondateurs du CNAEMO (2). Il s'insurge, en effet, contre le « mélange des genres » entre travail social et sécurité et dénonce les risques de « substitution » des professionnels par des bénévoles habilités.

« [...] Bien qu'elles comportent des aspects positifs pour les systèmes pénitentiaire, policier, judiciaire et scolaire, les orientations prises par le Conseil de sécurité intérieure du 12 octobre dernier portent en revanche atteinte à l'identité et à l'altérité des travailleurs sociaux, à leurs fonctions ainsi qu'à leur devenir. Dès lors, les finalités des circulaires du 6 novembre 1998 (3) ne peuvent au bilan qu'aboutir à défavoriser les jeunes qu'elles visent.

« Tout d'abord, il n'est pas sain de mélanger les genres et certains, dont nous sommes, ne peuvent que s'insurger de voir les travailleurs sociaux inscrits dans un plan à objectifs sécuritaires. En ce triste automne, la constante progression d'une philosophie d'aide et de conseil, consacrée par le droit positif français depuis 1945 puis généralisée dans les textes internationaux, se trouve singulièrement réorientée voire stoppée. Les parents en difficulté, hier encore à aider, vont-ils redevenir les mauvais sujets à surveiller et punir du début du siècle ? Quant aux jeunes, jusqu'ici protégés - à la française -vont-ils devoir payer et réparer plus que de mesure, tout ceci en vertu d'une crispation idéologique de la responsabilité et de la sécurité ?

« En ces temps de construction de l'Europe sociale, dans laquelle, au demeurant, les travailleurs sociaux pourraient apporter davantage de pierres, il semble bien que, parmi les modèles étrangers, notre pays ne choisisse pas le meilleur. Sous prétexte de partenariat, comment ne pas craindre les effets pervers d'une formation conjointe et pluridisciplinaire (sic) destinée aux policiers ainsi qu'aux travailleurs sociaux, lesquels s'ils ont en commun, en l'espèce, de devoir réduire la délinquance juvénile ne peuvent y parvenir que par des modalités différentes ? Alors que pour le bien public et le respect mutuel, chacun gagnerait à accentuer sa différence, cette formation conjointe va, selon nous, à bas bruit, entraîner une substitution des uns par les autres et, ainsi, majorer la confusion des fonctions, comme c'est déjà le cas au Royaume-Uni, depuis le Children Act de 1989.

« Quant au développement du bénévolat prévu par les circulaires du 6 novembre 1998, s'il gagne, en effet, à être encouragé aux fins de mobiliser davantage la société civile et développer la citoyenneté, il est inadmissible qu'il serve à remplacer les professionnels dans leurs actions spécifiques par des “personnes habilitées”. C'est pourtant ainsi que, depuis 1991, les choses se passent en Italie, en application de différentes lois nationales et régionales sur le  volontariato et ce, malgré les protestations de certains Transalpins conscients de la déqualification des services rendus à la population.

« Aussi, pour, au moins, toutes ces raisons, il est grand temps que les travailleurs sociaux français, sur le terrain, dans leurs groupements professionnels et leurs syndicats, réagissent, luttent et fassent des propositions pertinentes et décidées afin de conjurer les sombres augures sur la fin du travail social.

« En ce sens, pourquoi ne pas utiliser le discours actuel sur la qualité pour soutenir et prouver que, dans l'action sociale et l'éducation spécialisée, les spécificités professionnelles sont, certes, une charge publique, mais, surtout, une chance et un gain encore à développer pour l'ensemble de la société, les mineurs délinquants y compris ? »

Notes

(1)  Voir ASH n° 2089 du 16-10-98.

(2)  Joël Henry : Hameau de Valmeray - 14370 Airan - Tél. 02 31 23 91 25.

(3)  Voir ASH n° 2093 du 13-11-98.

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