C'est aux usagers et à ce qu'ils pensent du dispositif d'urgence que s'est intéressée l'association régionale Provence-Alpes-Côte-d'Azur de la FNARS. Deux chercheuses, Catherine Flament et Cécile Clozel, ont enquêté directement sur le terrain, au cours du premier semestre 1998 (1). Une recherche qui montre que, pour les personnes en difficulté, en dépit de son utilité incontestable, le système est encore « tout à fait insuffisant » . En clair, on ne meurt ni de froid ni de faim, mais il existe des manques « générateurs de souffrances ». Parmi les critiques qui reviennent le plus : le nombre insuffisant de lieux d'urgence de moyen séjour, la dispersion des structures sur le territoire, la pénurie de douches et de lavabos avec miroirs dans les lieux d'accueil de jour, l'alimentation parfois peu abondante en été, la difficulté de trouver un interlocuteur disponible... Au-delà de ces reproches assez classiques, les auteurs de l'étude en sont également venus à se demander « si tout le monde, accueillants et accueillis, ne faisait pas semblant de croire à sa mission [du dispositif] , alors qu'elle est impossible ». D'ailleurs, pour elles, le système d'accueil d'urgence repose sur une série de « représentations biaisées » qui « faussent les relations » entre les intervenants et les usagers. Ainsi, « la règle de l'accueil limité dans le temps », justifiée par la nécessité de garder des lits libres pour les nouveaux arrivants, « sert à masquer la pénurie de secours ». De même, l'urgence est dite « imprévisible » alors qu '« il n'existe pas assez de démarches actives de prévention et d'intervention avant la misère ». Quant à la nécessité d'une « approche globale » de la personne, elle « essaie de compenser le saucissonnage administratif mais risque de déboucher sur une accumulation de préalables pour obtenir le moindre secours », constatent les chercheuses. Enfin, évoquant la démarche de contractualisation entre accueilli et accueillant, qui « paraît parfois un but en soi », elles rappellent que « l'assistance à personne en danger ne se contractualise pas » et qu'il ne peut y avoir contrat « que si chacune des deux parties est libre de le refuser ».
(1) Disponible à la FNARS.