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Loi contre les exclusions

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Le chapitre V du titre II de la loi du 29 juillet 1998 contre les exclusions a pour objet de garantir le droit à l'égalité des chances par l'éducation et la culture.

La loi du 29 juillet dernier comporte un volet sur l'accès à l'éducation et à la culture. « Une dimension importante trop négligée par le passé », souligne l'exposé des motifs, et qui était absente du projet de loi de cohésion sociale déposé par le précédent gouvernement. Pour autant, ce volet est essentiellement déclaratif.

Ainsi, s'agissant de l'éducation, le droit à l'éducation pour tous est réaffirmé et la lutte contre l'illettrisme est désormais une priorité nationale. Au titre des mesures plus techniques, rappelons cependant que les articles 145 et 146, déjà présentés dans notre numéro 2083 du 4 septembre 1998, page 11 , mettent fin au dispositif d'aide à la scolarité, pour lui substituer un système de bourses de collège versées directement aux gestionnaires des établissements.

Le droit pour chacun d'accéder, tout au long de la vie, à la culture, aux sports, aux vacances et aux loisirs est, quant à lui, proclamé « objectif national », tandis que la modulation des tarifs de certains services publics, déjà permise par la jurisprudence, est simplement inscrite dans la loi.

Les mesures relatives à l'éducation

La loi contre les exclusions complète et renforce certaines dispositions de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 afin d'affirmer ledroit à l'éducation pour tous. Et lescomités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, institués auprès des établissements d'enseignement, voient leurs missions étendues à la lutte contre les exclusions. Par ailleurs, la loi comporte deux dispositions relatives à lalutte contre l'illettrisme, l'une affirmant qu'elle fait partie de l'éducation permanente, l'autre l'érigeant plus généralement en priorité nationale. Parallèlement au vote de la loi du 29 juillet, rappelons que Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, ont confié à Marie-Thérèse Geffroy une mission sur l'illettrisme (1). Ses conclusions devraient être rendues dans la seconde quinzaine de ce mois de novembre, indique-t-on au secrétariat d'Etat.

Rapport sur la fréquentation des cantines scolaires (art. 146)

Le gouvernement devra présenter au Parlement, avant le1er septembre 1999, un rapport sur la fréquentation des cantines scolaires depuis 1993 et son évolution ainsi que sur le fonctionnement des fonds sociaux (pour les collèges, les lycées et les cantines). L'objectif poursuivi étant de « quantifier précisément la baisse de la fréquentation des cantines constatée de manière générale depuis 1994 - notamment dans les ZEP et les établissements sensibles - et [de] mesurer l'impact des différentes politiques sur ce phénomène » (Rap. A. N. n° 1002, Le Garrec).

Le droit à l'éducation pour tous (art. 142)

Le principe de discrimination positive en matière d'éducation en faveur des élèves défavorisés devient le fondement de la répartition des moyens du service public de l'éducation.

En effet, selon l'article 1eralinéa 2 de la loi du 10 juillet 1989, « le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté ». Or, la loi contre les exclusions vient compléter cet article d'un troisième alinéa selon lequel « pour garantir ce droit, la répartition des moyens du service public tient compte des différences de situations objectives, notamment en matièreéconomique et sociale ». Un quatrième alinéa, résultant d'un amendement, précise que cette répartition « a pour objet de renforcer l'encadrement des élèves dans les écoles et établissements d'enseignement situés dans deszones d'environnement social défavorisé et deszones d'habitat dispersé et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté de bénéficier d'actions desoutien individualisé ».

Ces nouvelles dispositions confèrent une base légale à la politique menée en faveur deszones d'éducation prioritaires  (ZEP) qui, depuis leur création en 1981, ne sont régies que par voie de circulaires. Celles-ci font actuellement l'objet d'unplan de relance (2).

