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...Maria Maïlat, sur les rites en institutions éducatives

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Les rites de la vie quotidienne dans les établissements de l'ASE sont, parfois, révélateurs d'un fonctionnement normatif, ignorant l'altérité de l'enfant. C'est le constat que dresse Maria Maïlat, anthropologue et sociologue (1), à partir de son expérience d'analyse des pratiques en institutions éducatives. Une thèse qu'elle développe dans la revue Informations sociales   (2).

ASH  : Comment votre travail d'analyse des pratiques vous a-t-il amenée à vous intéresser aux rites qui structurent le fonctionnement de certains établissements de l'ASE ? M.M. : En fait, mon approche intègre la formation suivie de l'analyse des pratiques centrées sur la question de l'altérité. En clair, j'interroge la place de l'usager dans les institutions de l'ASE comme des anthropologues peuvent traiter du problème de l'étranger dans une culture donnée. Ainsi, je cherche à analyser les aspects symboliques de l'accueil de cet usager/étranger, notamment au travers des rites développés dans les institutions. ASH  : Justement, il semble que persistent certaines pratiques que l'on croyait révolues. M.M. : Il faut préciser que j'interviens dans des structures qui rencontrent des problèmes et où les professionnels ressentent un besoin de changement. Je ne généralise donc absolument pas. Mais, par exemple, dans beaucoup d'établissements, le problème de la nutrition est abordé d'un strict point de vue scientifique et rationnel, pour le bien-être de l'enfant. Tout le monde doit manger la même chose, au même moment et en même temps. Et le refus de manger peut entraîner des réactions négatives de la part des éducateurs. C'est oublier que chaque enfant est né dans une culture alimentaire particulière, très liée à l'affectif. On peut donc faire tout un travail avec l'enfant au travers de la nourriture, même si ça n'est pas toujours dans les règles du nutritionnisme moderne. Je constate aussi que beaucoup d'enfants arrivent dans les foyers avec des vêtements ou des objets personnels sales ou en mauvais état. Or, on voit des établissements où les peluches et les doudous sont retirés à l'enfant, sous la pression des impératifs d'hygiène et de sécurité. Là aussi, c'est révélateur de cette tendance qu'ont les institutions à se rigidifier. ASH  : Selon vous, ces rites peuvent déboucher sur une réelle violence institutionnelle. M.M. : En effet, l'existence de ces règles ou de ces rites très rigides, que les professionnels ne parviennent plus à interroger, m'apparaît aussi comme une façon de couper l'enfant de son milieu d'origine jugé, a priori, « mauvais ». En quelque sorte, on cherche à le laver, symboliquement, de cette souillure originelle. Or, face à ces rites de purification très normatifs, l'enfant - qui a souvent été victime de sa famille - tente de survivre en assumant, inconsciemment, cette marginalité et en développant ses propres rituels qui s'opposent à ceux de l'institution. On a alors vite fait de le considérer comme « caractériel ». ASH  : En quoi ce questionnement peut-il aider les équipes éducatives ? M.M. : Une grille d'analyse construite autour de l'idée du rite et du symbolique permet justement d'assouplir les relations de pouvoir entre les professionnels et l'enfant. On se rend compte que c'est son passé que ritualise ce dernier, en lien avec son attachement pour ses parents. Néanmoins, pour que ce travail porte ses fruits, il faut impérativement obtenir l'adhésion de l'encadrement et, aussi, poser la question des moyens. Une fois cela acquis, on peut faire beaucoup de choses à condition que l'équipe en ait le désir. J'ai vu des structures qui ont profondément évolué en laissant beaucoup plus de place à l'usager, en valorisant sa différence et sa créativité. D'une façon générale, je crois essentiel, dans le social, de réaffirmer la primauté de la dimension humaine et culturelle, au-delà des seuls impératifs organisationnels. Propos recueillis par J.V.

Notes

(1)  Maria Maïlat : 23, rue Philippe-de-Girard - 75010 Paris.

(2)   « Rites et mises en scène de la vie sociale » - Informations sociales n° 70 - Service des abonnements de la CNAF : 23, rue Daviel - 75634 Paris cedex 13 - 30 F.

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