Dans le cadre de la politique d'aide au retour qu'il entend promouvoir, le gouvernement vient d'instituer, par circulaire interministérielle en date du 4 novembre 1998, le contrat de réinsertion dans le pays d'origine (CRPO). Il complète le dispositif amorcé par une précédente circulaire interministérielle du 19 janvier 1998 (1) relative à l'aide au retour et à la réinsertion, en ajoutant aux aides matérielles existantes une série de mesures concrètes en matière de formation professionnelle. L'objectif affiché par les pouvoirs publics est de permettre « un retour volontaire des personnes non régularisées et invitées à quitter la France dans le respect de leur dignité ».
S'appliquant aux étrangers non régularisables, après réexamen de leur situation en application de la circulaire du ministre de l'Intérieur du 24 juin 1997 (2), le mécanisme mis en place a donc pour objet de faciliter leur réinsertion dans leur pays d'origine. Rappelons qu'à ce jour, 83 000 régularisations ont été prononcées, sur les 140 000 demandes déposées.
Les gouvernements successifs ont tenté, depuis de nombreuses années, de mettre en place des politiques incitatives au retour des étrangers, grâce à une série d'aides diverses. Consciente des difficultés rencontrées par les étrangers en situation irrégulière, et sous la pression des revendications, l'administration a pris une série de mesures applicables en France et à l'étranger, et dont peuvent bénéficier les étrangers non régularisables.
Sont concernés par ces mesures les étrangers invités à quitter le territoire français après examen de leur situation dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997.
Rappelons que cette circulaire permettait de réexaminer, « à titre exceptionnel », la situation de certains étrangers en situation irrégulière. Il s'agit notamment des catégories de personnes suivantes : conjoints de Français, conjoints d'étrangers en situation régulière, conjoints de réfugiés statutaires, familles étrangères constituées de longue date en France, parents d'enfants de moins de 16 ans nés en France, jeunes étrangers de plus de 16 ans ou majeurs entrés en France hors regroupement familial, enfants mineurs de moins de 16 ans entrés en France hors regroupement familial, enfants nés d'une précédente union, étrangers sans charge de famille régularisables, étrangers souffrant d'une pathologie grave, étudiants en cours d'études supérieures ou à qui un titre de séjour a été préalablement refusé, personnes n'ayant pas le statut de réfugié politique qui pourraient courir des risques vitaux en cas de retour dans leur pays d'origine.
Innovation importante, peuvent désormais en bénéficier les étrangers à l'égard desquels un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) a été pris. Cette disposition résulte de la circulaire du 4 novembre 1998 qui, sur ce point précis, annule celle du 19 janvier.
Sont, en revanche, exclus du dispositif les étrangers qui ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement (arrêté ministériel d'expulsion) ou d'interdiction judiciaire du territoire, ainsi que les étrangers ayant déjà bénéficié d'une aide à la réinsertion.
L'accès aux aides à la réinsertion doit résulter d'une démarche personnelle volontaire de la part de l'intéressé auprès de l'Office des migrations internationales (OMI) (3).
Elle suppose également le départ simultané du conjoint et des enfants mineurs, lorsque ces personnes séjournent irrégulièrement sur le territoire français. Dans ce cas, le consentement exprès du conjoint est requis.
S'inscrivant dans une politique générale de codéveloppement avec les pays à flux migratoires importants, les aides sont accordées en France et poursuivies dans le pays de retour, en liaison avec les autorités locales concernées. Alternative à une mesure de reconduite à la frontière, l'aide au retour comprend deux volets :
• un premier, qui se déroule en France, ayant notamment pour but d'aider la personne à préparer son départ et à établir son diagnostic personnel, familial et professionnel
• un second, dans le pays d'origine, devant permettre l'élaboration d'un projet cohérent de réinsertion.
En France, le dispositif d'aide au retour se décompose en plusieurs volets.
Il ne s'agit pas, selon les termes de la circulaire du 19 janvier précitée, de réexaminer les décisions de refus de séjour, mais « d'établir avec les bénéficiaires [au moyen d'entretiens personnalisés] un diagnostic personnel, familial et professionnel et de les informer sur la situation dans le pays d'origine ».
A l'occasion de ces entretiens organisés soit directement par l'OMI, soit par des organismes qu'il conventionne, l'intéressé doit également être informé sur les droits sociaux qu'il a pu acquérir en France au regard des accords bilatéraux internationaux.