Toujours au chapitre des discriminations positives, l'article 142 dispose que les activités périscolaires doivent viser « notamment à favoriser, pendant le temps libre des élèves, leur égal accès aux pratiques culturelles et sportives et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ». Les établissements scolaires devant veiller, dans l'organisation des activités périscolaires à caractère facultatif, à ce que « les ressources des familles ne constituent pas un facteur discriminant entre les élèves » (art. 1eravant dernier alinéa modifié de la loi du 10 juillet 1989). Quant au projet d'établissement des écoles, collèges et lycées, qui précise en particulier les activités scolaires et périscolaires, il doit désormais indiquer « les moyens particuliers mis en œuvre pour prendre en charge les élèves issus des familles les plus défavorisées » (art. 18 alinéa 1 modifié de la loi du 10 juillet 1989).

A noter  : l'article 142 affirme en outre que les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur doivent assurer « une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu'à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte ».

Le rôle du comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté  (art. 143)

L'article 143 résulte d'un amendement parlementaire. A l'origine, des députés avaient proposé la création, dans chaque académie, d'un comité d'appui aux actions de la lutte contre les exclusions qui aurait eu pour mission de renforcer les liens entre les établissements d'enseignement, les parents les plus en difficulté et les acteurs de la lutte contre l'exclusion et, notamment, de favoriser la diffusion d'expériences innovantes. Le gouvernement a cependant suggéré de substituer à la création d'une nouvelle structure académique, une action au niveau des établissements, au sein des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, présidés par les chefs d'établissement. Comités mis en place dans les établissements en application du plan de santé scolaire annoncé en conseil des ministres le 11 mars 1998 (3) et qui acquièrent ainsi une existence législative.

Rassemblant le monde éducatif (chefs d'établissement, personnels d'encadrement et de santé, enseignants, élèves...) en instituant un lien avec le monde extérieur (services sociaux, police, magistrats, associations...), ils jouent actuellement un rôle de prévention contre les fléaux sociaux, la toxicomanie notamment. L'article 143 élargit les missions de ce comité en inscrivant dans la loi qu'il apporte « un appui aux acteurs de la lutte contre les exclusions ». Les contours de cette mission sont détaillés. Il s'agit :

• du renforcement sur le terrain des liens entre l'établissement, les parents les plus en difficulté et les autres acteurs de la lutte contre l'exclusion 

• de la promotion, en liaison avec les axes du projet d'établissement approuvés par le conseil d'administration, « des initiatives en matière de lutte contre l'échec scolaire, d'amélioration des relations avec les familles, en particulier les plus démunies, de médiation sociale et culturelle et de prévention des conduites à risque et de la violence ».

La lutte contre l'illettrisme (art. 24 et 149)

LA LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME DEVIENT UNE PRIORITÉ NATIONALE...

L'article 149 étend la lutte contre l'illettrisme à l'ensemble de la vie sociale, en insistant notamment sur le rôle préventif de l'éducation nationale. La lutte contre l'illettrisme est ainsi érigée en priorité nationale.

La loi charge le service public de l'éducation et les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d'action sociale de prendre en charge cette priorité.

L'article 149 pose également le principe d'uneintervention coordonnée de l'ensemble des services publics pour lutter contre l'illettrisme.

... ET FAIT PARTIE DE L'ÉDUCATION PERMANENTE

Si dans le cadre de son programme d'action, le gouvernement entend tripler les moyens qu'il engage dans la lutte contre l'illettrisme (4), il veut également développer les partenariats. C'est ainsi que l'article 24 de la loi inscrit la lutte contre l'illettrisme au rang des actions de formation relevant de la formation professionnelle continue et des procédures de financement mises en place dans le cadre de celle-ci. Un décret en Conseil d'Etat viendra fixer les modalités d'application de ces dispositions.

L'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans le code du travail

La loi insère dans le code du travail un nouvel article L. 900-6 aux termes duquel la lutte contre l'illettrisme fait donc « partie de l'éducation permanente ».

A ce titre, l'ensemble des acteurs économiques et sociaux publics et privés, exerçant une activité à but lucratif ou non, sont appelés à s'y associer et à y contribuer « chacun pour leur part ». Sont ainsi concernés : l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, les établissements d'enseignement publics et privés, les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales, ainsi que les entreprises.

Il est précisé que les actions de lutte contre l'illettrisme sont des actions de formation au sens de l'article L. 900-2 du code du travail, c'est-à-dire desactions de formation continue : actions de préformation, d'adaptation, de promotion, de prévention, de conversion, de perfectionnement ou de bilan de compétences. L'ensemble de la réglementation relative à la formation professionnelle continue sera donc applicable aux actions de lutte contre l'illettrisme.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sollicitera les branches professionnelles en vue de conclure des accords dont l'objectif central sera d'impulser des actions de lutte contre l'illettrisme au sein des entreprises. Ces accords présenteront les modalités de mise en œuvre des contributions financières des parties prenantes. Les correspondants des services déconcentrés ou du groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI) apporteront leur appui. Il s'agit « avant tout de responsabiliser les entreprises et les partenaires sociaux, en les incitant à développer des actions de formation ciblées sur les personnes souffrant d'illettrisme, dans une logique de prévention de l'exclusion », expliquait pour sa part le programme d'action gouvernemental.

Le financement des actions

L'article 24 de la loi du 28 juillet prévoit que les entreprises, y compris celles de moins de 10 salariés, peuvent imputer le coût des actions de lutte contre l'illettrisme sur leurs contributions obligatoires au financement de la formation professionnelle.

Rappelons que le code du travail fait obligation aux entreprises de consacrer une somme calculée sur le montant des salaires payés pendant l'année en cours, au financement de formations en alternance, de congés individuels de formation ou de toute action de formation en effectuant notamment des versements à un organisme paritaire collecteur agréé  (OPCA). Pour les entreprises de 10 salariés et plus, le montant de la participation est égal au moins à 1, 5 % du montant de la masse salariale. Le taux est de 0, 15 % pour les entreprises de moins de 10 salariés.

L'accueil des jeunes enfants (art. 141)

Les parlementaires ont profité du vote de la loi pour préciser le rôle des schémas locaux de développement de l'accueil des jeunes enfants dans la lutte contre les exclusions. Mis en place dans le cadre de la loi famille du 25 juillet 1994, ces schémas communaux font l'inventaire des équipements, services et modes d'accueil de toute nature existant pour l'accueil des enfants de moins de 6 ans et recensent l'état et la nature des besoins en ce domaine.
L'article 123-12 du code de la famille et de l'aide sociale est modifié. Il est ajouté que « les modalités de fonctionnement des équipements et services d'accueil des enfants de moins de 6 ans doivent faciliter l'accès aux enfants de familles rencontrant desdifficultés du fait de leurs conditions de vie ou de travail ou en raison de la faiblesse de leurs ressources ». Il s'agit « de développer plus spécifiquement dans ce cadre l'accueil des jeunes enfants issus des familles les plus défavorisées, afin de lutter dès le plus jeune âge contre les inégalités sociales et de favoriser l'intégration future de ces enfants à l'école » (Rap. A. N. n° 1002, Le Garrec).

Les mesures relatives à la culture, aux sports et aux loisirs

La loi comporte deux dispositions relatives à l'accès à la culture. L'une fait de l`accès de tous à la culture, à la pratique sportive et aux loisirs un « objectif national ». L'autre permet de moduler les tarifs des services publics administratifs que les collectivités prennent librement l'initiative de créer, en fonction des revenus et du quotient familial de leurs usagers.

L'accès de tous à la culture, aux sports et aux loisirs (art. 140)

UN OBJECTIF NATIONAL

L'article 140 de la loi contre les exclusions, à caractère déclaratif, réaffirme, en tant qu' « objectif national », le droit pour chacun d'accéder, tout au long de la vie, à la culture, aux sports, aux vacances et aux loisirs, principe déjà garanti par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Cet égal accès permettant « l'exercice effectif de la citoyenneté ».

Toujours selon cet article 140, la réalisation du nouvel objectif national passe « notamment » par :

• le développement, en priorité dans les zones défavorisées, des activités artistiques, culturelles et sportives 

• la promotion de la formation dans le secteur de l'animation et des activités périscolaires 

• des actions de sensibilisation des jeunes fréquentant les structures de vacances et de loisirs collectifs 

• le développement des structures touristiques à caractère social et familial et l'organisation du départ en vacances des personnes en situation d'exclusion.