L'Office des migrations internationales assure :
• la prise en charge des frais de transport du bénéficiaire et le cas échéant de son conjoint et de leurs enfants, de la ville de départ en France à l'aéroport d'arrivée du pays d'origine. S'y ajoute la prise en charge d'un excédent de bagages dans la limite de 40 kg par adulte et 10 kg par enfant
• le versement d'une allocation de 4 500 F par adulte repartant, majorée d'un montant de 900 F par enfant mineur. La moitié de l'allocation est versée au moment du départ, l'autre moitié étant disponible sur place, en monnaie locale, auprès du service de l'ambassade ou du consulat choisi par le bénéficiaire. La somme devra être retirée dans les 2 mois qui suivent l'arrivée dans le pays.
Afin d'aider la personne à organiser son départ, l'OMI accomplit pour elle les démarches d'obtention des documents nécessaires au retour au pays, de clôture des comptes bancaires, de vente de mobilier...
L'office est chargé également de l'organisation matérielle du départ dans les aéroports. Au moment du départ, il communique à l'intéressé les noms et adresses des organismes et personnes à contacter à son arrivée pour faciliter sa réinsertion.
Dans les pays où l'OMI dispose d'antennes locales, les aides octroyées en France peuvent être poursuivies par un dispositif complémentaire accordé sur place. C'est actuellement le cas dans les Etats suivants : Mali, Maroc, Roumanie, Sénégal, Tunisie et Turquie.
Un mécanisme d'aides à la réinstallation et aux projets économiques de réinsertion est proposé. C'est ainsi que, dès leur retour, l'OMI assure un suivi social des personnes et de leur famille, pendant une durée de 6 mois à compter de leur arrivée dans le pays d'origine. Ce suivi social consiste, pour l'essentiel, à faciliter les recherches de logement, de scolarisation des enfants, mais aussi, à établir un bilan professionnel et aider à la recherche d'emploi.
L'OMI peut également dispenser une aide, dite de première urgence, aux personnes ne résidant pas dans la ville d'arrivée, destinée à prendre en charge leurs dépenses de nourriture, de logement, jusqu'au lieu effectif de leur domicile.
Par ailleurs, dans les pays où un programme de développement local (PDL) existe, l'OMI peut financer des microprojets économiques de réinsertion portés par les intéressés, indique la circulaire. Ces projets sont sélectionnés sur place par des comités de pilotage et suivis pendant un an par des organismes conventionnés par l'OMI et les ambassades.
Une notice d'information sur les aides à la réinsertion, fournie par l'OMI et traduite dans les langues des principales nationalités concernées, est délivrée en même temps que l'invitation à quitter le territoire (IQF) par la préfecture. Par ailleurs, l'OMI doit être prévenu sans délai, par la préfecture, des mesures d'IQF qu'elle prononce.
Une fois l'IQF reçue, l'intéressé dispose d'un délai de un mois pour déposer une demande d'aide à la réinsertion. Une fois ce délai passé, la demande est déclarée irrecevable.
L'OMI doit procéder aux vérifications nécessaires concernant les conditions d'octroi des aides et recueillir l'accord du demandeur par sa signature apposée sur la demande. Il informe alors les services de la préfecture de la recevabilité de la demande d'insertion.
La recevabilité de la demande suspend les effets de l'IQF pendant une durée maximale de 2 mois(nécessaire à l'instruction du dossier et à la préparation du retour au pays). Une attestation de dépôt de demande d'aide à la réinsertion doit être délivrée à l'intéressé, ce qui lui permet de justifier sa présence sur le territoire français.
Les services de l'OMI doivent aider le demandeur à compléter son dossier, s'assurer qu'il possède les documents de voyage nécessaires (passeport...), et recueillir le maximum d'informations permettant de préciser le projet de réinsertion. Parallèlement, ils doivent prendre des contacts avec les organismes susceptibles d'assister le demandeur dans son projet sur le plan matériel et humain, précise la circulaire du 19 janvier dernier.
Une fois le dossier complété, il est transmis au délégué régional de l'OMI, qui prend la décision et la notifie au demandeur. La préfecture doit être informée du rejet de la demande.
Selon les situations, les préfectures sont amenées à prendre différentes mesures :
• si un mois après la notification d'IQF, la préfecture n'est pas avertie par l'OMI du dépôt d'une demande d'aide à la réinsertion, les procédures administratives habituelles sont applicables (à savoir une mesure de reconduite à la frontière)
• si au contraire, dans le délai de un mois, la préfecture a été informée d'une demande d'aide à la réinsertion, elle sursoit à la procédure de reconduite, dans l'attente de la procédure d'instruction de la demande. Dans le cas d'une décision de rejet ou d'abandon du projet par l'intéressé, la mesure de reconduite à la frontière est prononcée. Il en va de même si l'étranger ne s'est pas présenté à l'aéroport à la date prévue
• dans le cas où l'OMI informe la préfecture que l'étranger a effectivement quitté la France, son dossier est classé, et radié du fichier des personnes recherchées, indique la circulaire du 19 janvier.
Créé par la circulaire interministérielle du 4 novembre 1998, le contrat de réinsertion dans le pays d'origine (CRPO) complète le dispositif général d'aide au retour, et s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique de codéveloppement, que le gouvernement souhaite promouvoir avec certains pays partenaires, en permettant « un retour volontaire des personnes non régularisées et invitées à quitter la France dans le respect de leur dignité ». Ce dispositif est applicable depuis le 5 novembre dernier, date de la publication de la circulaire au Journal officiel.
A cette date, le CRPO concerne les ressortissants maliens et sénégalais. Des négociations sont actuellement en cours avec le Maroc (Martine Aubry devant se rendre prochainement dans ce pays pour sélectionner les filières d'emploi), ainsi qu'avec d'autres Etats, afin d'étendre ce dispositif à d'autres nationalités, indique-t-on au ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Environ 30 000 personnes sont potentiellement concernées par les nouvelles mesures mises en place, selon le ministère.
Le contrat est conclu entre le bénéficiaire et l'OMI. L'intéressé s'engage à retourner volontairement dans son pays d'origine, à une date déterminée, au terme d'une période de préparation à la réinsertion. De son côté, l'OMI prend en charge l'accompagnement, le suivi et la formation de la personne, en France, durant la préparation à la réinsertion et, éventuellement, pendant une période déterminée dans son pays d'origine.
« Durant la période de préparation à la réinsertion, les bénéficiaires du CRPO doivent pouvoir effectuer leur formation dans un cadre propice à l'élaboration d'un projet de retour, assurant une rémunération et une couverture sociale, sans être pour autant installés dans une situation pérenne », prévoit la circulaire.
Au vu du contrat, la préfecture délivre une autorisation provisoire de séjour (APS) de3 mois, assortie d'une autorisation provisoire de travail portant la mention « stagiaire professionnel ». L'autorisation pourra être renouvelée, si nécessaire, afin de couvrir le temps de la préparation à la réinsertion.
La personne à qui un arrêté de reconduite à la frontière a été notifié pourra demander le bénéfice d'un CRPO (voir ci-dessus). Dans ce cas, il fera l'objet de la part de la préfecture d'une assignation à résidence avec autorisation provisoire de travail portant la mention « stagiaire professionnel ». Dans l'hypothèse où la préparation à la réinsertion se situerait dans un département limitrophe de celui où il est assigné, un sauf-conduit lui sera délivré, pour la durée prévue de cette préparation.
A l'issue de cette période, l'étranger doit retourner dans son pays d'origine. En cas de non-exécution de son engagement, il perd tous les droits afférents au CRPO, et fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, indique la circulaire.
Le signataire d'un CRPO est pris en charge au titre de stagiaire de la formation professionnelle. En tant que tel, il bénéficie d'une rémunération de 2 002 F/mois (somme qui correspond au niveau minimal accordé à toute personne entrant dans un dispositif de formation professionnelle) et d'une couverture sociale.
Innovation majeure du dispositif de l'aide au retour, la circulaire du 4 novembre prévoit, dès lors que la réinsertion est effectivement constatée par l'OMI, la délivrance d'un visa de circulation temporairepermettant une libre circulation entre la France et le pays d'origine pour le bénéficiaire du CRPO.
L'accès au CRPO débute par une phase d'accueil de 15 jours maximum (ne donnant pas droit à l'APS).
A l'issue de cette phase, l'OMI statue sur la candidature en concertation avec l'association chargée de l'accompagnement et du suivi du candidat. En cas de refus de la part de l'OMI, le candidat a droit aux dispositions de l'aide au retour prévues par la circulaire du 19 janvier 1998 et décrites ci-dessus.
La durée du CRPO n'excède pas 12 semaines. Le stage se décompose en deux parties distinctes :
• une première phase de formation générale de 2 à 4 semaines(information sur la situation socio-économique et institutionnelle du pays d'origine, module d'évaluation et bilan professionnel...)
• une seconde phase de 6 à 8 semaines de formation personnalisante avec des périodes d'immersion en milieu de travail adaptées au bénéficiaire et au secteur d'activité choisi (stages en entreprises dans les secteurs du bâtiment, du commerce, de la restauration, du transport...).