S'agissant des vacances, l'article 140 « n'est pas purement incantatoire », a tenu à préciser Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme (J. O. A. N.  (C. R.) nº 50 du 20-05-98). Plus concrètement, l'égalité des chances d'accès aux vacances sera ainsi renforcée par le projet de loi destiné à faire bénéficier du chèque-vacances les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés (5). En outre, a-t-elle poursuivi, une bourse solidarité-vacancespermettra une mise en commun des moyens disponibles en termes de places de transport et d'accueil des familles en situation d'exclusion dans les équipements de vacances. Action qui mobilisera un partenariat entre les acteurs du tourisme et les associations investies dans le départ en vacances des familles les plus démunies. Enfin, des projets organisés par des associations pour faire découvrir d'autres pays à des jeunes et des familles en difficulté seront financés.

Concernant l'accès au sport, l'exposé des motifs, reprenant le programme d'action gouvernemental, annonce la création des coupons-sports au profit de 150 000 jeunes pour adhérer à des associations sportives, la relance de l'opération ticket-sport (200 000 jeunes en l'an 2000) ainsi que la mise en place d'un système de bourses(20 000 bourses en l'an 2000) pour l'accès aux formations d'animation trop coûteuses (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur et brevet d'aptitude aux fonctions de directeur).

Enfin, dans le domaine de la culture, est prévue la création d'emplois de médiateurs culturels.

LES ACTEURS

La loi recense les collectivités et organismes impliqués dans la réalisation de cet objectif prioritaire. Il s'agit de l'Etat, des collectivités territoriales, des organismes de protection sociale, des entreprises et des associations.

Ceux-ci peuvent mettre en œuvre des programmes d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et culturelles. Selon le programme d'action gouvernemental, ils privilégieront entre autres l'éducation et les apprentissages culturels en liaison avec les établissements scolaires, l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en lien avec les bibliothèques municipales et les centres documentaires, l'accès aux structures de diffusion, de création ou de formation artistique et culturelle, la valorisation et le soutien des pratiques en amateur.

Par ailleurs, l'article 140 dispose qu' « au titre de leur mission de service public, les établissements culturels financés par l'Etat s'engagent à lutter contre les exclusions ». Cette obligation sera formulée dans la charte du service public actuellement en cours de préparation au sein du ministère de la Culture dont l'objet est de définir les missions de service public des établissements subventionnés.

La modulation des tarifs des services publics (art. 147)

La modulation des tarifs des services publics administratifs à caractère facultatif en fonction du revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer est expressément autorisée. L'ampleur de la modulation est encadrée par l'obligation de fixer le tarif le plus élevé à un niveau inférieur au coût de fonctionnement par usager du service.

Il est en outre indiqué que les taux ainsi déterminés « ne font pas obstacle à l'égal accès de tous les usagers au service ». Ce qui exclut que «  certaines catégories d'usagers puissent se voir refuser le bénéfice des services offerts au motif que leurs revenus leur permettraient de recevoir une prestation équivalente en dehors du service public » (Avis Sén. nº 472, Richert).

Ces dispositions concernent les services sociaux(cantines scolaires, crèches, centres de loisirs...) et lesservices culturels (bibliothèques, musées, conservatoires municipaux...) que les collectivités territoriales prennent librement l'initiative de créer.

Ce faisant, la loi contre les exclusions codifie l'évolution de la jurisprudence administrative, a expliqué le rapporteur devant le Sénat (Rap. A. N. nº 450, Seillier). En effet, le Conseil d'Etat avait progressivement reconnu la possibilité d'une modulation tarifaire fondée sur la situation financière des familles pour les services publics sociaux (cantines scolaires, crèches, centres de loisirs). Il ne l'avait cependant accepté, s'agissant des services publics culturels, que pour les écoles de musique. Ainsi, la loi généralise le principe de modulation tarifaire à l'ensemble des services publics administratifs à caractère facultatif.

Florence Elguiz

Notes

(1)  Voir ASH n° 2077 du 26-06-98.

(2)  Circulaire n° 98-145 du 10 juillet 1998 - Voir ASH n° 2082 du 28-08-98.

(3)  Voir ASH n° 2062 du 13-03-98.

(4)  Voir ASH n° 2061 du 6-03-98.

(5)  Voir ASH n° 2082 du 28-08-98.

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