Dans quelques cas, lorsque le signataire possède une compétence particulière et un projet immédiatement réalisable, des formations courtes (de 3 à 6 mois) et plus spécialisées peuvent être envisagées dans le cadre de l'offre de formation professionnelle régionale.
Au terme de cette période, et à la date prévue au CRPO, la personne retourne dans son pays d'origine, selon les modalités décrites dans la circulaire du 19 janvier 1998 . Elle est ensuite accueillie par la représentation de l'OMI dans le pays d'origine, qui peut éventuellement prendre en charge une formation complémentaire.
En France, pendant la durée du CRPO, un accompagnement et un suivi de la personne sont assurés par une association relais. Elles sont choisies pour leur « bonne connaissance des populations concernées, leur capacité à accompagner une démarche d'élaboration de projet, leurs liens avec le pays d'origine et la volonté d'inscrire leur action dans la perspective plus large du codéveloppement ».
L'administration a placé l'OMI au cœur de ce nouveau dispositif. A ce titre, le texte prévoit que l'office :
• signe le CRPO avec le bénéficiaire
• finance le dispositif d'accueil et d'accompagnement et signe les conventions avec les associations relais
• finance les formations et signe les conventions de formation avec les organismes habilités. Il peut, éventuellement, financer une formation complémentaire dans le pays d'origine en collaboration avec les services compétents du pays concerné ;
• organise matériellement le retour dans le pays d'origine, à l'issue de la période de préparation à la réinsertion, selon les modalités prévues par la circulaire du 19 janvier.
La circulaire insiste sur le rôle que doivent jouer les associations relais. A ce titre, elles :
• assurent l'accompagnement du bénéficiaire tout au long de la période de préparation à la réinsertion
• jouent un rôle de sensibilisation et d'information auprès des personnes qui, en France, seraient susceptibles de bénéficier de ce contrat
• organisent des rencontres destinées à permettre aux bénéficiaires du CRPO de préparer un projet professionnel adapté à leurs compétences et à la situation du pays, et les orientent, avec l'OMI, vers la formation professionnalisante adaptée
• assurent le suivi des formations, et peuvent effectuer elles-mêmes certaines formations, à la condition qu'elles soient agréées comme organismes de formation.
Les préfectures sont chargées de veiller au bon fonctionnement du dispositif en animant des comités de suivi départementaux regroupant des représentants des différents services de l'Etat, de l'OMI du Fonds d'action sociale et des associations relais.
Un bilan national de la mise en œuvre du CRPO sera régulièrement assuré, précise le texte.
Par ailleurs, dans le cadre du suivi du dispositif d'aide à la réinsertion, l'OMI adresse tous les mois un bilan de sa mise en œuvre aux ministères de l'Emploi et de la Solidarité, de l'Intérieur et des Affaires étrangères.
Sophie Courault
1re étape : l'association relais sensibilise, accueille et présente le CRPO au bénéficiaire potentiel.
2e étape : l'OMI reçoit le candidat, instruit son dossier et saisit parallèlement la préfecture pour avis sur une délivrance d'APS ou d'une assignation à résidence. L'avis de la préfecture doit intervenir dans les 10 jours.
3e étape : le CRPO est signé par le représentant de l'OMI et l'intéressé celui-ci a le statut de stagiaire professionnel à compter de son premier stage. Dès son inscription dans un organisme de formation, le stagiaire adresse une demande de rémunération au CNASEA.
4e étape : la préfecture délivre l'APS ou édicte l'assignation à résidence sur présentation du CRPO signé.
5e étape : lors de la phase de préparation générale, le stagiaire participe à un module d'évaluation et bénéficie d'un bilan professionnel.
6e étape : un mois avant la date du départ, un bilan final de la phase préparatoire est effectué, afin d'organiser la formation complémentaire dans le pays d'origine.
7e étape : les personnes faisant l'objet d'une APS doivent se rendre à la préfecture avant leur départ, pour en obtenir l'abrogation. Dans ce cas, la direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins (Diccilec) devra constater le départ effectif de l'intéressé.
8e étape : la délégation de l'OMI dans le pays d'origine assure, sur place, l'accueil du bénéficiaire du CRPO. A l'issue d'une période de 6 mois, l'OMI effectue un bilan sur la réinsertion et émet une recommandation pour l'obtention d'un visa de circulation entre son pays d'origine et la France.
(1) Voir ASH n° 2055 du 23-01-98.
(2) Voir ASH n° 2029 du 27-06-97.